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Rencontre Merkel-Hollande : le couple franco-allemand encore au cœur de l’Europe

Vendredi 27 janvier, Angela Merkel reçoit François Hollande pour un déjeuner de travail à Berlin. La conclusion d’une semaine de rencontres franco-allemandes dans le cadre du 54e anniversaire du traité de l’Elysée. Et une occasion pour les deux dirigeants de réintensifier leur collaboration à deux mois des célébrations du 60e anniversaire du traité de Rome. En dents de scie depuis le début du quinquennat, la relation entre la France et l’Allemagne demeure toutefois la base de la stratégie européenne des candidats français à la présidentielle et le prisme par lequel s’envisage l’avenir de l’UE.

Angela Merkel et François Hollande, en octobre 2015 au Parlement européen

Contrastées depuis le début du quinquennat, les relations entre François Hollande et Angela Merkel arrivent à leur terme. Ayant renoncé à briguer un second mandat, le chef de l’Etat passera à coup sûr la main en mai prochain. La chancelière, pour sa part, est de retour dans l’arène électorale et essaiera d’obtenir un nouveau mandat de quatre ans en septembre. Il s’agirait de son quatrième à la suite.

Le Brexit et Donald Trump pour resserrer les rangs

Les célébrations du 54e anniversaire du traité de l’Elysée cette semaine, et celles à venir du 60e anniversaire du traité de Rome le 25 mars prochain, offrent aux dirigeants français et allemand de nouvelles occasions de raffermir leurs liens. De fait, plusieurs sujets brûlants, invitant à une action conjointe des deux pays, vont être évoqués. Parmi ceux-ci : le Brexit, dont la procédure devrait démarrer d’ici la fin mars, l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, source de turbulences pour l’Europe, ainsi que la crise des réfugiés, dont la gestion est à géométrie variable entre Paris et Berlin.

Faisant montre de cohésion, les gouvernements français et allemand ont multiplié, ces dernières semaines, les déclarations coordonnées s’agissant de l’avenir de l’Europe. “Je pense que nous les Européens avons notre destin dans nos propres mains” , a par exemple déclaré Angela Merkel à la suite de l’interview donnée par Donald Trump au Times et à Bild. Le nouveau président américain y avait critiqué une Europe trop dominée par l’Allemagne et que d’autres Etats, après le Royaume-Uni, vont vouloir quitter. Dans un style plus direct, François Hollande avait répondu que “l’Europe n’a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu’elle à faire” .

Accords de Minsk, crise des réfugiés et sauvetage de la Grèce

Unies, la France et l’Allemagne l’ont été à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années. D’abord lors de la crise ukrainienne démarrée en 2013 et qui a abouti, grâce à l’action commune de François Hollande et Angela Merkel aux fragiles mais tangibles accords de Minsk, signés le 11 février 2015 par Vladimir Poutine et Petro Porochenko, les présidents russe et ukrainien. Ensuite lorsque la France et l’Allemagne ont été frappées, en 2015 et 2016, par des attentats meurtriers. L’image d’Angela Merkel posant son visage contre François Hollande avant de défiler à ses côtés durant les manifestations monstres après l’attaque de Charlie Hebdo restera l’une des plus marquantes de l’amitié franco-allemande.

De gauche à droite : Alexandre Loukachenko (Biélorussie), Vladimir Poutine, Angela Merkel, François Hollande et Petro Porochenko, le 11 février 2015 à Minsk

De gauche à droite : Alexandre Loukachenko (Biélorussie), Vladimir Poutine, Angela Merkel, François Hollande et Petro Porochenko, le 11 février 2015 à Minsk

A l’inverse, cette dernière a été mise à l’épreuve par la crise des réfugiés. Mal à l’aise vis-à-vis de la politique d’ouverture de la chancelière, le gouvernement français n’a pas suivi Berlin sur ce terrain. Alors Premier ministre, Manuel Valls a été jusqu’à acter l’échec de cette stratégie à l’occasion d’un déplacement en Allemagne en février 2016, laissant entendre qu’elle pourrait “finir par détruire les fondements de l’Europe” . Une intervention qui avait heurté outre-Rhin.

Enfin, et surtout, les questions économiques ont rythmé le dialogue au sein du couple franco-allemand. Elu sur la promesse de la renégociation du Pacte budgétaire, François Hollande s’est rangé à l’orthodoxie allemande, ardemment défendue par le ministre des Finances Wolfgang Schäuble. Soucieux d’éviter d’être sanctionné par Bruxelles pour déficit excessif, le président français obtiendra toutefois la mansuétude de l’exécutif européen et du gouvernement allemand. Un accord sur la création de l’Union bancaire sera toutefois trouvé en 2014 - un dispositif qui assure la surveillance et la gestion des 130 plus grandes banques d’Europe. Quant à la Grèce, au plus fort de la crise de l’été 2015, M. Hollande est finalement parvenu à s’entendre avec son homologue allemande pour permettre au pays de rester dans la zone euro. Alors même que la chancelière était pressée de prendre la décision inverse par une partie de son entourage, dont M. Schäuble.

François Fillon et Emmanuel Macron font étape à Berlin

Brexit, relations avec la Russie et les Etats-Unis, immigration, économie : autant de dossiers non résolus qui devront être abordés par le prochain président français et Angela Merkel ou son successeur. Aucun des principaux candidats à l’élection présidentielle française ne fait d’ailleurs l’impasse sur l’avenir du couple franco-allemand dans sa stratégie européenne.

C’est notamment le cas de François Fillon, qui a été reçu par Mme Merkel le 23 janvier à Berlin. Proposant un projet résolument souverainiste et souhaitant une Europe intergouvernementale, le candidat des Républicains fait du franco-allemand l’alpha et l’oméga de son programme pour l’Europe. Présenté par la chancelière comme “le meilleur rempart face au Front national” , l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy pourra compter sur la loyauté partisane d’Angela Merkel et a insisté sur la nécessité de bâtir une “meilleure gouvernance de la zone euro” . Un sujet d’autant plus consensuel que M. Fillon a fait du sérieux budgétaire un élément fondamental de son argumentaire. Les sujets de discorde ne manqueraient toutefois pas à ce possible prochain couple franco-allemand. Comme la politique migratoire - François Fillon est contre toute répartition des migrants au sein de l’Union. Ou encore la tactique à adopter à l’égard de la Russie : Angela Merkel défend la poursuite des sanctions quand François Fillon veut y mettre un terme.

Angela Merkel et François Fillon, en 2010

Angela Merkel et François Fillon, en 2010

La proximité budgétaire et le clivage sur le plan migratoire : lors de son propre déplacement en Allemagne, les 10 et 11 janvier, Emmanuel Macron a choisi une tactique exactement inverse. Comme le relate notamment Arnaud Leparmentier dans Le Monde, l’ancien ministre de l’Economie, qui n’a pas rencontré Angela Merkel, a reçu le soutien de Joschka Fischer, ancien ministre allemand (écologiste) des Affaires étrangères. Au cours d’un discours donné à l’université Humboldt à Berlin, M. Macron a remercié Mme Merkel d’avoir “sauvé notre dignité collective” par sa politique d’immigration, avant d’accuser l’Allemagne de profiter des “dysfonctionnements de l’euro” en ne permettant pas davantage de convergence économique. S’il est élu président, le leader d’En marche tâchera de trouver un accord avec Berlin pour renforcer le budget européen et mettre en place davantage d’intégration.

En ce qui les concerne, les socialistes français, dont le candidat sera élu dimanche 29 janvier, apparaissent divisés sur l’attitude à adopter avec le gouvernement allemand. Si Manuel Valls place également le couple franco-allemand au centre de son programme européen, ce n’est pas le cas de Benoit Hamon, qui dénonce “l’échec du directoire” entre Paris et Berlin et qui serait susceptible de privilégier une contre-alliance avec les pays d’Europe méditerranéenne.

Mais au fond, quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle - sauf naturellement s’il s’agit de Marine Le Pen qui entend renverser la table européenne - la question de l’avenir de l’Europe et donc du moteur franco-allemand sera posée. Et de la prochaine coalition gouvernementale allemande, qui découlera des élections fédérales du 24 septembre prochain, dépendra une partie de la réponse. Annoncée gagnante, Angela Merkel n’adoptera évidemment pas la même politique européenne suivant qu’elle gouverne à nouveau avec les sociaux-démocrates, les écologistes ou les libéraux.

Par Jules Lastennet

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