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  • Synthèse

Que contiennent les accords commerciaux de l’Union européenne ?

Le libre-échange fait partie intégrante du marché intérieur de l’Union européenne et du commerce entre Etats membres. Mais il se traduit également par des accords entre l’UE et ses partenaires extérieurs. Que contiennent ces traités ? Sur quoi portent les négociations ? Tour d’horizon des accords commerciaux et de leurs objectifs.

L'ex-président du Conseil européen Donald Tusk, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et l'ex-président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors de la signature du CETA (2016) - Crédits : Jennifer Jacquemart / Commission européenne
L’ex-président du Conseil européen Donald Tusk, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et l’ex-président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors de la signature du CETA (2016) - Crédits : Jennifer Jacquemart / Commission européenne

Un accord commercial entre l’Union européenne et un pays tiers recouvre plusieurs domaines. Il permet le plus souvent de faciliter les échanges de biens et services, mais peut aussi comporter des clauses permettant l’accès aux marchés publics, rapprochant les réglementations ou réduisant les freins et les risques à l’investissement.

Le contenu des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays tiers a beaucoup évolué. Depuis plusieurs années et notamment dans le cadre de la stratégie globale de l’UE adoptée en 2016, ceux-ci sont plus approfondis.
Car les objectifs ont changé. Si les premiers accords commerciaux de l’Union européenne (avec l’AELE, les pays d’Afrique du Nord, la Turquie en 1996…) visaient à construire des relations de voisinage, ceux signés à partir des années 2000 (Corée du Sud, CETA avec le Canada, JEFTA avec le Japon…) sont conclus avec des partenaires plus lointains. Leur but est avant tout commercial et non politique : ils visent à promouvoir les intérêts économiques de l’UE et ont de ce fait un champ d’application plus large. Aussi bien en matière de suppression des barrières commerciales qu’en termes de domaines désormais couverts par les accords : biens, services, propriété intellectuelle, coopération réglementaire, etc.

L’échange de biens et services

L’accès réciproque aux marchés, en particulier ceux des biens, constitue le domaine de négociation le plus ancien des accords commerciaux de l’Union européenne. Pour Sébastien Jean, directeur du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), il s’agit d’un “marchandage de concessions réciproques” .

L’accès aux marchés des biens

L’accès aux marchés des biens des partenaires de l’Union européenne est permis par une réduction des barrières à l’entrée des marchés, principalement par une suppression des droits de douane entre les deux parties sur la plupart des biens échangés (des exceptions demeurent toujours pour les produits les plus sensibles).

L’objectif principal de cette réduction réciproque des barrières est “de se doter d’un environnement plus propice à la croissance pour que chaque Etat puisse tirer profit de ses avantages comparatifs” , explique Sébastien Jean. Un meilleur accès aux marchés des biens permet d’accroître significativement le volume des échanges entre l’Union européenne et ses partenaires.

Ainsi, relève Edouard Bourcieu, conseiller commercial de la Commission européenne, “les exportations européennes et françaises ont augmenté de 75 % entre 2010 et 2015 en Corée du Sud et le déficit historique avec la Corée du Sud est, depuis, devenu un excédent commercial” .

Cette suppression des droits de douane concerne une majorité des biens mais peut également en exclure certains. Dans le CETA, par exemple, “pour un petit nombre de produits sensibles (viande de bœuf et de porc et maïs doux pour l’UE et produits laitiers pour le Canada, notamment), l’accès préférentiel ne sera ouvert qu’à des quantités limitées de produits” , indique le site de la direction générale au commerce extérieur de la Commission européenne.

L’accès aux marchés des services

L’accès aux marchés des services s’est essentiellement développé à partir de l’accord de Marrakech de 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce. L’un des principaux objectifs de l’OMC est en effet la réciprocité dans l’accès aux marchés, notamment les marchés des services.

Cet accès se traduit également par une suppression des barrières à l’entrée des marchés de services, telles que les autorisations d’accès ou d’exercice au sein de ces marchés. Les prestataires peuvent ainsi fournir des services aux résidents d’un pays étranger, en s’installant dans ce pays ou non. La réciproque fonctionne également : le résident peut traverser les frontières pour disposer de services. Un opérateur européen aura par exemple la possibilité de fournir des services de télécommunication ou d’assurance en Corée du Sud, et inversement. Cette ouverture reste limitée dans plusieurs secteurs, notamment l’audiovisuel, traditionnellement exclu des négociations par l’Union européenne. L’UE prend également les réserves nécessaires pour garder toute liberté d’organisation des services publics.

Les trois catégories principales de services échangés par l’Union européenne sont les services commerciaux, les transports et les voyages.

L’accès aux marchés publics

De même que les négociations sur les services, celles concernant l’accès aux marchés publics se sont également développées depuis la création de l’OMC. L’ouverture des marchés publics consiste en la possibilité, pour des entreprises européennes, d’avoir accès aux marchés des commandes publiques des pays étrangers, et réciproquement.

Ce domaine de négociation est particulièrement important pour l’Union européenne. D’une part parce qu’elle y est très compétitive, notamment dans les domaines de la construction, des transports publics, des appareils médicaux, de la production d’électricité et des produits pharmaceutiques. Et d’autre part, parce que les barrières à l’entrée de ces marchés sont encore très nombreuses dans le monde, plus qu’elles ne le sont dans l’Union européenne.

La diminution des barrières à l’entrée sur les marchés publics s’inscrit dans le cadre de l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC, dont l’objectif est “l’ouverture mutuelle des marchés publics” à la concurrence internationale et plus précisément entre ses parties signataires (Canada, Etats-Unis, UE,…), explique le site de l’OMC.

La suppression théorique des barrières à l’entrée des marchés publics a cependant ses limites. D’après la Commission européenne, les entreprises européennes hésitent souvent à répondre à des appels d’offre de marchés publics étrangers du fait des “barrières linguistiques” ou encore de “la mauvaise connaissance des formalités à respecter” .

La coopération réglementaire

L’objectif principal des discussions concernant les réglementations est, dans la mesure du possible, d’éviter que les biens échangés ne soient soumis à des mesures discriminantes inutiles. L’Union européenne tente donc d’instaurer une coopération, avec ses partenaires commerciaux, qui se traduit par des échanges d’expertises, de documents scientifiques et d’informations, afin de simplifier et de rapprocher les réglementations de part et d’autre. Il peut s’agir par exemple de normes sur la sécurité des jouets ou sur les émissions polluantes des automobiles. Celles-ci sont généralement fondées sur les normes internationales.

Cette simplification s’effectue généralement lorsque les réglementations de l’Union européenne et du partenaire concerné se rapprochent et offrent le même niveau de contrôle et de protection, cas dans lequel il est envisageable de négocier un accord de reconnaissance mutuelle des réglementations.

A travers le CETA par exemple, l’Union européenne accepte désormais les certificats d’évaluation de la conformité émis par les organismes compétents du Canada dans un certain nombre de secteurs : équipement technique, jouets, machines, appareils de mesurage… et vice-versa, explique la Commission européenne. Dans ce cas, il ne s’agit pas de reconnaître l’équivalence des réglementations mais la capacité des laboratoires européens et canadiens à tester la conformité des produits aux exigences respectives de l’Union européenne et du Canada.

Cette coopération réglementaire permet de faciliter les échanges commerciaux et donc d’augmenter leur volume. Dans le secteur de l’automobile par exemple, les ventes de l’Union européenne en Corée du Sud ont ainsi été multipliées par trois. Il était particulièrement important pour l’UE de s’assurer que l’élimination des droits de douane dans ce secteur très sensible ne soit pas annulée par la persistance de barrières non tarifaires qui auraient interdit de fait l’accès au marché coréen.

L’investissement

Jusqu’en 2009, les investissements directs étrangers relevaient, à quelques détails près, de la compétence des Etats membres qui négociaient donc eux-mêmes des traités bilatéraux avec les Etats tiers. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (le 1er décembre 2009), ces investissements font désormais partie des négociations que mène directement l’Union européenne dans le cadre des accords commerciaux. Ainsi, le CETA, par exemple, garantit un traitement égal et équitable de tous les investisseurs européens au Canada.

L’UE considère généralement que les accords négociés dans le passé n’offrent pas un équilibre satisfaisant entre la protection des investissements étrangers et le respect du droit des Etats à les réguler dans l’intérêt général. Des inquiétudes sont apparues notamment autour des mécanismes de règlement des différends entre les Etats et les investisseurs via des tribunaux arbitraux privés. L’opposition de la France et de l’Allemagne ainsi que de nombreux parlementaires européens face à ce type de mécanismes s’est révélée particulièrement forte dans le cadre des négociations du CETA.

La Commission a alors proposé une modification qui consiste en la mise en place d’un tribunal, d’un tribunal d’appel “et de juges nommés par l’Union européenne, et non d’arbitres désignés par l’investisseur et l’Etat défendeur” , explique l’exécutif européen.

Ces dispositions ont été pour la première fois intégrées dans le CETA (puis dans les accords de protection des investissements avec Singapour et le Vietnam). Elles ont par ailleurs été reconnues, dans le cas du CETA, “compatibles avec le droit de l’Union” par la Cour de justice de l’UE, le 30 avril 2019.

Cependant, la Cour de justice de l’UE a rendu un arrêt dans le cadre des débats juridiques sur l’accord UE-Singapour en mai 2017 dans lequel elle rappelle que dans deux domaines - les investissements étrangers de portefeuille et le régime de règlement des différends entre investisseurs et Etats - l’UE partage la compétence avec les Etats membres. De ce fait, l’application de nouvelles dispositions dans ces deux domaines requière l’adoption de l’accord par les 40 parlements nationaux et régionaux des 27.

Article initialement réalisé par des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif dirigé par Toute l’Europe - Mis à jour en novembre 2020

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