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Souffrance animale dans les abattoirs : quelles réglementations françaises et européennes ?

Le bien-être animal est une question qui suscite une attention croissante en Europe. En France, les images tournées clandestinement dans des abattoirs montrant des animaux tués dans des conditions insoutenables ont fait le tour des médias et des réseaux sociaux. Ces dernières années, des associations de protection des animaux comme L 214 en France ou encore Animal Aid aux Royaume-Uni ont acquis une réelle notoriété auprès de la société civile et de la classe dirigeante. L’Hexagone est pourtant à la traîne par rapport à ses voisins européens, profitant de l’opacité des normes européennes notamment sur les conditions d’abattage des animaux.

Tour d’horizon des abattoirs : à chaque pays européen son scandale

L’association L 214, nommée d’après le nom de l’article L214 du code rural français désignant les animaux en tant qu’êtres sensibles a vu le jour en 2008. C’est notamment sous la pression de ses vidéos diffusées sur internet, montrant des animaux torturés, des veaux prêts à naître jetés à la poubelle, ou encore des moutons conscients découpés, qu’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français a été créée en mars 2016. Depuis, le débat a évolué et le gouvernement français a décidé d’examiner le 12 janvier 2017 un nouveau projet de loi sur le respect des animaux en abattoir.

Dates clés

Janvier 2017 : Débat sur un projet de loi sur le respect des animaux en abattoir
Août 2016 : Présentation d’un rapport parlementaire sur les mauvais traitements dans les abattoirs
Mars 2016 : Création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie
2015 : Modification du code civil, les animaux sont dorénavant identifiés comme des êtres doués de sensibilité
2012 : Scandale après la diffusion par Envoyé spécial d’une enquête sur les problèmes d’hygiène dans les abattoirs français
2009 : Règlement européen sur l’abattage des animaux
1976 : Première loi française sur la politique de protection animale
1974 : Directive européenne en matière de bien-être animal

Au Royaume-Uni, tout comme en France, c’est aussi sous l’impulsion d’une association “Animal Aid” que la cause animale est revenue sur le devant de la scène. Utilisant les mêmes méthodes que L 214, le collectif britannique a filmé clandestinement pendant presque deux ans neuf abattoirs différents pour en dénoncer les pratiques. A la suite de ces révélations, deux personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de 7 à 9 semaines pour sévices envers des animaux. En Italie, l’un des pays les plus carnivores d’Europe, avec une consommation moyenne de 75 kg de viande par tête et par an, la question du bien-être des animaux de boucherie progresse elle aussi. Les nombreux combats de l’association nationale d’éthique animale ont d’ailleurs débouché sur plusieurs condamnations allant jusqu’à 6 mois de prison. En Allemagne enfin, les images dénonçant les cadences infernales dans les abattoirs du pays ont aussi alerté la classe dirigeante et éveillé un réel débat au pays du discount.

Une réglementation européenne encore trop floue

La législation européenne en matière de bien-être animal a vu le jour en 1974 et s’est beaucoup enrichie depuis, notamment en 2013 avec le règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. La notion de bien-être est aujourd’hui définie plus clairement, elle comprend outre la douleur les souffrances psychologiques comme la peur par exemple.

Parmi les mesures phares de l’Union européenne dans le domaine de la protection animale, on retrouve l’obligation pour les exploitants de désigner pour chaque abattoir un responsable du bien-être des animaux. Cette disposition demeure néanmoins facultative pour les plus petits établissements. Les textes européens restent très flous quant aux normes à suivre au moment de l’abattage des animaux. “L’abattage rituel” pose de nombreuses questions. L’abattage sans étourdissement, ou avec étourdissement après la saignée de l’animal est possible dans certains pays européens comme la France grâce à une dérogation. Dans d’autres Etats membres notamment au Danemark, à Malte, au Luxembourg ou encore en Slovénie, ces pratiques sont strictement interdites.

Les aléas de l’élevage intensif comme l’abattage de vaches en gestation ou encore le débecquage des poules pondeuses - pour éviter le cannibalisme - sont encore aujourd’hui tolérés par l’Union européenne. “Le règlement de 2009 sur l’abattage ne fait pas état des femelles gestantes, seule la question du transport y est évoquée. Le transport des femelles gestantes est interdit dans les 10% de temps restants avant le vêlage” , explique Jean-Paul Denanot, député européen et membre de la commission Agriculture au Parlement européen.

L’autorité européenne de sécurité des aliments réalise actuellement une étude pour apporter un éclairage scientifique sur le dossier des vaches gestantes. En fonction des réponses apportées par l’autorité compétente, la Commission européenne apportera des éléments supplémentaires au texte de 2009″ , précise-t-il. En novembre 2016, l’eurodéputé socialiste a annoncé qu’il saisissait la Commission européenne pour obtenir un état des lieux concernant la législation de l’abattage des animaux en Europe. Le cas des chevaux est selon lui particulièrement inquiétant : “il n’existe pas spécifiquement d’abattoirs pour chevaux, ce sont des abattoirs pour bovins qui sont sollicités et malheureusement leur équipement n’est pas adéquat. Les doses employées pour les bovins ne sont pas suffisantes pour les chevaux ce qui occasionne des réveils au moment de l’abattage” .

Le manque de contrôle dans les abattoirs ou encore l’absence d’obligation concernant la pose de caméras de surveillance dans les établissements posent encore de nombreuses questions. Ils ont notamment pour conséquence le contournement fréquent de la législation européenne par des employés peu scrupuleux.

La France à la traîne sur le bien-être des animaux

Le ministère français de l’Agriculture a lancé en avril 2016 un plan stratégique sur quatre ans pour améliorer le bien-être animal. Une première, puisque le gouvernement français a toujours freiné des quatre fers à l’heure d’aborder le droit des animaux avec ses homologues à Bruxelles. “La proposition a été faite de rendre la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs en France, cependant cette dernière est assez controversée car elle remet directement en cause les salariés dans les abattoirs. Il y a une sorte de frilosité du côté français sur ces questions-là car derrière il y a la remise en cause de l’élevage par l’association L 214″ , constate Jean-Paul Denanot. Dans le projet de loi débattu le 12 janvier à l’Assemblée nationale, les députés demandent que la vidéosurveillance soit généralisée dans les abattoirs à partir du 1er janvier 2018.

Si l’amélioration du bien-être animal en est à ses balbutiements en France, dans d’autres pays européens, en revanche, la cause animale est très populaire. C’est aux Pays-Bas que la défense des droits des animaux semble la mieux intégrée dans le spectre politique. Le parti pour les animaux, Partij voor de Dieren a d’ailleurs gagné deux sièges au Parlement en 2006 et a même envoyé une tête de liste au Parlement européen en 2014. Au pays de la corrida, le Parti animaliste contre la maltraitance animale Pacma gagne doucement de l’influence avec un score de 1,19% aux dernières élections législatives. Le parti de protection des animaux allemand, crée en 1993, se stabilise quant à lui à 1% des voix. En France, aucun parti politique ne se consacre exclusivement à ce sujet même si les écologistes en demeurent les plus grands défenseurs.

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1 commentaire

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    Bernadette KLEINHANS

    Que c’est long ! Pour avancer, il faudrait vraiment l’obligation de caméras dans les abattoirs, à commencer par la France, si mauvaise élève.