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Relocalisation des demandeurs d’asile : des objectifs non tenus

Il y a deux ans, l’UE décidait d’un plan de relocalisation des demandeurs d’asile depuis la Grèce et l’Italie vers les autres États membres. Où en est-on aujourd’hui ? Les pays ont-ils rempli leurs objectifs ?

Le plan de relocalisation de la Commission

La relocalisation est le transfert de personnes ayant besoin d’une protection internationale d’un Etat membre de l’UE vers un autre Etat membre de l’UE. Face à l’afflux d’immigrants qui débarquent sur les côtes italiennes et grecques, la Commission européenne a proposé un plan de relocalisation en septembre 2015. Chaque Etat membre s’est engagé à accueillir un certain nombre de demandeurs d’asile sur une période de deux ans. Approuvé à la majorité des Etats membres au Conseil, le plan est par conséquent contraignant. Sauf pour la Grande Bretagne, l’Irlande et le Danemark, dont la clause “d’opting-out” les désengagent. Ils peuvent cependant y participer volontairement, comme le fait l’Irlande.

A l’origine, l’UE prévoyait la relocalisation de 160 000 personnes. 40 000 ont fait l’objet d’un premier plan et 120 000 l’objet d’un second plan. Parmi ces derniers, 15 600 auraient dû être relocalisés d’Italie, 50 400 depuis la Grèce et la place des 54 000 restants aurait dû être attribuée par la suite.

La Commission a revu ses objectifs en septembre 2016 : ceux-ci ne portent plus que sur 98 255 personnes à relocaliser. En effet, l’estimation faite par le Conseil en 2015 était basée sur le nombre d’arrivées enregistrées au moment où les décisions ont été adoptées, et sur la prédiction que cette tendance allait se poursuivre dans le temps. Or depuis, la répartition des demandeurs d’asile et leurs chemins migratoires ont évolué. Le flux, plus faible en Italie qu’en Grèce en 2015, s’est inversé en raison notamment de l’accord avec la Turquie de mars 2016. Il apparaît en outre, d’après les observations de la Commission, que les migrants arrivant sur les côtes italiennes sont en majorité non éligibles à la relocalisation.

En 2015, les Etats membres ont fait des “promesses” d’accueil des demandeurs d’asile. La France, par exemple, a promis de relocaliser 5 940 personnes et en a effectivement accueilli 3 449 venant de Grèce et 330 d’Italie. Mais ce nombre diffère donc de celui présent dans la décision du Conseil (19 174 pour la France).

Le mardi 13 juin 2017, soit presque deux ans après le lancement d’un plan d’action pour la relocalisation des personnes débarquant en Italie et en Grèce, la Commission européenne a lancé des procédures d’infractions à l’encontre de la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque. Ces trois Etats refusent en effet d’appliquer la réglementation sur la répartition des demandeurs d’asile dans l’Union européenne. Si la procédure aboutit, cela aura pour conséquence la saisine de la cour de justice de l’UE et potentiellement de lourdes sanctions financières.

Un bilan à quelques mois de l’échéance

Aujourd’hui, presque tous les Etats membres concernés par le plan accueillent des demandeurs d’asile arrivés en Italie et en Grèce. Seules la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie campent sur leur position et ne relocalisent ni depuis l’Italie ni depuis la Grèce, malgré leurs obligations légales. La Slovaquie et la Hongrie se sont même frontalement opposées au plan de la Commission, attaquant le mécanisme devant la cour de justice de l’UE. Celle-ci a rendu son verdict le 06 septembre 2017 et a rejeté le recours des deux pays.

En particulier, la Hongrie et la Pologne restent les deux seuls pays à n’avoir relocalisé aucune personne depuis décembre 2015, ni de Grèce ni d’Italie. La République tchèque s’est, elle, désengagée depuis mai 2016 et ne relocalise plus personne depuis août 2016. L’Autriche n’a relocalisé personne depuis plusieurs mois également mais a promis en mai 2017 de relocaliser 50 personnes d’Italie.

La Grèce a d’ores et déjà enregistré la plupart des personnes éligibles au plan de relocalisation. Même si d’autres personnes pourront être ajoutées jusqu’en septembre 2017 et d’autres retirées du plan, le chiffre devrait être stable, d’après la Commission européenne. Au total, 27 208 personnes sont éligibles à la relocalisation depuis la Grèce : 13 973 personnes ont ainsi été relocalisées et 10 923 attendent de l’être.

D’après les prévisions du Conseil de 2015, 50 400 personnes auraient dû être relocalisées depuis la Grèce. Ce chiffre ne sera cependant pas atteint, car entre temps, le nombre de personnes arrivant en Grèce a diminué de 97%.

La plupart des Etats membres ont promis de relocaliser depuis la Grèce et l’ont effectivement fait, tous les mois ou tous les deux mois. Seuls la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et l’Autriche ne remplissent pas leurs obligations légales. De son côté, Malte a entièrement tenu ses promesses, tandis que la Lettonie et la Norvège ont de grandes chances d’y parvenir également. L’Estonie, la Finlande, la Lituanie, le Luxembourg et le Portugal sont eux aussi sur la bonne voie.

L’Italie a de son côté enregistré pour le moment 8 600 personnes à relocaliser. Parmi celles-ci, 6 896 l’ont déjà été. D’après les autorités italiennes, environ 700 personnes supplémentaires devraient être enregistrées d’ici septembre 2017. En outre, 2 500 Erythréens sont arrivés en Italie en 2017 et devront être relocalisés. Rien qu’en 2016, 20 700 Erythréens sont arrivés en Italie. Pour l’instant, moins de la moitié d’entre eux ont pu être relocalisés.

Pour l’instant, la Finlande et Malte ont pratiquement atteint leurs objectifs de relocalisation en ce qui concerne les personnes venant d’Italie. D’autres pays comme l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas ont également progressé ces derniers mois. A l’autre bout du spectre, la Bulgarie, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne, la Slovaquie et l’Autriche n’ont pas encore relocalisé une seule personne depuis l’Italie.

Au total, la plupart des Etats membres sont bien en dessous des prévisions de la Commission européenne. Seuls la Finlande, la Lettonie, le Luxembourg et l’Irlande ont atteint plus de 50% des prévisions, et aucun d’entre eux ne les a atteints complètement. La Pologne, l’Autriche, la Suède, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque et la Hongrie sont eux très loin de leurs objectifs : moins de 10% ont été atteints. La Hongrie et la Pologne n’ont pas relocalisé un seul demandeur d’asile depuis 2015 et la République tchèque en a accueilli 12, sur un objectif total de 2691. Mais pour les raisons expliquées plus haut, ces chiffres sont à relativiser.

Références : Commission européenne

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