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Quel avenir pour la PAC après 2020 ?

La politique agricole commune, principale ligne de dépense du budget européen, est également l’un des domaines d’action historiques de l’Union européenne. Sa réforme, à l’occasion de la définition du prochain cadre budgétaire européen pour la période 2021-2027, est actuellement discutée et devrait susciter un intense débat au cours des prochains mois. Une diminution des fonds consacrés à cette politique est à cet égard envisagée, suscitant l’inquiétude de certains pays comme la France, et laissant craindre pour le modèle agricole européen.

Cultures biologiques
Cultures biologiques

Réduire le budget de la PAC ?

Le 29 novembre, la Commission européenne a donné le coup d’envoi des discussions sur l’avenir de la politique agricole commune (PAC) au-delà de 2020. Le choix de l’échéance n’est évidemment pas fortuit. L’année correspond à la fin de l’actuel “cadre financier pluriannuel” , démarré en 2014, et qui définit l’ampleur et la répartition du budget de l’Union européenne. Et en 2020, la sortie du Royaume-Uni de l’Union devrait être actée : le Brexit incluant parmi ses innombrables implications la disparition de l’une des principales contributions nationales au budget européen.

C’est donc en prenant en compte ce contexte financier particulier que Phil Hogan, commissaire européen à l’Agriculture, a publié sa “communication” sur l’avenir de la PAC, un document préparatoire au texte législatif qui devrait être rendu public au printemps prochain. Au préalable, en juin 2017, l’exécutif européen avait également proposé aux Etats membres cinq “scénarios” pour l’avenir du budget européen. Parmi ceux-ci, seulement un prévoyait une augmentation des fonds consacrés à la politique agricole - celui proposant d’accroître le budget communautaire dans son ensemble.

Dit autrement, à contributions nationales inchangées et sans instauration de ressources nouvelles, la préservation de l’actuel budget de la PAC, qui représente 38% du total, paraît difficilement envisageable pour les autorités européennes. La multiplication des domaines d’action européens, au premier rang desquels la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires, exerçant une pression accrue sur un budget par ailleurs contraint à seulement 1% du PIB de l’Union.

Sur le plan budgétaire, il y a un risque de diminution de toutes les lignes” , confirme Michel Dantin, eurodéputé membre des Républicains et spécialiste des questions agricoles. Or selon lui, une baisse de la PAC ne permettrait pas à l’UE de maintenir “un standard de production qui est le plus élevé du monde” . Même son de cloche de la part d’Eric Andrieu, député européen socialiste également membre de la commission Agriculture, pour qui Phil Hogan “part battu d’avance” , refusant “le combat politique” pour le budget de la PAC. Une position regrettable, estime M. Andrieu, alors qu’il faudrait plutôt “donner du sens à la politique agricole et alimentaire” .

Subsidiarité

Outre les considérations financières, la communication du 29 novembre suggère un renforcement de la subsidiarité pour la PAC post-2020. En effet, afin de répondre aux critiques régulières concernant la complexité et la rigidité de la politique agricole commune, la Commission européenne souhaiterait accroître le rôle des Etats membres dans sa mise en œuvre. Un “plan stratégique” serait alors demandé aux Vingt-Sept, que l’exécutif européen aurait à approuver puis à contrôler.

Une orientation qui a été diversement accueillie. Pour Michel Dantin, elle “part d’une bonne intention” , qui est de “sortir d’une contrainte technocratique” . Selon lui et ses collègues du Parti populaire européen, principal groupe de centre-droit au Parlement européen, établir “des obligations de résultats et non plus de moyens” est une bonne stratégie. Mais il ne faudrait pas que cela induise à “un cadre législatif trop large” qui aboutisse à des distorsions de concurrence. Selon Eric Andrieu, cette méthode mérite donc des “précisions” . Pour le député de centre-gauche, un “socle d’objectifs commun” est nécessaire pour que la subsidiarité soit “intéressante” .

Une hausse du cofinancement de la PAC par les Etats membres de l’Union est à cet égard à éviter. “Si on va sur ce terrain, c’est la fin de la PAC” , prévient M. Andrieu, pour qui cela aboutirait à faire “exploser le modèle communautaire” . Ce serait effectivement “dramatique” , corrobore Michel Dantin, en phase avec son collègue socialiste. Seuls les pays riches comme l’Allemagne ou les Pays-Bas seraient en mesure de fournir cet effort budgétaire et on porterait donc “atteinte au marché unique” . Pour la FNSEA, premier syndicat agricole français, la France ne pourrait par conséquent “pas accepter” une telle perspective.

Défi climatique, urgence environnementale

Les discussions sur l’avenir de la PAC au-delà de 2020 s’annoncent donc animées. La France, premier bénéficiaire de cette politique avec 18% du total des fonds, devrait à cet égard se montrer particulièrement active pour faire valoir ses positions. La PAC doit continuer d’atteindre ses objectifs historiques de “sécurité et de souveraineté alimentaire au niveau de l’Union européenne” , a ainsi déclaré Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, le 30 novembre lors d’un colloque sur la PAC à l’horizon 2020 à Paris.

Plaçant la réponse au “défi climatique” , à “l’urgence environnementale” à la “globalisation des échanges” comme la première priorité de la prochaine PAC, M. Travert énumère quatre objectifs à réaliser. Premièrement, le développement du “travail en filières” , quitte à déroger au droit de la concurrence et afin de “faciliter le regroupement de l’offre agricole et le pouvoir de négociations des organisations de producteurs” . Deuxièmement, le renforcement de la “gestion des risques” , par le biais de mesures communautaires, assurantielles et fiscales. La Réserve de crise européenne pourrait à cet égard faire l’objet d’une réforme pour sortir de sa “logique d’annualité” et ainsi accroître le montant des fonds disponibles. Troisièmement, la poursuite du verdissement de la PAC et la rémunération des “services environnementaux de l’agriculture” . Quatrièmement, la mise en cohérence de la politique agricole “avec les autres politiques de l’Union” et la “transformation des pratiques et des systèmes de production” .

La baisse du plafonnement des aides directes par agriculteur devrait être à nouveau débattue lors des discussions sur l’avenir de la PAC. Cette mesure fait l’objet d’un large consensus en France et un accord pour faire passer le plafonnement de 300 000 à 200 000 euros par exploitation avait été proche en 2013. Elle vise à améliorer l’équité entre les agriculteurs et les territoires et à davantage soutenir l’agriculture biologique.

Si on considère l’agriculture comme un secteur d’activité comme les autres, ça ne va pas” , explique de manière plus prosaïque Eric Andrieu. “L’agriculture est au cœur du modèle sociétal” , déclare-t-il : il faut que les pouvoirs publics montrent “le lien entre l’agriculture, l’environnement, la santé humaine, l’emploi et les territoires” .

Les négociations, particulièrement si la volonté française de lancer une réflexion de long terme sur le modèle agricole européen est retenue, pourraient dès lors être longues. Si Bruxelles prévoit de publier un cadre législatif d’ici la fin du premier semestre 2018, il apparaît peu probable qu’un accord avec le Parlement et le Conseil soit trouvé rapidement. Pour Michel Dantin, il faudra a minima attendre la conclusion du Brexit et les élections européennes 2019 car les prochains eurodéputés et commissaires européens voudront avoir leur mot à dire. De toutes les manières, “faire la prochaine PAC trop vite” serait néfaste, estime Eric Andrieu, car ce n’est pas une PAC pour 2025 qu’il convient d’élaborer, mais une PAC pour “l’horizon 2050″ .

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