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Se rassembler pour affronter l’avenir, par Isabelle Jégouzo

Le 25 mars prochain, l’Europe fêtera ses 60 ans à l’occasion de l’anniversaire du traité de Rome. Or fragilisée par la défiance grandissante des citoyens et par le Brexit, l’Union européenne semble à un tournant de son histoire.

Pour envisager l’avenir et les pistes de relance de la construction européenne, Toute l’Europe donne la parole à Isabelle Jégouzo, chef de la Représentation de la Commission européenne à Paris. Selon elle, les succès, souvent méconnus de l’UE, peuvent inspirer les Européens au moment de décider “de ce qu’ils veulent faire ensemble”.

Isabelle Jégouzo

Par Isabelle Jégouzo, chef de la Représentation de la Commission européenne à Paris

Il y a soixante ans, les membres fondateurs de l’Union européenne se sont mis d’accord pour régler leurs différends autour d’une table plutôt que sur un champ de bataille, entamant un parcours d’intégration unique dans l’histoire de l’humanité.

La construction européenne a accompagné la plus longue période de paix sur le continent européen dans l’histoire, saluée en 2012 par le prix Nobel.

Il y a soixante ans, seuls 12 des actuels 28 Etats membres étaient des démocraties dans lesquelles la dévolution du pouvoir résultait d’élections libres. Aujourd’hui, tous les citoyens européens peuvent voter et se présenter à des élections. Au fil des élargissements, l’entrée dans l’Union européenne a symbolisé, pour beaucoup des nouveaux entrants, la consécration du retour à l’Etat de droit et aux principes démocratiques.

Isabelle Jégouzo est chef de la Représentation de la Commission européenne à Paris depuis 2016. Magistrate de carrière, elle a notamment travaillé à l’Office de lutte anti-fraude de la Commission européenne (OLAF) et au Secrétariat général des Affaires européennes (SGAE).

Aujourd’hui, 500 millions de citoyens vivent libres dans une des régions les plus prospères de la planète. L’Europe représente le plus grand marché au monde, elle est la première puissance commerciale au monde. Sa monnaie est la deuxième monnaie la plus utilisée.

Aujourd’hui, 500 millions d’Européens peuvent circuler librement, travailler, étudier s’installer dans tous les Etats membres. Erasmus, qui fête cette année ses 30 ans, a permis à 3 millions de jeunes Européens, étudiants mais aussi stagiaires, apprentis, professionnels, enseignants, bénévoles, d’effectuer une mobilité dans un autre pays européen, expérience essentielle non seulement pour l’acquisition des connaissances et des compétences, mais aussi (surtout ?), pour découvrir la diversité européenne et la richesse culturelle et humaine qui la constitue.

L’Europe est aussi la zone du monde où l’égalité entre les hommes et les femmes est la plus respectée. Rien n’est gagné dans ce domaine, et en particulier l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes, inscrite dans le traité de Rome en 1957, n’est toujours pas complètement une réalité, mais nulle part ailleurs dans le monde la cause de l’égalité homme-femme n’est portée avec autant d’énergie.

La solidarité est une des valeurs fondamentales de l’UE

Comme l’a dit le président Juncker, “l’Union européenne, ce n’est pas le Far West ! C’est une économie sociale de marché, sans doute la plus avancée au monde !” . L’Union a adopté des règles minimales concernant les conditions de travail, la santé et à la sécurité au travail, le droit à l’information, à la consultation et à la représentation des salariés ou le temps de travail, les congés de maternité et parentaux. Les congés minimums sont de 4 semaines en Europe. Ils sont de 10 jours au Canada et au Japon ! Il n’y a pas de durée légale de congés payés aux Etats Unis !

L’Union agit également pour la formation et l’emploi par le Fonds social européen. Près de 100 millions d’Européens ont bénéficié du soutien du Fonds social européen sur la période 2007-2013 : près de 10 millions ont trouvé un emploi tandis que 9 millions ont pu obtenir une qualification ! L’Union exprime aussi sa solidarité avec les plus vulnérables : sait-on par exemple que le fonds d’aide aux plus démunis de l’Union européenne finance un repas sur quatre aux Restos du Cœur ?

La solidarité de l’Union s’exprime aussi à l’extérieur : sait-on que l’Union européenne est le premier donateur d’aide au développement et d’aide humanitaire ? Depuis 2010, l’Union européenne a prodigué une aide à près de 100 millions de personnes au Sahel, en Syrie et au Soudan du Sud, elle a mis en place un plan d’intervention qui a permis de vaincre le virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Elle a secouru près de 6,5 millions de Syriens déplacés à l’intérieur de leur pays, et 4,6 millions de Syriens réfugiés dans les pays voisins (Liban, Jordanie, Irak, Turquie, Egypte), ainsi que leurs communautés d’accueil.

Face aux grands défis auxquels notre époque est confrontée, l’Union nous donne les moyens d’affronter l’avenir. Les Européens peuvent être fiers d’Horizon 2020, qui est le plus grand programme multinational de recherche au monde. Galileo, qui permet désormais à l’Europe d’affirmer son autonomie stratégique dans le domaine de l’observation satellitaire et de la géolocalisation ; le Programme “Trappist” qui a permis récemment la découverte d’un ensemble d’exoplanètes ressemblant au système solaire ; les multiples programmes de recherche dans le domaine de la santé, de la lutte contre le cancer ou les maladies rares… tout cela n’existerait pas sans l’Union européenne.

Face au réchauffement climatique, seule l’action au niveau de l’Union européenne peut avoir de l’impact. Sans l’Union européenne, l’accord de Paris n’aurait pas été signé. En proposant de réduire ses émissions de 40% à l’horizon 2030 par rapport au niveau de 1990, l’Union européenne se positionne en leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique. Et cela se traduit concrètement ! L’Union a décidé de consacrer 20% au moins de son budget à l’action climatique. Le Plan d’investissement (Plan Juncker) mobilise massivement pour la rénovation énergétique de bâtiments ou le développement des énergies renouvelables.

L’Union européenne, c’est aussi une présence forte dans les territoires. Le réaménagement de la baie du Mont-Saint-Michel, la création de la grotte de Lascaux 4, le Louvre à Lens : autant de projets qui ont été soutenus par l’UE ! Toute l’Europe présente d’ailleurs à l’occasion des 60 ans du Traité de Rome, 60 belles histoires illustrant de manière très concrète, l’apport des politiques de l’UE.

Pourtant aujourd’hui l’Europe doute d’elle-même. La crise financière, la crise grecque, la crise des réfugiés, ou encore les attaques terroristes l’ont ébranlée et ont parfois mis à mal la solidarité entre ses membres. Le Royaume-Uni vient de décider de quitter l’Union, et elle doit dans de nombreux Etats membres faire face à la désaffection des peuples. Beaucoup ont l’impression d’être restés au bord du chemin et de n’avoir pas pu profiter des multiples opportunités qu’elle offre.

Ce qui a été fait en 60 ans est extraordinaire. C’est aussi fragile !

C’est pourquoi, alors que les discussions sur le Brexit vont commencer et que dans deux ans nous ne serons plus que 27, il est temps de décider ensemble, de ce que nous voulons faire ensemble. L’Europe a son destin et son avenir entre ses mains.

Alors que la population européenne ne représente plus que 6% de la population mondiale contre 25% en 1900, alors que la part de l’Europe dans le PIB mondial est en recul, alors que nous vivons dans un environnement mondial de plus en plus tendu, et qu’être une puissance douce ne suffit plus lorsque la force peut prévaloir sur le droit, il est plus important que jamais de rester unis.
La Commission considère donc qu’il est temps de refonder le pacte originel à l’origine de l’Union. Il faut aujourd’hui renouer avec la légitimité, et devant les attaques dont la construction européenne est l’objet, décider ensemble de ce que nous voulons faire ensemble.

C’est la raison pour laquelle elle a publié, le 1 mars le Livre blanc sur l’avenir de l’Europe. Il contient 5 scénarios : s’inscrire dans la continuité ; approfondir uniquement le marché unique ; permettre à ceux qui veulent plus de faire plus ; faire moins mais de manière plus efficace ; faire beaucoup plus ensemble.
Ces 5 scénarios doivent désormais servir de base à des dialogues avec les gouvernements, avec les parlements et avec les citoyens. Plusieurs étapes rythmeront ces débats. En septembre, à l’occasion du discours sur l’état de l’Union du président de la Commission européenne, et en décembre prochain lors du Conseil européen. Les élections européennes de 2019 clôtureront ce temps de dialogue alors que l’Union à 27 prendra son essor.

Après 60 ans de construction européenne qui ont apporté des progrès majeurs dans tous les domaines de la vie quotidienne, les Européens doivent décider ensemble sur leur avenir commun, pour continuer à peser sur l’histoire du monde.

60 ans du traité de Rome : quel avenir pour l'Europe ?

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