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Référendum en Catalogne : aux origines de l’indépendantisme

Avec le référendum du 1er octobre sur l’indépendance de la Catalogne, la tension est à son paroxysme entre Madrid et Barcelone. Mais comment en est-on arrivé là ? Retour historique sur la construction de l’indépendantisme catalan.

Le président espagnol provisoire Niceto Alcalá-Zamora signant le Statut d'autonomie de la Catalogne en 1932
Le président espagnol provisoire Niceto Alcalá-Zamora signant le Statut d’autonomie de la Catalogne en 1932 - Crédits : gallica.bnf.fr / BnF

La Catalogne, dès le Moyen-âge, est dotée d’une identité et d’une autonomie fortes. C’est alors une principauté faisant partie de la Couronne d’Aragon. Ce territoire possède sa propre langue, et développe une organisation institutionnelle propre avec notamment la Generalitat dès le XIVème siècle, une assemblée qui exécute les décisions des Corts (états généraux du comté de Barcelone). Cette relative autonomie prend fin en 1714 avec la prise de Barcelone par les Franco-Espagnols, mettant un terme à la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) opposant les Bourbons aux Habsbourg. C’est cette date, le 11 septembre 1714, qui a été choisie par les Catalans pour leur fête nationale : La Diada. Après cette guerre, le pouvoir royal se centralise et met fin à la relative autonomie de la Catalogne, entrainant aussi un déclin de la langue catalane.

Renaixença

Vers la fin du XIXème siècle se développe une bourgeoisie industrielle en Catalogne. Celle-ci voit ses intérêts diverger de ceux d’une Espagne encore rurale. En effet, les industriels catalans désirent appliquer des mesures protectionnistes afin de se développer, alors que Madrid mène une politique d’ouverture pour exporter les produits agricoles espagnols. Une opposition qui nourrit l’hostilité de cette bourgeoisie contre le pouvoir central madrilène, et fait naitre le récit historique de l’oppression du gouvernement central, encore bien présent aujourd’hui.

A cette même époque, alors que prospère l’économie catalane, apparait un mouvement de renaissance artistique et linguistique proprement catalan : la Renaixença. Cet essor culturel identitaire est, naturellement, soutenu par les industriels. C’est dans ce contexte que vont se former les premiers groupements politiques catalanistes, réclamant une autonomie politique avec le retour des institutions abolies après la guerre de Succession. Cette affirmation de l’identité catalane passe par un texte fondateur : “Bases per la constitució regional catalana” (Bases pour la constitution régionale catalane), adopté en mars 1892 par les associations et syndicats catalanistes.

Le catalanisme gagne en importance dans le premier tiers du XXème siècle, la région récupère même ses institutions politiques en 1932. Mais en 1936 éclate la guerre civile : la Catalogne devient alors un bastion républicain, dont la prise signifiera la victoire des troupes franquistes. La répression de Franco est particulièrement sévère envers les Catalans, qui verront leur langue interdite d’usage et leurs instances supprimées.

Le Statut d’autonomie de la Catalogne de 1979

Après le retour à la démocratie en 1975 et l’adoption de la Constitution espagnole de 1978, la Catalogne devient une communauté autonome grâce au Statut d’autonomie de 1979 (Estatuto de autonomía de Cataluña). C’est une loi organique qui régit l’organisation et le fonctionnement des institutions régionales, mais établit aussi les compétences de l’Etat central et celles de la communauté. La Generalitat, l’organisation politique de la Communauté autonome, est réinstituée et un gouvernement autonome est mis en place. La Catalogne se dote alors d’un parlement (Parlament de Catalunya), d’un gouvernement (Govern de la Generalitat), d’une présidence (Presidència de la Generalitat de Catalunya) ainsi que d’autres organes. Ce texte régit aussi d’autres questions, notamment en ce qui concerne le statut du catalan, qui acquiert ainsi un statut de langue co-officielle dans les territoires où il est parlé, comme le castillan. Durant cette période, les revendications indépendantistes restent peu nombreuses en Catalogne, contrairement au Pays basque espagnol.

Nation catalane ?

En 2003, une coalition de gauche renverse celle de droite lors des élection autonomiques (pour le parlement local), avec la promesse de réformer le statut de 1979 alors en vigueur. Le texte apparait, alors pour les Catalans, comme présentant des lacunes du point de vue fiscal ou de la capacité du gouvernement local à prendre des décisions. L’année suivante la Generalitat élabore un nouveau Statut d’autonomie de la Catalogne. Approuvé en 2005 par le Parlement catalan, elle est transmise au Congrès des députés espagnols la même année.

Ce texte vise à renforcer l’autonomie de la Catalogne au sein de l’Etat. Il apporte un nouveau modèle de financement de la Communauté autonome et une hausse des investissements effectués par l’Etat. C’est surtout la reconnaissance de la Catalogne comme nation qui est une grande nouveauté.

Le Congrès des députés décide, le 2 novembre 2005, de débattre du texte. Opposé à ce nouveau statut, le Partido Popular (PP, droite) saisit le Tribunal constitutionnel au motif que ce changement s’apparente à une réforme constitutionnelle. Au Congrès, la situation se bloque rapidement, les différents partis catalans négociant séparément. C’est la rencontre entre le Premier ministre socialiste José Luis Zapatero et le chef de la coalition catalane de centre-droit Artur Mas qui permet de trouver un accord. Parmi les changements notables, le terme “nation” est déplacé dans le préambule afin qu’il n’ait pas de force légale, mais le premier article qualifie la Catalogne de “nationalité” .

Le 21 mars 2006, le Tribunal constitutionnel approuve le texte, mais certains articles mineurs sont retirés. Une semaine plus tard, le nouveau statut est approuvé par le Congrès. Puis les Catalans approuvent ce texte à 72,9% lors d’un référendum le 18 juin, avec cependant une moitié d’abstentionnistes.

Farouchement opposé à ce qu’il considère comme “une Constitution parallèle” , le PP présente un recours en inconstitutionnalité auprès du Tribunal constitutionnel. D’autres seront présentés par la suite, provenant majoritairement de ce parti. Ce qui est alors principalement visé, c’est l’usage du terme “nation” et le “devoir” d’apprendre le catalan. Le Tribunal constitutionnel valide en grande partie le nouveau statut le 28 juin 2010. Mais, dans un autre arrêt du 9 juillet, il affirme que “La Constitution ne connait nulle autre que la Nation espagnole” , et qu’en dépit du fait que les “réalités” culturelles ou historiques peuvent être constitutives d’une nation, c’est le sens “juridico-constitutionnel” qui dans ce cas prévaut.

La décision du Tribunal constitutionnel espagnol met alors le feu aux poudres. L’actuel chef de la Generalitat, Carles Puigdemont, expliquera plus tard qu’ “à partir de 2010, quand la Cour constitutionnelle a complètement coupé ce qu[i a été] approuvé au parlement catalan, au parlement espagnol et en référendum, le pacte constitutionnel s’est achevé” . Pour l’opinion catalane, il s’agit en effet d’une rupture, qui va amener une partie de la population à soutenir un divorce avec Madrid.

En 2011, le PP arrive au pouvoir en Espagne, Mariano Rajoy prenant la tête du gouvernement. Le parti conservateur, qui s’est frontalement opposé au statut d’autonomie, se veut plus ferme que le Parti socialiste et ouvrier espagnol (PSOE) sur cette question. La crise économique et les sévères politiques de rigueur qui suivent nourrissent également des rancœurs du côté catalan. Pour beaucoup, l’Etat espagnol spolierait la Catalogne en ne lui rendant pas la juste part de ses prélèvements fiscaux. En 2012, la Generalitat présente un nouveau pacte fiscal, assurant une plus grande autonomie à la Communauté. Mais celui-ci est refusé par Mariano Rajoy.

Le feu aux poudres

Suite au verdict du Tribunal constitutionnel, les indépendantistes et le gouvernement régional se mobilisent, avec pour objectif de mener la Catalogne vers l’indépendance. L’Assemblée nationale catalane, organisation qui vise l’indépendance, est ainsi fondée le 30 avril 2011. A partir de 2012, les Diada prennent également un tournant politique en devenant des manifestations en faveur de la sécession.

La Generalitat développe par ailleurs de nombreuses initiatives en faveur du processus d’indépendance. Les différents partis catalanistes, tant de droite que de gauche, tentent de se rassembler en coalition pour préparer le processus d’indépendantisation de la Catalogne. Le 9 novembre 2014, le gouvernement catalan organise la tenue d’une consultation sans réelle valeur légale sur le futur politique de la Catalogne. L’indépendance l’emporte très largement, cependant l’abstention s’élève à près de 60%.

En vue des élections pour le Parlement catalan du 27 septembre 2015, les partis indépendantistes Convergència Democràtica de Catalunya (centre-droit) et Esquerra Republicana (gauche) s’allient sur une liste commune : Junts pel Sí. Cette coalition obtient 62 sièges sur les 135. Le parti indépendantiste d’extrême-gauche CUP, qui avait refusé de participer à la coalition, en remporte quant à lui 10. Dès lors, les indépendantistes obtiennent la majorité absolue avec 72 sièges (et 47,8% des suffrages).

Junts pel Sí et la CUP parviennent à un accord en janvier 2016, permettant aux indépendantistes de former un gouvernement catalan dirigé par Carles Puigdemont. Une coalition à l’origine des lois prévoyant la tenue du nouveau référendum du 1er octobre 2017…

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