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Qu’est-ce que le CETA ?

Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un accord commercial bilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Signé le 30 octobre 2016, il est entré en vigueur partiellement le 21 septembre 2017… non sans avoir suscité de nombreuses critiques.

L'accord entre l'UE et le Canada n'est pas entré complètement en vigueur
L’accord entre l’UE et le Canada n’est pas entré complètement en vigueur - Crédits : Aurore Martignoni / Commission européenne

L’Accord économique et commercial global (AEGC) entre l’Union européenne et le Canada (CETA) réduit drastiquement les barrières tarifaires et non-tarifaires aux échanges commerciaux. Il s’étend également à de nombreux autres aspects liés à l’exportation des biens et des services, ainsi qu’aux possibilités d’investissements des entreprises européennes et canadiennes.

En pratique, il doit réduire la quasi-totalité - près de 99 % - des barrières d’importation, permettre aux entreprises canadiennes et européennes de participer aux marchés publics, de services et d’investissements de l’autre partenaire, et renforcer la coopération entre le Canada et l’UE en termes de normes et de régulation. Ainsi, le CETA est un traité dit de nouvelle génération, car il ne s’applique pas seulement aux droits de douane, contrairement aux accords de libre-échange traditionnels.

Pourquoi l’accord n’est-il toujours pas complètement en vigueur ?

Les discussions autour du CETA ont fait l’objet de nombreux rebondissements. Les négociations ont débuté le 6 mai 2009 au sommet UE-Canada de Prague. Cinq ans plus tard, les deux partenaires économiques ont présenté le texte lors d’un sommet à Ottawa. En juillet 2016, la Commission européenne l’a adopté et a formellement proposé au Conseil de l’UE de le signer et le conclure.

Le 27 octobre 2016, les pays de l’UE à 28 devaient signer le CETA, afin qu’il entre en vigueur après l’approbation du Parlement européen. Mais à la suite du refus de la Wallonie d’autoriser la Belgique à parapher l’accord, le sommet qui devait accueillir sa signature a été annulé. Les entités belges ayant finalement trouvé un compromis dans la semaine, la signature a pu avoir lieu le 30 octobre 2016.

Le Parlement européen, quant à lui, s’est prononcé le 15 janvier 2017 en faveur du traité. Mais en excluant certains volets tels que le système chargé de régler les différends entre les Etats et les investisseurs. Par la suite, un arrêt rendu par la Cour de justice de l’UE en mai 2017 (au sujet de l’accord avec Singapour) a en effet confirmé que l’UE n’avait pas la compétence exclusive dans le domaine des investissements étrangers de portefeuilles et dans le régime des règlements de différends entre les investisseurs et les Etats.

Depuis le 21 septembre 2017, seule la partie du CETA qui dépend de la compétence exclusive de l’UE (soit 90 % de l’accord) est donc entrée en vigueur. L’application totale de l’accord ne sera possible qu’après sa ratification - en cours - par les parlements nationaux et régionaux des 27 Etats membres… si celle-ci a bien lieu. Alors que les deux assemblées du Canada l’ont déjà validé dès 2017, seuls 17 pays européens sur 27 ont pour l’instant fait de même (Allemagne, Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Suède et Roumanie). Le Parlement de Chypre a en revanche rejeté le 1er août 2020 la ratification de l’accord mais pourrait voter à nouveau. Le Royaume-Uni avait quant à lui ratifié le CETA en novembre 2018, avant de sortir de l’Union européenne.

En France, après des débats tendus, l’accord du CETA a été voté par l’Assemblée nationale à une courte majorité de 266 voix contre 213 le 23 juillet 2019. Le projet de loi de ratification devait être examiné au Sénat en octobre de la même année, mais a été repoussé.

En juin 2020, la Convention citoyenne sur le climat a demandé au gouvernement de ne pas ratifier le CETA et d’en dénoncer l’application provisoire de l’accord, tant que les objectifs de l’accord de Paris sur le climat n’y seraient pas intégrés.

Problème : le CETA a été signé et présenté en un seul bloc aux Etats membres, contrairement aux accords ultérieurs avec d’autres pays, divisés en sous-accords par domaines. De fait, si un seul des parlements vote contre le CETA, “non seulement la partie qui concerne la protection des investissements étrangers ne sera jamais appliquée, mais la partie qui relève de la compétence européenne et qui est appliquée aujourd’hui tombera également”, note la Commission.

Pourquoi un accord avec le Canada ?

Avant même l’entrée en vigueur partielle du CETA, le Canada était un partenaire commercial important de l’UE à 28 membres. Il était en 2016 au 11e rang des exportations de l’Union européenne (et au 16e rang des importations), tandis que l’UE était le deuxième partenaire commercial du Canada - après les Etats-Unis. Le volume des échanges entre les deux partenaires s’élevait à près de 64,2 milliards d’euros en 2016 - l’UE exportant principalement des machines, des équipements de transport et des produits chimiques vers le Canada. Les services commerciaux représentaient quant à eux 25,6 milliards d’euros (en 2016), principalement des services de transports, de voyage et d’assurance.

Par ailleurs, le Canada et l’UE entretenaient déjà une relation étroite en termes d’investissements. En 2012, le Canada était le quatrième investisseur étranger dans l’UE, avec plus de 142 milliards d’euro d’investissements. Tandis que l’UE était le deuxième investisseur étranger au Canada, avec près de 260 milliards d’euros investis. De plus, le Canada dispose d’une très importante réserve de ressources naturelles et énergétiques.

Le CETA a donc pour objectif de renforcer ces liens commerciaux, mais aussi de créer un environnement plus stable pour soutenir les investissements entre les deux partenaires. Pour la Commission européenne, l’accord est étroitement lié à la volonté de stimuler la croissance européenne en renforçant la compétitivité des entreprises et en leur permettant de s’ouvrir à des marchés dynamiques et équitables.

La Commission européenne estimait qu’à terme, le CETA devrait accroître de 25 % les échanges commerciaux UE-Canada. Selon une étude de 2009 que l’institution a menée avec le gouvernement canadien, le CETA était supposé faire progresser le PIB de l’UE de 0,02 % à 0,08 %.

Un premier bilan est-il possible ?

Selon les autorités canadiennes, le commerce entre les deux parties a connu une augmentation de 33,7 % en 2021, par rapport au niveau de 2016, avant l’application de l’accord. C’est plus que la croissance de 18,6 % enregistrée par l’ensemble du commerce extérieur de marchandises du Canada au cours de la même période.

Près de 98 % des barrières tarifaires dans les échanges entre l’UE et le Canada ont été levées. Comme l’explique la direction générale du Trésor, “dans le secteur industriel, la quasi-totalité des droits de douane ont été supprimés, à l’exception des industries automobiles et navales (démantèlement progressif en 7 ans)”. Le secteur agricole a aussi été concerné, “avec une disparition programmée de 93,8 % des droits de douane par l’UE (91,7 % par le Canada), à l’exception de certaines filières sensibles : produits laitiers, produits bovins, volailles”. Pour certains produits, le CETA a en effet mis en place des quotas limitant à court terme les échanges. Il s’agit par exemple des exportations canadiennes de viande bovine.

Quel bilan pour la France ? Le Trésor estime que les échanges franco-canadiens sont passés d’environ 6 milliards d’euros en 2016 à 7,2 milliards en 2021, soit une hausse de 21 %. Selon le ministère de l’Agriculture, en 2021, la France a une balance commerciale agricole positive avec le Canada (+ 289,6 millions d’euros). “Les vins représentent 53,5 % des exportations françaises de produits agricoles […] vers le Canada, le canola (variété de colza) constituant plus de la moitié des importations agricoles et agroalimentaires françaises en provenance de ce dernier”, indiquent les autorités françaises. 

Pourquoi des réticences ?

Le CETA reste particulièrement controversé. Le blocage de trois gouvernements régionaux de Belgique (Wallonie, Bruxelles et Communauté linguistique francophone), qui avaient refusé dans un premier temps de donner le feu vert à leur gouvernement pour la ratification du traité, est symptomatique des réticences qui animent partenaires sociaux, producteurs et associations.

Premier point de blocage : le règlement des différends. Le CETA prévoit qu’en cas de désaccord avec la politique publique menée par un Etat, une multinationale peut porter plainte auprès d’un tribunal spécifique, indépendant des juridictions nationales. Des craintes se sont exprimées vis-à-vis de ce mécanisme qui pourrait affaiblir le pouvoir régulateur des Etats membres, éveillées notamment par des précédents, comme la plainte de Philip Morris à l’encontre de la politique anti-tabac uruguayenne.

En réponse aux réticences de la société civile, de certains pays et d’un certain nombre de parlementaires européens, la Commission européenne a renforcé l’indépendance et la transparence de ce système d’arbitrage, limité les motifs pour lesquels un investisseur pouvait contester un Etat et réduit l’impact de ses décisions.

Sur ce sujet, la Belgique avait par ailleurs saisi le 7 septembre 2017 la Cour de Justice de l’Union européenne. Cette dernière a toutefois considéré dans un arrêt daté du 30 avril 2019 que ce mécanisme était “compatible avec le droit de l’UE”.

Deuxième point d’inquiétude : l’impact de ce traité sur l’agriculture des Etats membres. De nombreuses ONG et agriculteurs français arguent que les garanties de protection de l’agriculture locale sont insuffisantes. La crainte d’une remise en cause des modèles agricoles et agroécologiques au contact du modèle canadien reste vive chez les producteurs européens - le principe de précaution étant moins contraignant au Canada. Certains déplorent également le manque de reconnaissance de produits certifiés français, seules une quarantaine d’AOC sur les plus de 560 que compte le territoire français étant reconnues.

Le processus de négociation du CETA s’est également attiré les critiques de la société civile en raison de sa relative opacité. La Commission européenne assure avoir établi un dialogue avec les partenaires sociaux et les parties prenantes dès le début des négociations. De nombreuses études d’impact - économiques comme de développement durable - ont été publiées et des consultations publiques effectuées.

Article initialement rédigé par des élèves de Sciences Po dans le cadre d’un projet collectif dirigé par Toute l’Europe

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