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Qui est Michel Barnier, ex-négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit ?

Négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne de 2016 à 2020, le Français Michel Barnier a joué un rôle majeur dans la signature des accords encadrant le départ du Royaume-Uni et la nouvelle relation entre Européens et Britanniques.

Michel Barnier
Après une carrière très européenne, c’est en France que Michel Barnier voit maintenant son avenir - Crédits : Commission européenne

J’aimerais que nous puissions l’employer”. Au lendemain de la signature de l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en octobre 2019, même Nigel Farage, chef de file de la branche la plus europhobe des Brexiters, ne tarissait pas d’éloges à l’égard de son meilleur ennemi et ne masquait pas son admiration de ses talents de négociateur. Un harassant travail de négociation long de plusieurs années, commencé après le vote britannique en faveur du “Leave” le 23 juin 2016, et poursuivi jusqu’à la signature d’un accord de commerce et de coopération avec Londres le 24 décembre 2020. Comment le parcours de Michel Barnier, résolument tourné vers l’Europe, l’a-t-il conduit à assumer une telle responsabilité ?

Né en 1951 à La Tronche en Isère, il est diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Paris en 1972. Michel Barnier commence sa carrière dans les cabinets ministériels et au Conseil général de Savoie, qu’il présidera à partir de 1982 et où il siégera jusqu’en 1999. En 1978, ce Savoyard militant gaulliste depuis l’âge de 14 ans rejoint les bancs de l’Assemblée nationale, où il est alors à 27 ans le plus jeune député. Occupant ce poste pendant quinze ans, il accède ensuite à la fonction de ministre de l’Environnement en 1993, au sein du gouvernement de cohabitation dirigé par Edouard Balladur. 

1995, le tournant européen

Son existence prend une dimension significativement européenne en 1995, lorsqu’il est nommé ministre délégué aux Affaires européennes dans l’exécutif mené par Alain Juppé. Un rôle qui l’amène notamment à conduire les négociations relatives au traité d’Amsterdam, signé en 1997. Cette même année, Michel Barnier devient sénateur et préside la délégation des Affaires européennes au Sénat pendant deux ans. Puis direction Bruxelles en 1999, lorsqu’il intègre la Commission européenne de Romano Prodi au poste de commissaire à la Politique régionale, jusqu’en 2004.

Il revient ensuite à la politique nationale par la grande porte, sans pour autant quitter les enjeux européens, puisqu’il est désigné ministre des Affaires étrangères sous Jacques Chirac. Exerçant cette fonction pendant un an, Michel Barnier devient par la suite, en 2006, conseiller spécial du président de la Commission, José Manuel Barroso. A ce titre, il présente un rapport proposant la création d’une force européenne de protection civile, Europe Aid. Après un retour au gouvernement français en tant que ministre de l’Agriculture et de la Pêche, de 2007 à 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il est élu eurodéputé et préside la délégation française du Parti populaire européen, dont il est également vice-président depuis 2006.

A partir de 2010 jusqu’en 2014, Michel Barnier redevient commissaire européen, au Marché intérieur et aux Services. Lors de son dernier mandat de commissaire, il a pour ambition générale de relancer le marché unique, alors que sévit la crise économique et financière de 2008. Il se concentre tout particulièrement sur la libre circulation des services financiers, les marchés publics, les services, la propriété intellectuelle et les qualifications professionnelles.

2014 : sa candidature à la tête de la Commission

Fort de ses précédentes fonctions et des travaux qu’il a pu mener, il est pressenti pour être le candidat du Parti populaire européen (PPE, droite) dans la course à la succession de José Manuel Barroso en 2014. Ses priorités pour un tel poste regroupent des sujets tels que la stratégie industrielle, la politique d’infrastructures, le marché unique, la sécurité et l’immigration.

C’est toutefois l’ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker qui est choisi pour être le candidat du parti conservateur. Ce dernier obtient ainsi le poste de président de la Commission européenne en 2014.

L’année suivante, après avoir été battu par Laurent Wauquiez pour prendre la tête de la liste UMP en Auvergne-Rhône-Alpes lors des élections régionales, Michel Barnier est nommé conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité auprès de la Commission européenne.

De 2016 à 2020 : négociateur en chef du Brexit

Le 27 juillet 2016, c’est à un autre poste que Jean-Claude Juncker le nomme, à savoir négociateur en chef chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Il a alors pour mission, à compter du 1er octobre de la même année, d’aider à “mettre en place un partenariat nouveau avec le Royaume-Uni après son retrait de l’Union”. Fin 2018 il parvient, avec la Première ministre britannique Theresa May, à un accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE, et notamment un “filet de sécurité” ou “backstop” censé prévenir le retour d’une frontière physique entre les deux Irlande. Cette option est cependant rejetée à trois reprises par le Parlement britannique en 2018.

Après un deuxième report de l’échéance du Brexit au 31 octobre 2019, il poursuit les négociations avec le nouveau Premier ministre britannique, le “Brexiter” Boris Johnson. Afin d’éviter une sortie dure de l’Union, les deux parties parviennent à un nouveau compromis le 17 octobre 2019, adopté par le Conseil européen quelques heures plus tard.

Ce nouvel accord de sortie sera ratifié par les parlementaires britanniques et européens, ouvrant la voie à la sortie, une dernière fois reportée, du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020. Mais la mission du “M. Brexit” des Vingt-Sept ne s’arrête pas là. Une fois le départ des Britanniques effectif, une période de transition s’en suit, au cours de laquelle ces derniers continuent d’appliquer les règles européennes sans avoir voix au chapitre. Cette période doit permettre à Bruxelles et à Londres de négocier leur future relation, à travers un nouvel accord aux implications bien plus large que celle du retrait. Il s’agit de décider quelle sera la forme de partenariat noué entre les deux blocs sur le long terme. L’échéance de la période de transition est fixée au 31 décembre 2020. Celle-ci est renouvelable une fois, mais Boris Johnson exclut catégoriquement cette possibilité. Le temps est donc plus que compté. 

Les négociations ne laissent aucun répit à Michel Barnier et à son homologue outre-Manche, David Frost. Leurs échanges achoppent notamment sur trois aspects : la concurrence, la gouvernance de la future relation et la pêche. De nombreuses questions émergent et apporter des réponses semble à bien des égards hors de portée tant les délais pour y parvenir sont courts. Européens et Britanniques sont tenus en haleine jusqu’à la dernière minute quand, le 24 décembre 2020, l’accord commercial et de coopération, un document de près de 1 300 pages, est finalement signé de part et d’autre. Le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni vit ainsi sa première journée en tant qu’État tiers de l’Union européenne à part entière. 

Après le Brexit, un avenir national ?

Si, peu après les élections européennes de 2019 ayant vu la victoire du PPE (son groupe politique à l’échelle européenne), le nom de Michel Barnier a circulé quelque temps pour prendre la présidence de la Commission européenne, sa candidature est rapidement écartée. Son nom est ensuite évoqué pour reprendre le poste de commissaire européen français car bien qu’encarté au parti Les Républicains (PPE), il est proche de l’aile centriste d’Alain Juppé, pro-européen et modéré, et a à plusieurs reprises affiché sa sympathie vis-à-vis de la politique du président Emmanuel Macron. A la veille des élections européennes de 2019, il affirme ainsi que de nombreux projets qu’il souhaite voir abordés en Europe “rejoignent le projet européen” du président français.

C’est finalement l’ancienne ministre des Armées Sylvie Goulard qui lui est préférée. Si le rejet de la candidature de cette dernière par le Parlement européen a relancé un temps les spéculations, l’ancien ministre de l’économie Thierry Breton est finalement sélectionné pour le poste.

Mais plutôt qu’au niveau européen, c’est peut-être en France que l’avenir de Michel Barnier se joue, après avoir réussi à conclure les accords de retrait et commerciaux avec le Royaume-Uni. Peu remarqué par nombre de ses pairs à droite il y a encore quelques années, le récent rôle européen du Savoyard quant au Brexit, qu’il a mis en exergue dans un livre paru début mai 2021, a changé la donne. Ayant gagné en visibilité au sein de sa famille politique, il veut peser davantage sur la scène nationale. Le 26 août 2021, il annonce sa participation à la primaire de la droite, ne faisant ainsi plus aucun mystère de ses ambitions dans la course aux élections présidentielles de 2022. 

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