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Qu’est-ce que la “troïka” ?

Ce mot d’origine russe signifiant au départ un attelage de trois chevaux, a progressivement pris une acception politique et est aujourd’hui principalement utilisé pour désigner l’alliance de trois personnalités ou entités alliées pour diriger ou régler un problème. Au niveau européen, la troïka désigne l’alliance de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international pour superviser les plans de sauvetage et ses implications dans les Etats membres de l’Union européenne.

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Comment la troïka s’est-elle constituée ?

La crise économique et financière a fortement touché l’Union européenne dans son ensemble et quatre Etats membres en particulier : la Grèce, l’Irlande, le Portugal et Chypre. Ces quatre pays ont en effet été contraints de demander une aide financière pour renflouer leurs caisses. Les quatre gouvernements se sont ainsi tournés vers la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international dont la collaboration a constitué la troïka.

Quels pays ont fait appel à la troïka ?

En Grèce, la troïka a démarré son intervention en février 2010 alors qu’un nouveau gouvernement socialiste venait d’être élu. Ce dernier découvrit en effet un déficit de 12,7% du PIB, soit un chiffre deux fois supérieur à celui annoncé par le gouvernement sortant, conservateur. Un premier plan de sauvetage de 110 milliards d’euros est alors proposé. Un second prêt de 130 milliards d’euros suivra en 2013 après le vote plusieurs programmes nationaux d’austérité. Au total, l’aide fournie par la troïka à la Grèce est de l’ordre de 380 milliards d’euros, “à la fois sous forme de prêts, de sommes injectées directement et d’un effacement de dettes” . La contrepartie à ce soutien financier fut importante pour le peuple grec, victime de la rigueur budgétaire et ce sans que les performances économiques du pays ne s’améliorent significativement. Début 2015, la dette publique grecque s’élève en effet à environ 175% du PIB.

En Irlande, c’est également en 2010 que le pays, fortement touché par l’éclatement de la bulle immobilière et la crise des subprimes, fit appel à la troïka. En effet, le renflouement des banques eut pour conséquence de porter le déficit public irlandais à 32% du PIB en septembre 2010. Deux mois plus tard, un plan d’aide est signé pour un montant d’environ 85 milliards d’euros (dont 35 milliards d’euros pour les banques) sur 10 ans. En décembre 2013, le pays est en mesure de s’affranchir de la tutelle de la troïka et fait son retour sur les marchés en janvier 2014.

Au Portugal, la dégradation de la note souveraine par les agences de notation financière à la suite de la crise économique a eu pour conséquence de fortement accroître le prix des emprunts. En 2011, alors que le déficit public portugais s’élève à environ 10% du PIB, la dette dépasse quant à elle les 100% du PIB. En mars 2011, un plan de sauvetage de 78 milliards d’euros est donc signé pour une durée de trois ans. En mai 2014, l’action de la troïka prend fin, sans toutefois que cela signifie que les efforts portugais ne soient terminés : la dette se trouvant toujours largement au-delà du seuil des 100% du PIB et la croissance restant faible.

Chypre a quant à elle demandé l’aide de la troïka en mars 2013 pour un montant de 17 milliards d’euros. Dans un premier temps, le pays avait obtenu un financement russe de 2,5 milliards d’euros. Finalement, un plan de sauvetage de 10 milliards d’euros fut accordé avec une sortie de récession prévue en 2015.

Par ailleurs, l’Espagne a également fait appel à une aide extérieure en juin 2012. Compte tenu de la taille du pays - 5e économie de l’Union européenne - et des réticences du gouvernement de Mariano Rajoy de formellement demander le secours de la troïka, l’aide accordée à l’Espagne est venue du Mécanisme européen de stabilité (MES) et s’est concentrée exclusivement sur le secteur financier. Au total, le pays a reçu 41,3 milliards d’euros pour renflouer ses banques et l’aide européenne s’est arrêtée le 31 décembre 2013.

Quelles sont les principales critiques formulées à l’encontre de la troïka ?

Très rapidement, l’action de la troïka a suscité des critiques en Europe. Son caractère peu démocratique tout comme l’ampleur des réformes d’austérité et des conséquences sociales qui en découlent ont nourri un fort ressentiment dans plusieurs pays, au premier rang desquels la Grèce.

Surnommés “les hommes en noir” en 2012 par Luis de Guindos, ministre des Finances espagnol depuis 2011, les représentants de la troïka ont été sévèrement présentés à de multiples reprises, notamment par Evangelos Venizelos, vice-Premier ministre et chef de la diplomatie grecque de juin 2013 à janvier 2015 : “Il n’est pas possible d’avoir la réduction des déficits comme seul horizon. Se substituer à la classe politique et aux partenaires sociaux n’est pas à la portée des fonctionnaires, fussent-ils internationaux. C’est un problème de légitimité” , a-t-il ainsi déclaré en janvier 2014.

Elu à la tête de la Grèce en janvier 2015, Alexis Tsipras, leader de la Syriza, parti de gauche radicale, a promis de mettre un terme à son action dans le pays et en a fait une condition sine qua non d’un nouvel accord avec la Commission européenne et les autres Etats membres. De fait, en Grèce, troïka est devenu un mot tabou, symbole de l’humiliation infligée au peuple.

Le Parlement européen, dans un rapport rendu public en mars 2014, mais aussi Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne depuis novembre 2014, ont également formulé d’importantes réserves quant à la troïka et se sont même prononcés en faveur de sa suppression. Une résolution des eurodéputées, votée à une large majorité en 2014, soulignait quant à elle que la troïka était “dépourvue de transparence et de contrôle démocratique” , que son fonctionnement était “opaque” et de plus en plus “dogmatique” . De la même manière, parmi les priorités de Jean-Claude Juncker pour ses cinq années de mandat, figure le remplacement “de la troïka par une structure plus légitimement démocratique et plus comptable de ses actes, basée autour des institutions européennes, avec un contrôle parlementaire renforcé, tant au niveau européen que national” .

Il est par conséquent plus que probable que la troïka disparaisse ou du moins soit totalement repensée et renommée au cours des prochaines semaines. Insupportable aux yeux du nouveau gouvernement grec et dénoncée par le président d’une de ses composantes, la troïka semble avoir “épuise son rôle historique” , pour reprendre les mots de Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires et en charge du dossier grec.

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