Le marché du recyclage en France représente 26100 emplois, 17 millions de tonnes de matériaux recyclés utilisées, et un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros.
Que représente aujourd’hui le marché du recyclage en France ?
Le marché du recyclage en France, selon Federec (la Fédération des industriels du recyclage) évalue le nombre de salariés direct de l’industrie du recyclage à 26 100, répartis sur 1300 entreprises, pour un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards d’euros.
C’est un marché en plein essor compte-tenu de l’évolution de la réglementation et de la nécessité de préserver l’environnement et les ressources. C’est aussi une industrie au cœur de l’économie circulaire puisqu’elle permet de créer des emplois locaux, pérennes et non-délocalisables quant à la gestion des déchets, et de fabriquer localement des matières premières issues du recyclage vendues partout dans le monde, en substitution des matières premières vierges.
Quels ont été les leviers au développement de cette activité ?
La formidable prise de conscience environnementale par les citoyens et sa traduction dans une évolution intelligente de la réglementation européenne et nationale sur les déchets a permis l’essor de cette industrie depuis vingt ans. Je pense par exemple aux lois Lalonde en France ou à la hiérarchisation des modes de traitement de déchets en Europe. Le recyclage est une solution d’avenir, car il permet de passer d’une économie de la matière à une économie des ressources : une matière première peut être utilisée plusieurs fois.
Vos clients sont très différents (collectivités, industries et autres entreprises). Comment parvenez-vous à valoriser les différents types de déchets qu’ils produisent ?
Le groupe a 40 000 clients industriels et 1250 collectivités partenaires. La force de Paprec est de s’adapter à chacun d’entre eux, de proposer des solutions de collecte et de tri sur-mesure pour valoriser en matière tout ce qui peut l’être. Nos 200 sites et usines nous permettent de regrouper et trier ces déchets pour les transformer en matières premières issues du recyclage. Certains de nos sites sont dédiés à une catégorie de matière, nous avons par exemple douze usines de régénération de plastique. L’une d’entre elles permet de refaire des bouteilles à partir de bouteilles plastiques. Autre exemple : nous avons plusieurs chaines de tri dédiées aux déchets de chantiers, ce qui nous permet de proposer à nos clients une valorisation dépassant les 80%, parmi les plus élevées de la profession. Nous traitons ainsi dix millions de tonnes de déchets par an.
Selon les derniers chiffres d’Eurostat, la France recycle 39,5% de ses déchets ménagers, soit moins que la moyenne européenne située à 45 %. En haut du classement, l’Allemagne recycle 66,1% des déchets municipaux, l’Autriche 56,9% et la Slovénie 54,1%.
Pour réaliser ce calcul, Eurostat se réfère au règlement relatif aux statistiques sur les déchets, modifié par le règlement de la Commission européenne. Les données sont collectées auprès des Etats membres sur la base de définitions et de classifications harmonisées.
Quelles sont les avancées permises par le paquet sur l’économie circulaire ?
Le paquet économie circulaire vise à apporter une harmonisation. En l’occurrence, il est important que ce dernier calcule le taux de recyclage en sortie de centre de tri, et non pas en entrée d’usine consommatrice. C’est en effet la garantie d’avoir une donnée qui reflète la réalité du recyclage sur le territoire des déchets produits par ce même territoire. Un calcul en entrée d’usine consommatrice nous conduirait à écarter les matières premières exportées hors Europe alors qu’elles sont produites localement à partir de nos déchets, et au contraire à intégrer des déchets produits par d’autres pays.
La définition des déchets municipaux que présentera la paquet économie circulaire devra aussi refléter la réalité du terrain et se concentrer sur les déchets des ménages - et exclure les déchets produits par les entreprises, tertiaires notamment.
L’Europe a fixé à ses États membres un objectif de recyclage de 70% de leurs déchets municipaux d’ici à 2030. Pour l’instant, le chiffre européen est de 45%. Selon vous, comment la filière va-t-elle s’organiser en France pour répondre à ces exigences ?
Cette question interroge la définition même des déchets municipaux : il s’agit bien sûr ici des déchets ménagers et assimilés, pas des déchets industriels ni des entreprises. Cet objectif est souhaitable, et atteignable. En France, les premiers effets de la loi de transition énergétique pour la croissance verte devraient montrer des résultats en hausse.
Il faut, enfin, une vraie incitation à l’utilisation des matières premières issues du recyclage par les industries consommatrices. La prise en compte d’un prix du carbone, peut-être pour l’attribution de subventions dans un premier temps, sera un vrai moteur en les rendant compétitives par rapport aux matières vierges. Je pense aux plastiques notamment.
La concurrence entre industriels du recyclage, très performants en France, permettra ensuite d’atteindre ces objectifs. L’Etat doit veiller à la poursuite de l’intérêt général, et non la poursuite d’un but lucratif comme c’est parfois le cas chez d’autres éco-organismes mis en concurrence, en Allemagne notamment.
Avez-vous véritablement ressenti l’impact des mesures prises par l’Union européenne sur votre secteur d’activité ?
En 23 ans, nous ne l’avons pas seulement ressenti mais vécu ! L’Union européenne a permis une harmonisation de la réglementation en fixant des objectifs ambitieux. La hiérarchisation des modes de traitement de déchets ou les normes environnementales ont véritablement permis au recyclage de progresser.
Cette année, la Chine a décidé d’interdire l’importation de déchets plastiques usagés en provenance de l’UE (soit 1/3 de notre production annuelle). Est-ce selon vous une véritable opportunité ?
Dorénavant, la Chine n’acceptera sur son territoire que des plastiques “purs” à 99,3%, c’est-à-dire qu’il faudra avoir enlevé étiquettes, scotch, agrafes… et avoir réalisé le lavage de ces produits. C’est une industrie qui va se relocaliser ailleurs qu’en Chine. Nous avons évidemment chez nous les compétences pour monter ce genre d’usine. Cela pourrait donner l’opportunité de redévelopper une industrie et créer des emplois. L’investissement cependant n’est pas négligeable : nous avons besoin de signaux forts permettant à l’industrie du recyclage d’être compétitive.
Comment imaginez-vous le marché du recyclage en France et en Europe d’ici à 2030 ?
En 2030, je pense que les outils digitaux auront permis à l’industrie du recyclage de gagner en flexibilité et en réactivité. Surtout, je pense que notre métier aura évolué et de nouvelles compétences apparaitront, comme par exemple la qualification des matières pour les aiguiller vers le réemploi ou le recyclage. En revanche, on ne pourra pas s’affranchir de l’importance des hommes et des femmes qui œuvrent quotidiennement, dans les usines, pour une planète plus verte.