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Réduire les déchets en Europe : “vous n’imaginez pas le poids que vous pouvez avoir”

Les Européens ont produit plus de deux milliards de tonnes de déchets en 2016. Dans le même temps, des vortex géants de plastique s’agglutinent dans les océans. Réduire les déchets parait donc indispensable. En changeant nos habitudes de consommation ? En poussant les industriels à produire de façon durable ? Des solutions ont été proposées lors d’une Consultation citoyenne qui s’est tenue le 15 octobre à la Recyclerie (Paris 18e).

Le public de la REcyclerie - Crédits : Pascal Durand / Twitter
Le public de la REcyclerie - Crédits : Pascal Durand / Twitter

Ce soir-là, aux abords des rails du tram parisien, le bar-restaurant implanté dans une ancienne gare de la Porte de Clignancourt reçoit près de 150 participants venus réfléchir sur la meilleure façon de réduire la quantité de déchets en Europe. Dans notre modèle de société consumériste, comment faire en sorte de changer nos habitudes de consommation et de production ?

Une première solution pour réduire les déchets consiste à améliorer le recyclage, comme l’explique Michaël Mansuy, directeur des relations publiques de la branche déchets de Veolia. Mais pour que ça fonctionne, il faut avant tout créer un marché des matières recyclées : “l’UE fixe un taux de collecte des bouteilles en plastique de 90%, donc on applaudit des deux mains, mais il faut aussi créer des débouchés en imposant des taux obligatoires de réincorporation de plastiques recyclés dans les nouvelles bouteilles”, explique-t-il.

Produire moins

Malgré tout, nombre d’objets en plastique se retrouvent dispersés de façon incontrôlée dans la nature. Adoptée au Parlement européen le 25 octobre, une directive européenne qui prévoit d’interdire la production de certains plastiques à usage unique réjouit Laura Châtel, chargée de plaidoyer de l’ONG Zero Waste France (ZWF). C’est la première fois qu’en plus de “proposer des objectifs de réduction de la consommation” , “la Commission européenne se positionne en amont” de la production du plastique : un “signal politique fort qui peut permettre d’orienter les investissements” .

A l’échelle de l’UE, d’autres directives européennes visent aussi certains produits en particulier afin qu’ils soient conçus de manière plus durable. Mais cela reste une goutte d’eau par rapport à l’ensemble des produits que l’on consomme, selon Pascal Durand, eurodéputé membre du groupe des Verts. Pour lui, le problème vient surtout d’une “logique de départ de société de consommation à tout crin” , dans laquelle “on nous a expliqué que garder quelque chose, c’est ringard” , alors que réduire les déchets passe au contraire par la réparation et l’achat d’occasion.

Fiscalité incitative et principe du pollueur-payeur

Les alternatives au neuf sont nombreuses. Pourtant, c’est parfois compliqué car certains industriels font en sorte que leurs produits ne soient pas réparables. “Sur les iPhones par exemple, il y a deux procédés mis en place pour qu’on soit obligé de les balancer” , dénonce Pascal Durand, auteur d’un rapport sur l’obsolescence programmée. Selon lui, les batteries sont volontairement “collées” au lieu d’être vissées, ce qui empêche de les remplacer. Et “les mises à jour” feraient tomber les appareils en panne.

Si le consommateur doit être responsabilisé, c’est donc aussi aux industriels de changer leur modèle. Mais comment l’imposer ? Par la fiscalité fondée sur le principe du pollueur-payeur : “le principe de la responsabilité élargie du producteur veut que les producteurs qui mettent des produits sur le marché payent une contribution qui vient couvrir le coût de gestion et de traitement des déchets” , explique Laura Châtel. En parallèle, une fiscalité incitative pourrait soutenir les services de réparation : “en Suède, la TVA sur les services de réparation est passée à 4%” , souligne Pascal Durand. Et enfin, il faut faire en sorte que les industriels “s’assurent qu’il y a une filière de traitement après la production de leurs produits, sinon on ne pourra rien en faire” , explique également Michaël Mansuy, ce qui implique des normes européennes plus strictes sur les produits importés des pays tiers.

Le consommateur a du pouvoir

Si changer de modèle semble nécessaire au regard de la pollution créée par les déchets, le public de La Recyclerie s’interroge ensuite légitimement sur le rôle des citoyens : “que peut-on faire pour que les industriels ne puissent plus proposer des emballages individuels dans les paquets de gâteaux secs par exemple ?” , interroge ainsi un membre de l’auditoire.

Les consommateurs ont plus de pouvoir qu’ils ne l’imaginent, lui répond-on. “Les déchets comptent parmi les leviers qui ont été identifiés pour réduire son empreinte sur l’environnement sans attendre que ça bouge” , explique Laura Châtel, avant d’énumérer les gestes de consommation qu’il est possible d’adopter : favoriser les alternatives au neuf, réparer, acheter dans les épiceries en vrac, voire s’interroger sur notre réel besoin du produit avant de le consommer. Car en effet, “90% des déchets sont produits par les industriels, [et ce pour fabriquer des produits qui] sont achetés par les gens” , insiste Pascal Durand, donc “vous n’imaginez pas le poids que vous pouvez avoir via vos comportements de consommation.

En tant que citoyens, il est nécessaire d’agir : “s’il n’y a pas une vraie pression des citoyens et des citoyennes, les personnes qui veulent changer les choses sont mises en minorité donc il faut que vous nous aidiez” , poursuit l’eurodéputé écologiste. Michaël Mansuy propose même à l’auditoire de mettre directement la pression sur leurs décideurs, en contactant par exemple la direction générale de l’Environnement de la Commission européenne : “l’industrie du recyclage a dit qu’il fallait voir plus large que les seuls déchets municipaux dans les nouveaux objectifs, mais nous n’avons pas été entendus” .

Réduire les déchets : est-ce incompatible avec un modèle de croissance ?

Si réduire la quantité de déchets implique de changer en profondeur de nombreuses habitudes de consommation, “les solutions zéro déchets ne veulent pas dire qu’on revient à un état sauvage” , explique Laura Châtel, à la suite d’une question de la salle sur la compatibilité d’un modèle fondé sur la croissance avec la réduction des déchets.

Un calcul de l’Agence de l’environnement (ADEME) démontre effectivement que “que pour une tonne de déchets, c’est un emploi dans une décharge, quinze dans une installation de recyclage et plusieurs centaines dans un système de remise en circulation des produits dans l’économie - comme Emmaüs par exemple” , selon la chargée de plaidoyer chez ZWF.

De même, pour Pascal Durand, changer les modes de consommation permettrait de “relocaliser des emplois de services et de réparation” . Alors que les entreprises ont volontiers développé, ces dernières décennies, des arguments de vente basés sur le prix, certaines recommencent à proposer des services de réparation, soutient l’eurodéputé.

Autant de constats qui lui permettent de conclure sur une note optimiste à l’adresse des jeunes présents à La Recyclerie : “Je suis sûr que vous allez connaître un monde plus intéressant que celui que j’ai connu moi, guidé par la logique ‘j’exploite - je produis - je prends - je jette’… Le monde à venir est plus intéressant” .

Pour voir un aperçu des enjeux de la conférence :

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