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Qu’est-ce que le traité de l’Elysée ?

Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer signent le traité de l’Elysée. Après le conflit meurtrier de la Seconde Guerre mondiale, cet événement marque la réconciliation entre les deux pays et consolide le rôle moteur du couple franco-allemand dans la construction européenne.

Signature du traité de l'Elysée le 23 janvier 1963 par Konrad Adenauer (gauche) et Charles de Gaulle (droite)
Signature du traité de l’Elysée le 22 janvier 1963 par Konrad Adenauer (gauche) et Charles de Gaulle (droite) - Crédits : Bundesarchiv

La réconciliation du peuple allemand et du peuple français, mettant fin à une rivalité séculaire, constitue un événement historique qui transforme profondément les relations entre les deux peuples”. Issue de la déclaration commune du général de Gaulle et Konrad Adenauer en 1963, la phrase n’est pas anodine. Elle entérine le rapprochement des deux nations, 18 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Pourquoi un traité entre la France et l’Allemagne ?

Le retour au pouvoir de Charles de Gaulle en mai 1958 inquiète la République fédérale d’Allemagne (RFA). Fervent défenseur de l’indépendance nationale, le général s’était prononcé contre la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et contre la Communauté européenne de défense (CED).

Les 14 et 15 juillet 1958, celui-ci accueille cependant Konrad Adenauer à son domicile de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Eglises. Une rencontre qui lui permet de rassurer le chancelier allemand quant à ses intentions de respecter les traités européens signés par la France.

L’un et l’autre partagent, par ailleurs, une vision d’ensemble similaire de la construction européenne : une union politique des Six avec une coopération en matière d’économie, de défense, de politique étrangère et de culture. Toutefois, ils se distinguent dans la vive opposition du premier à une organisation fédéraliste de l’Europe, et le refus du second d’entrer en conflit avec son allié américain.

D’autres visites vont suivre, la plus marquante étant celle du 2 au 8 juillet 1962 en France. Celle-ci permet d’approfondir la relation entre les deux dirigeants et se conclut par une messe symbolique à la cathédrale de Reims. A la fin du séjour, alors que le plan Fouchet de la France destiné à créer une union d’Etats a été refusé malgré le soutien de la RFA, le général de Gaulle propose un rapprochement franco-allemand reprenant largement cet accord. Ce que le chancelier accepte.

Le chancelier Adenauer et le général de Gaulle cherchent alors à graver dans le marbre la réconciliation franco-allemande et instaurer une amitié durable entre les deux peuples. Par ailleurs, la France souhaite éloigner la RFA des Etats-Unis et du Royaume-Uni, afin d’asseoir la politique française en Europe. Du côté allemand, l’un des objectifs est au contraire d’approfondir l’intégration atlantique en servant d’intermédiaire entre Français et Américains. Par ailleurs, le chancelier veut aussi pousser les Etats-Unis à réassurer la défense de l’Europe, particulièrement dans le domaine nucléaire.

Malgré les différends qui peuvent apparaître entre Bonn et Paris sur les questions de politique étrangère, Konrad Adenauer propose à Charles de Gaulle, le 16 janvier 1963, de signer un traité franco-allemand. Ce qui est fait 6 jours plus tard.

Que contient le traité de l’Elysée ?

Le traité de l’Elysée est signé le 22 janvier 1963 au palais de l’Elysée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Cet accord organise les relations interétatiques afin d’approfondir la coopération entre la France et l’Allemagne. C’est en particulier la défense, les affaires étrangères, l’éducation et la jeunesse qui sont concernées.

D’un point de vue institutionnel, le traité dispose que les deux chefs de l’Etat et de gouvernement se rencontrent au moins deux fois par an. Les ministres des Affaires étrangères doivent se réunir au moins trois fois par an, tandis que leurs hauts fonctionnaires doivent organiser des réunions mensuelles, alternativement à Bonn et à Paris. Des rencontres doivent avoir lieu en matière de défense, d’éducation et de jeunesse, avec notamment la présence des ministres compétents. Enfin, une commission interministérielle est créée dans chaque pays afin de suivre les différentes coopérations.

Les deux Etats doivent se consulter sur les questions de politique étrangère, dans le but de parvenir à des positions communes. Les deux pays annoncent aussi vouloir coopérer sur les questions d’aide au développement, avec une coordination des politiques et la mise en place d’initiatives communes.

Dans le domaine de la défense, le traité cherche un rapprochement stratégique et tactique au travers du développement de conceptions communes. Par ailleurs, des échanges de personnel militaire et l’élaboration de projets d’armement doivent être mis en place.

Concernant l’éducation et la jeunesse, le traité pousse les deux pays à prendre des mesures pour favoriser l’apprentissage de l’allemand et du français. D’autre part, les deux parties doivent accélérer la mise en place de dispositions de reconnaissance des études et des diplômes, mais aussi développer la collaboration en matière de recherche. Enfin, le traité instaure la création d’un organisme franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) pour développer et promouvoir les échanges entre les deux pays.

Quel impact sur les relations franco-allemandes ?

Immédiatement après la signature du traité de l’Elysée, les relations franco-allemandes vont se tendre de nouveau. Le Bundestag vote le 8 mai 1963 un préambule au traité, réaffirmant l’importance pour l’Allemagne de l’alliance transatlantique et sa volonté que le Royaume-Uni adhère aux communautés européennes.

Ce texte irrite en France, qui comptait sur le traité pour concrétiser l’idée gaullienne d’une Europe émancipée de son partenaire d’outre-Atlantique. Par ailleurs contraint de démissionner le 15 octobre 1963, Konrad Adenauer est remplacé par Ludwig Erhard, un atlantiste convaincu. La France n’est alors pas en reste pour froisser son voisin allemand, comme lorsque Charles de Gaulle décide de reconnaître la République populaire de Chine en 1964 sans avoir consulté l’Allemagne au préalable, comme le prévoyait le traité de l’Elysée pour toute décision importante de politique étrangère.

Kurt Georg Kiesinger lui succède le 1er décembre 1966, et entretient de meilleures relations avec Paris. Malgré les crises et difficultés qu’ont connues la France et l’Allemagne sous la présidence de de Gaulle, et l’absence de concrétisation des dispositions du traité en matière de politique étrangère et de défense, le traité a connu certaines réussites.

Tout d’abord les dirigeants des deux pays, comme disposé dans le traité, n’ont jamais cessé de se rencontrer régulièrement, et les échanges de fonctionnaires se sont maintenus. Sur les questions d’éducation, l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) lancé le 5 juillet 1963, a joué un important rôle dans le rapprochement de part et d’autre du Rhin, en développant les échanges de jeunes des deux pays. Finalement, le plus grand succès de l’accord est d’avoir remarquablement contribué à cette idée d’amitié franco-allemande au sein des deux peuples, qui s’est traduite par une multiplication des initiatives provenant de la société civile.

Le 22 janvier 2019, le traité d’Aix-la-Chapelle (le consulter ici) est signé dans la ville du même nom entre la France et l’Allemagne, le jour du 56ème anniversaire de celui de l’Elysée. Celui-ci a pour but de compléter et de renforcer le précédent traité.

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1 commentaire

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    Léna

    Je trouve que cette article représente très bien 👍 le traité de l’Elysée en 1963.