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Stages à l’étranger : les rêves et les craintes des “bac pro” d’Enghien-les-Bains

Une consultation citoyenne s’est tenue le 12 octobre au lycée polyvalent Gustave-Monod d’Enghien-les-Bains (Val d’Oise) auprès des élèves en bac pro sur la possibilité d’effectuer leurs stages à l’étranger. Par petits groupes, ils se sont interrogés sur les possibles freins à une telle mobilité. Parmi les principaux obstacles identifiés : le financement, la langue ou encore l’éloignement familial.

A l'issue des ateliers par petits groupes, les propositions des élèves pour pallier les freins à la mobilité sont présentés en plénière - Crédits : Justine Daniel
A l’issue des ateliers par petits groupes, les propositions des élèves pour pallier les freins à la mobilité sont présentées en plénière - Crédits : Justine Daniel

Qui pense qu’il est possible de faire son stage à l’étranger ?” , lance ce matin-là Philippe Bonneville, proviseur de l’imposant lycée d’Enghien-les-Bains (2200 élèves). Quelques timides mains se lèvent dans la grande salle du rez-de-chaussée, où une centaine d’élèves de différentes filières professionnelles des lycées Gustave-Monod et Gustave Eiffel (Rueil-Malmaison, Hauts-de-Seine) sont rassemblés.

Vendredi 12 octobre, à l’occasion des Erasmus Days, le lycée a décidé de consulter ses élèves en bac professionnel sur la possibilité d’effectuer leurs périodes de formation en entreprise (PMFP) - 22 semaines obligatoires sur trois ans - à l’étranger. Pourquoi aimeraient-ils partir ? Pourquoi ont-ils peur ou n’ont-ils pas envie de le faire ? Des petits groupes de 11 à 15 lycéens sont constitués pour y réfléchir.

En septembre, Emmanuel Macron a proposé la mise en place d’un Erasmus lycéen. La consultation du jour est ainsi co-organisée par le Conseil national économie éducation (CNEE), une instance ministérielle chargée de réfléchir à la mobilité en formation professionnelle. Et Matthieu Merciecca, délégué général adjoint au CNEE, est ravi de cette opportunité qui lui permettra de nourrir son prochain rapport : “on cherche à savoir pourquoi les lycéens veulent partir ou pas, et c’est en les écoutant qu’on sait ce qu’ils veulent” .

Post-it

Ce dernier anime l’un des ateliers, composé de 11 jeunes de la seconde “Métiers de l’électricité et de ses environnements” (MELEC) du lycée Gustave-Monod. Il distribue à chacun trois post-its : “Pourquoi aimerais-tu partir ? Pourquoi n’aimerais-tu pas partir ? Dans quels pays aimerais-tu partir ?” . Du côté des élèves, on s’inquiète plutôt de la queue qu’il y aura à la cantine si cette matinée de travail se termine après midi pile… “Vous sortez vos crayons maintenant” , les somme Fabien Couturier, professeur d’électrotechnique. On se met bruyamment au travail. “Imaginez que vous partez demain, demandez-vous ce que vous ressentiriez, essayez de mettre des mots dessus” , suggère Matthieu Merciecca.

Sur le tableau blanc de la salle de classe dans laquelle sont rassemblés les élèves, il dessine trois colonnes et note les réponses. Youssouf veut découvrir une culture étrangère mais a peur de ne pas se faire comprendre. Saïm se demande si le temps de séjour ne sera pas trop court - mais ils sont nombreux à s’inquiéter de l’inverse.

Principale inquiétude : le budget

Les élèves sont surtout conscients qu’un stage de cinq semaines à l’étranger implique de nombreuses dépenses comme le transport ou l’hébergement. Avec les financements Erasmus et de la Région, “on a payé 250€ de participation pour partir en plus de tous les frais pris en charge par le lycée” , expliquent Jade et Johanna, qui sont allées en Irlande l’année dernière dans le cadre de leur bac pro Gestion administrative au lycée Gustave Eiffel, qui propose déjà ce genre d’opportunités. “Si 90% du voyage est pris en charge, vous y allez ?” , demande donc Matthieu Merciecca aux lycéens de Gustave Monod. La réponse par l’affirmative est presque unanime. Reste à financer la vie sur place : visites, sorties, etc. Johanna et Jade ont chacune dépensé environ 600€ pour leurs extras et imprévus. Lors de la restitution en plénière, les groupes ont proposé des solutions : “faire des petits boulots” en amont ou une fois sur place.

D’autres éléments contribuent à freiner les lycéens. Les écarts culturels et les relations sur place, par exemple. Car être avec des inconnus tout le temps ne va pas de soi : “au bout d’un moment ça devient trop long, donc il faut garder un peu contact avec sa famille” , explique Johanna. L’éloignement familial compte aussi parmi les craintes des lycéens : “La plupart n’ont jamais quitté leur famille pendant cinq semaines” , explique Mme Ndaw, professeure de lettres et d’histoire-géo. Les stagiaires se retrouvent tout d’un coup très indépendants et libres. Et enfin, il y a la barrière de la la langue. Solution proposée : suivre des cours en amont, mais c’est aussi un facteur de sélection des élèves qui pourront partir.

Informer les lycéens

La tenue d’une consultation citoyenne sur la mobilité en apprentissage, c’est aussi une façon d’informer les élèves sur les opportunités qui existent et pourraient bientôt leur être proposées. David, Gabriel, Lucas et Youssouf, en seconde à Gustave-Monod, apprécient l’initiative : “on est content de pouvoir participer et d’en parler” . “C’est bien de nous demander notre avis” , confie un autre élève de seconde.

Fabrice Couturier acquiesce : “ça va aussi permettre de les informer.” “C’est tout l’intérêt d’aujourd’hui : peu d’élèves ont levé la main ce matin. Là, on leur montre qu’ils peuvent partir avec une bourse” , observe Mme Jessica a effectué une mobilité en Irlande en 2015Ndaw. Parmi ses élèves en terminale “Techniciens d’usinage” , “il y en a qui semblent vraiment intéressés pour partir” , ajoute-t-elle.

Car une telle expérience est aussi un avantage pour nourrir son CV en vue de poursuivre ses études. En 2015, alors qu’elle était élève en bac pro “Gestion administrative” , Jessica est partie à Dublin. Elle a travaillé plusieurs semaines à la bibliothèque d’une université. “J’ai aimé autant le pays que l’entreprise. Cette expérience est une vraie plus-value sur mon CV : j’ai rejoint un BTS Tourisme et j’ai pu avoir d’autres expériences à l’étranger. Pour la poursuite d’études, l’intérêt d’une mobilité n’est pas négligeable.

Quelques élèves concernés

La démarche intéresse aussi Philippe Bonneville, proviseur de l’établissement. Le lycée espère pouvoir proposer cette opportunité à des élèves. Mais c’est une charge importante pour l’établissement : “tout ça demande de trouver des stages à l’étranger pour nos élèves. Et de trouver des partenariats avec des lycées étrangers pour accueillir, nous aussi, des élèves d’autres pays”.

Sans compter que pour recevoir des financements régionaux ou européens, il faut se remonter les manches. “On doit remplir un dossier de 15 à 20 pages, qui en fait 50 une fois que c’est terminé” , explique Mme Luciani, professeure de gestion administrative. Chaque année, c’est elle qui est en charge de cette tâche au lycée Gustave Eiffel, mais “ça demande beaucoup de travail. Pour le rapport final, j’y ai passé au moins 30 heures.” Ce dossier, s’il obtient une note suffisante, permet à l’établissement d’accéder à des fonds pour financer transport et hébergement.

L’opportunité de partir en stage à l’étranger n’est finalement offerte qu’à quelques élèves. “Nous étions 12 ou 13 à vouloir partir et 7 à y être finalement allés” , explique Johanna. Les exigences envers les élèves sont également très importantes : comportement, langue étrangère… Leur dossier à eux aussi est minutieusement scruté.

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