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Qu’est-ce que la CECA ?

Moins d’un an après la déclaration Schuman du 9 mai 1950, six pays se retrouvent à Paris en avril 1951 pour signer le traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Un traité précurseur, qui pose les bases de l’intégration européenne.

Traité de Paris
Signature du Traité de Paris en 1951, instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)

Dans le contexte d’après-guerre, le 9 mai 1950, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman prononce un discours dans lequel il révèle le projet français de création d’une communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Une idée dont le Commissaire général au Plan, Jean Monnet, est à l’origine, et qui est aujourd’hui considérée comme le fondement de la construction européenne.

Au terme de longues négociations, Robert Schuman obtient finalement l’accord du président du Conseil français, Georges Bidault. Le chancelier allemand Konrad Adenauer y est également favorable.

Elaborée dans le plus grand secret, la déclaration de Robert Schuman intervient seulement quelques heures après l’accord de principe de son gouvernement et avant le début des négociations diplomatiques. Le gouvernement français n’a même pas encore de trace écrite du plan. Mais le duo Schuman-Monnet souhaite marquer les esprits, afin d’emporter l’opinion publique à sa cause et inciter les autres gouvernements européens à le suivre.

Le jour de la déclaration, le plan est envoyé simultanément aux autorités américaines, belges, britanniques, italiennes, luxembourgeoises, néerlandaises et allemandes. La réception, marquée par quelques scepticismes, est généralement favorable au plan français. Les pays européens ne souhaitent de toute façon pas manquer l’opportunité de participer à un projet de construction européenne. La mutualisation du charbon et de l’acier européen, régie par des institutions supranationales, est alors en marche.

Qui y participe ?

Les négociations sont donc engagées entre les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), l’Italie, l’Allemagne de l’Ouest et la France, mais sans le Royaume-Uni (voir plus bas). Elles se concentrent d’abord sur les choix institutionnels. Robert Schuman établit, en prérequis à toute négociation, l’instauration d’une Haute autorité supranationale. Les pays du Benelux demandent la totale indépendance de cette dernière, ainsi que la création d’une autre institution qui viendrait la contrebalancer. Ils craignent en effet de se faire dominer par le couple franco-allemand et de subir l’ingérence de la Haute autorité.

Le traité instituant la CECA est officiellement paraphé par les six délégations le 18 avril 1951. Après quelques mois lors desquels les négociations se poursuivent, il entre finalement en vigueur le 23 juillet 1952 entre six Etats, avec une durée de vie limitée à 50 ans. La ratification du traité ne pose pas de problèmes majeurs dans la majorité des pays, à l’exception de la France, où le Parti Communiste s’oppose farouchement à l’idée d’une communauté potentiellement hostile à l’URSS.

Le marché commun du charbon est effectif à partir du 10 février 1953, celui de l’acier le 1er mai de la même année.

Les pays participants et les signataires du traité de Paris

Les fondateurs de la CECA
Les signataires du traité de Paris de 1951

Le traité a été modifié à sept reprises, une première fois en 1965 et une dernière fois en 2001. Des traités d’adhésion de nouveaux membres sont également venus le compléter.

Pourquoi le charbon et l’acier ?

Pour Jean Monnet, “il s’agit de recréer le bassin naturel dont les hommes ont arbitrairement morcelé l’unité et limité le développement, ce bassin par la densité de ses ressources minières et par la richesse de son industrie constitue un ensemble unique au monde” .

Les raisons sont à la fois économiques et politiques. Economiques, car ces deux matières sont à la base de l’industrie et de l’énergie de la France et de l’Allemagne. Politiques, car la CECA lie les deux Etats anciennement rivaux et empêche l’éclatement d’un nouveau conflit en créant un marché unique.

Pourquoi le Royaume-Uni n’y participe-t-il pas ?

Devinant les réticences britanniques, Robert Schuman et Jean Monnet ne jugent pas opportun de prévenir leurs homologues d’outre-Manche au cours de la préparation du plan. Le ministre des Affaires étrangères britannique, Ernest Bevin, est finalement informé du projet par l’ambassadeur de France à Londres quelques jours avant son dévoilement. Immédiatement, le chef de la diplomatie fait part de ses réticences.

Pourtant, le Royaume-Uni est le premier partenaire de la France dans les organisations internationales et européennes créées après la Seconde Guerre mondiale : l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, future OCDE) et le Conseil de l’Europe. Le Royaume-Uni est par ailleurs le premier producteur européen de charbon et d’acier, produisant à lui seul 37 % de la production des principaux pays producteurs en Europe. Il aurait donc été un partenaire central d’une coopération européenne autour de ces deux matières.

Malgré l’approche plutôt bienveillante du Premier ministre britannique Attlee et les encouragements répétés de la France, la commission parlementaire britannique chargée d’étudier le projet se montre rapidement hostile à l’idée d’une participation à la CECA. Elle souhaite en effet préserver la totale souveraineté du pays. Or, l’institution supranationale comprise dans le projet de Schuman y est perçue comme une menace.

Lorsque le gouvernement britannique prend connaissance du prérequis de la Haute autorité, il décide de ne pas se joindre d’emblée aux négociations. Il souhaite au préalable observer les développements des négociations bilatérales entre la France et l’Allemagne pour prendre position.

Ce que les Britanniques souhaitent est un traitement spécial au sein du plan Schuman. Ce qui, pour Jean Monnet, n’est pas une option : octroyer un statut spécial à la Grande-Bretagne mettrait en péril l’idéal de supranationalité. Le Français décide donc de poursuivre les négociations avec les autres pays et d’avancer sans le Royaume-Uni.

Le pays est finalement absent de la conférence de Paris, et la CECA se construit sans lui. Ce n’est qu’en 1973 qu’il adhère finalement à la Communauté économique européenne, en même temps que l’Irlande et le Danemark. Le Royaume-Uni quittera finalement l’Union européenne en 2020, après 47 ans d’adhésion.

Quelles sont les compétences de la CECA ?

L’objectif de la CECA est de contribuer à l’expansion économique, au développement de l’emploi et à l’amélioration du niveau de vie (art. 2 du traité de Paris). Ainsi, les institutions doivent veiller à l’approvisionnement régulier du marché commun en charbon et en acier, en assurant un égal accès aux sources de production, en veillant à l’établissement des prix plus bas et à l’amélioration des conditions pour la main d’œuvre. Tout cela doit être accompagné du développement des échanges internationaux et de la modernisation de la production.

Le traité instaure la libre circulation des produits, sans droits de douane ni taxes. Il interdit en outre les mesures ou pratiques discriminatoires, les subventions, les aides ou les charges spéciales de l’Etat ainsi que les pratiques restrictives.

Le marché commun est rapidement perçu comme une source potentielle de dérive sociale. Les syndicats craignent un dumping social entre les Etats membres au prétexte de la concurrence tarifaire. Pourtant, la CECA joue également un rôle dans le domaine social et prend des mesures pour la protection des salariés, l’amélioration des conditions d’hygiène et le développement des formations.

Comment fonctionne-t-elle ?

La Haute autorité et son comité consultatif - La Haute autorité est l’organe exécutif de la CECA. Elle a une vocation supranationale et est composé de neuf membres (l’Allemagne, la France et l’Italie en désignant deux chacune). Malgré leur appartenance nationale, les membres doivent prêter serment afin de garantir la défense des intérêts de la Communauté dans son ensemble. Le premier président de la Haute autorité est Jean Monnet, auquel succède en 1955 un autre Français, René Mayer.

Toutes les décisions de la Haute autorité sont soumises au comité consultatif, composé de représentants de la société civile : producteurs, travailleurs, consommateurs et négociants dans le secteur du charbon et de l’acier.

L’assemblée - Composée de 78 députés, l’assemblée est établie à Strasbourg. Elle contrôle l’action de la Haute autorité et garantit, au nom des parlementaires qui l’ont élue, le caractère démocratique de la communauté. Elle conseille la Haute autorité et peut la renverser par un vote. Son premier président est le Belge Paul-Henri Spaak.

Conseil spécial de ministres - Composé des ministres des gouvernements nationaux, il représente l’organe de liaison entre la Haute autorité et les gouvernements. La présidence du Conseil tourne tous les trois mois, les différents Etats membres se succédant à cette fonction. Son rôle est l’harmonisation des travaux de la Haute autorité et des gouvernements nationaux. Il constitue par ailleurs un contrepoids intergouvernemental au pouvoir supranational de la Haute autorité.

Cour de justice - C’est elle qui préserve les traités de tout abus de pouvoir. Elle assure l’application et l’interprétation des lois de la CECA prescrites par le traité. Elle est composée de sept juges et de deux avocats généraux, nommés pour sept ans par les gouvernements nationaux.

Le fonctionnement de la CECA

Le fonctionnement de la CECA

Quelles difficultés a-t-elle rencontrées ?

Avec le retour de Charles De Gaulle au pouvoir en France en 1958, le pouvoir supranational de la Haute autorité est remis en question.

A cela s’ajoutent des difficultés sur le marché du charbon dans les années 1950, causées par une surproduction due à la concurrence du charbon américain mais aussi à celle du pétrole et du gaz. Les mines de charbon européennes, ne pouvant plus être compétitives, sont contraintes de fermer, entraînant avec elles des vagues de mineurs au chômage. Malgré l’insistance de la Haute autorité qui, pour résoudre la crise, souhaite fixer des quotas, le conseil des ministres refuse. Les six gouvernements sont en effet en désaccord sur la réponse à apporter. La CECA se révèle donc impuissante face à la crise.

L’acier connaît lui aussi une crise de surproduction dans les années 1950. Face aux désaccords entre les gouvernements, la Haute autorité décide cette fois-ci d’adopter unilatéralement, en 1963, une recommandation pour limiter les importations et augmenter les tarifs douaniers. Elle est finalement suivie par tous les pays.

Quel est son bilan ?

Le 23 juillet 2002, soit 50 ans après son entrée en vigueur, le traité de la CECA expire comme prévu. Les compétences de la CECA sont transférées à l’Union européenne et son solde est attribué à un fonds de recherche pour le charbon et l’acier.

Six ans avant la signature du traité de Rome instaurant les Communautés européennes, la CECA aura posé les bases d’une coopération à six. Elle a accompagné le développement d’un esprit de coopération et constitué une véritable opportunité pour les différents agents des pays membres de se rencontrer, d’échanger et d’apprendre à se connaître. Une expérience salvatrice pour les développements futurs de la coopération européenne. L’un de ses autres acquis a été de sceller la réconciliation et la coopération franco-allemandes

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