En 1950, Robert Schuman, le ministre français des Affaires étrangères, y avait prononcé sa célèbre déclaration du 9 mai. Mardi 4 décembre, c’est dans le très symbolique “salon de l’Horloge” du Quai d’Orsay qu’a été remis le rapport final pour la France des
Consultations citoyennes sur l’Europe. Mais cette démarche aura-t-elle vraiment ravivé la flamme de la construction européenne ?“L’objectif premier était de permettre une réappropriation des débats européens par les citoyens eux-mêmes. Cet objectif a été pleinement atteint” , estime Nathalie Loiseau, la ministre en charge des Affaires européennes. “Au cours des six derniers mois [du 17 avril au 31 octobre], 1082 évènements ont été labellisés en France : ils ont permis d’accueillir la parole de 70 000 citoyens” , résume en effet Arnaud Magnier, le Secrétaire général de ces consultations.
“Un matériau très riche pour les décideurs”
Espoirs, frustrations, inquiétudes, idées… Sur la foi des restitutions transmises par les porteurs de projet à l’issue de chaque consultation, la Commission nationale du débat public (CNDP) a identifié 14 thèmes abordés au cours de ces rencontres. Adoptant la méthode des “arbres argumentatifs” , cette autorité administrative indépendante a retranscrit de manière visuelle tous les constats, questions, propositions et arguments qui ont été formulés par les participants.
Le plus grand de ces arbres atteint 13 mètres de long, selon Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, qui y voit le “témoignage de l’immense vitalité participative de notre pays” . Les thèmes de l’environnement et de la construction d’une identité européenne se sont particulièrement imposés dans les échanges. “C’est un matériau très riche pour les décideurs” , relève donc Chantal Jouanno, en saluant cette démarche également organisée dans 24 autres pays de l’UE, et qui doit faire l’objet d’un bilan lors du Conseil européen des 13 et 14 décembre prochains.
Mais les citoyens seront-ils entendus ? Côté français, émanant de l’Hexagone ou de l’Outre-mer, des petites localités autant que des grandes villes, les propositions concrètes sont nombreuses pour construire l’Europe de demain.
Parmi les porteurs de projets présents le 4 décembre, un représentant de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Est a précisé que les attentes étaient particulièrement fortes dans les régions frontalières, où des entrepreneurs allemands, luxembourgeois ou belges se sont joints aux échanges français.
Un regard “positif” mais une “méconnaissance profonde de l’Europe”
“Les propositions n’ont pas forcément eu pour ambition ‘plus d’Europe’, mais plutôt ‘mieux d’Europe’ ” , relate par ailleurs Marie-Pierre Vedrenne, de la Maison de l’Europe de Rennes, qui a organisé plusieurs consultations citoyennes.
La majorité des citoyens sondés par les banques alimentaires ont, par exemple, déclaré qu’il était légitime que l’Union européenne agisse en faveur des personnes les plus démunies. Dans le domaine du climat, des propositions concrètes et “positives” en faveur du recyclage ou de la lutte contre l’obsolescence programmée ont aussi été formulées.
Mais derrière ces belles idées, souvent difficiles à mettre en œuvre comme le prouve actuellement la COP24, un maillon faible a également été mis en évidence à chacune des rencontres : “une méconnaissance profonde de l’Histoire de l’Europe, de sa construction et des institutions” , observe Marie-France Mailhos, la présidente de l’Association européenne de l’éducation. “On n’a pas fait notre boulot, on n’a pas éduqué, on n’a pas appris à nos jeunes, on ne leur a pas fait percevoir les valeurs européennes et les responsabilités d’un citoyen européen…” , souffle-t-elle.
Dès lors, si rien ne change à l’issue de ces Consultations citoyennes, l’indifférence et l’euroscepticisme ne risquent-elles pas, une fois encore, marquer les prochaines élections européennes du 26 mai ?
Si les Consultations citoyennes initiées par Emmanuel Macron en avril ont bien pris dans l’Hexagone et en Outre-mer, les débats ont été moins nombreux dans les 26 autres Etats membres de l’UE (hors Royaume-Uni) qui s’étaient ralliés à la démarche. Selon Nathalie Loiseau, la ministre française des Affaires européennes, la Hongrie s’est “contentée d’une poignée de débats institutionnels” et aucune rencontre citoyenne n’a même été organisée en Italie, où le gouvernement actuel a simplement produit un document de deux pages résumant ses propres vues sur l’Europe…
En revanche, dans les pays qui ont participé “à l’Est, j’ai vu quelque chose de nouveau” , se félicite Nathalie Loiseau. Si les revendications sociales ont été longtemps une revendication très française, “la demande de convergence sociale commence à s’y exprimer fortement, parce qu’on donne la parole aux citoyens et notamment aux partenaires sociaux” , observe la ministre.
L’actuelle présidence autrichienne du Conseil et la future présidence roumaine auraient ainsi décidé de s’emparer de la démarche des Consultations citoyennes. “Les chefs d’Etat et de gouvernement pourront se saisir de leur synthèse en décembre” , rappelle Nathalie Loiseau. La Roumanie souhaiterait ensuite faire “vivre” l’esprit des consultations jusqu’au Conseil européen organisé à Sibiu le 9 mai 2019. “Donc dans des pays plus récemment entrés dans l’Union européenne, l’envie a été là…”
Le point de vue des porteurs de projets
Plusieurs porteurs de projets étaient présents lors de la remise du rapport. Qu’ont-ils pensé des consultations et qu’en attendent-ils ? Neuf organisateurs nous répondent.