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Politique industrielle : que fait l’Union européenne ?

Le secteur industriel, qui représente aujourd’hui près d’un quart du PIB européen, fait face à une concurrence mondiale de plus en plus importante. L’Union européenne cherche à favoriser son développement en finançant des projets et en édictant un certain nombre de règles.

L’Union européenne est aujourd’hui la troisième puissance industrielle du monde, derrière la Chine et les Etats-Unis. 

Le continent peut s’appuyer sur de nombreuses entreprises d’envergure, notamment dans les secteurs de l’automobile, des transports, de la défense, de la chimie/pharmacie et de l’agroalimentaire en France, ou de l’automobile, de la chimie et de la construction mécanique en Allemagne. Volkswagen, Daimler, Stellantis (ex PSA), BMW, Siemens ou encore Bosch sont des références mondiales. L’Italie est quant à elle marquée par une prédominance du textile, de l’agroalimentaire et de l’automobile, tandis qu’en Pologne, l’extraction minière, la sidérurgie et la chimie font partie des branches les plus importantes.

En comparaison du secteur des services toutefois, le poids de l’industrie se réduit peu à peu. C’est le cas depuis plusieurs décennies, en Europe comme dans la plupart des Etats occidentaux, même dans un pays comme l’Allemagne où ce secteur demeure important. D’après les statistiques de la Banque mondiale, dans l’Union européenne, l’industrie est passée de 25,5 % à 22,2 % du PIB européen entre 2000 et 2020 (secteur de la construction inclus). Une tendance comparable est observée aux Etats-Unis, tandis que la Chine et la Russie n’y échappent pas, même si l’industrie y représente encore respectivement 38 % et 30 % de leur PIB en 2020.

D’un Etat membre à l’autre de l’UE, l’importance du secteur industriel varie également. Dans deux pays - l’Irlande et la République tchèque - il représente plus de 30 % du PIB. Sa part est en revanche inférieure à 20 % du PIB dans neuf autres Etats membres, dont la Belgique (19,5 %), le Portugal (19,4 %), les Pays-Bas (17,8 %) et la France (16,4 %). L’industrie est par ailleurs le premier employeur dans plusieurs pays de l’Est. Même si à l’échelle européenne, elle génère moins de 22 % des emplois aujourd’hui contre plus de 27 % vingt ans plus tôt.

Le rôle de l’Union européenne

La politique industrielle relève essentiellement de la compétence des Etats membres. La Communauté européenne a toutefois dès les années 1950 limité les pratiques d’intervention publique (aides d’Etat) au sein du marché unique, de manière à favoriser la concurrence entre Etats. Avec le renforcement de la compétition mondiale dans les années 1980, la politique industrielle est devenue un enjeu européen croissant.

Le traité de Maastricht de 1992 en a fait une compétence d’appui de l’Union européenne. Celle-ci peut ainsi intervenir “pour soutenir, coordonner ou compléter les actions des pays” en la matière, à condition que ses actes juridiques ne nécessitent pas d’harmonisation de la législation des Etats.

Depuis, la politique industrielle européenne s’est axée sur la création de conditions favorables à la compétitivité des entreprises du secteur. Ses objectifs, définis dans l’article 173 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, sont ainsi :

  • d’accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels,
  • d’encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de l’Union, et notamment des petites et moyennes entreprises,
  • d’encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises,
  • de favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique.

Une politique horizontale

Les compétences de l’Union en la matière étant limitées, sa politique industrielle est essentiellement horizontale : elle vise à favoriser l’environnement économique global du secteur. La prise en compte de l’industrie est ainsi “profondément intégrée dans d’autres politiques de l’Union telles que celles liées au commerce, au marché intérieur, à la recherche et à l’innovation, à l’emploi, à la protection de l’environnement et à la santé publique”, explique le site du Parlement européen. Ces dix dernières années, la politique industrielle européenne s’est déclinée à travers plusieurs orientations et plans transversaux.

Parmi les objectifs globaux définis en 2010 (stratégie Europe 2020), l’Union européenne s’est notamment donné pour but de “collaborer étroitement avec les protagonistes des différents secteurs” et “créer un cadre propice à l’émergence d’une politique industrielle moderne”, afin de “soutenir la compétitivité”, d’ ”encourager l’esprit d’entreprise”, ou encore d’ ”aider les entreprises à se préparer” et à “tirer profit” des défis de la mondialisation et du changement climatique.

Parmi les nombreuses mesures prises depuis dix ans figurent, pêle-mêle, la simplification des formalités administratives et de la bureaucratie pour les petites et moyennes entreprises (Small Business Act), la définition de règles communes sur les exportations issues de l’industrie de la défense, plusieurs plans visant à accroître l’efficacité énergétique des bâtiments ou encore un programme d’économie circulaire destiné à favoriser le recyclage et à allonger le cycle de vie des produits.

Pour mieux protéger son industrie et faire face aux pratiques de concurrence déloyale des pays tiers comme la Chine, l’Union européenne agit notamment en matière commerciale. Elle a ainsi mis en place des instruments de défense commerciale (voir plus bas) et opéré, en 2017-2018, la “première grande révision de la législation anti-dumping et anti-subventions de l’Union depuis 1995″, selon la Commission.

La stratégie industrielle de l’Europe

Une nouvelle stratégie industrielle a été proposée par la Commission en mars 2020. Celle-ci ambitionne de financer des “alliances” sectorielles permettant d’améliorer la compétitivité européenne dans certains domaines allant de l’hydrogène propre aux satellites. Cette disposition permet notamment aux pays membres de bénéficier de plus de flexibilité en matière d’aides d’Etat dans ces secteurs. La stratégie met également l’accent sur la protection de la propriété intellectuelle européenne pour assurer des conditions de concurrence équitables au niveau mondial.

Sans remettre en question ces objectifs, de nouveaux s’y sont ajoutés lors de la mise à jour de cette stratégie en mai 2021. Car entretemps, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière d’autres fragilités du marché intérieur européen, révélées par les pénuries de masques, le manque d’approvisionnement en médicaments ou encore les difficultés à produire les premières doses de vaccins. La Commission en a tiré les enseignements et proposé de nouvelles mesures, réparties en trois axes. 

Le premier d’entre eux consiste à “renforcer la résilience du marché unique, notamment en temps de crise. Alors que l’année 2020 a été marquée par les restrictions d’approvisionnement et les fermetures de frontières, l’exécutif européen envisage un instrument d’urgence pour le marché unique qui garantirait la libre circulation des biens et des services en cas de crises futures. La proposition législative, un temps pressentie pour le premier trimestre 2022, a été reportée au dernier trimestre de l’année. Parmi les autres instruments évoqués figurent des “systèmes de règlement extrajudiciaire des litiges”, pour faire face aux retards de paiement ou au risque d’insolvabilité des PME. 

Le second porte sur la réduction de la dépendance européenne dans des domaines stratégiques. Sur 5 200 produits importés dans l’Union, la Commission en a identifié 137 pour lesquels l’UE était très dépendante - la moitié provenant de Chine. Il s’agit notamment de matières premières, de principes actifs de médicaments et de composants de technologies avancées comme les semi-conducteurs. Parmi ces biens, 34 ne peuvent pas être remplacés par un équivalent produit dans l’UE, ce qui rend celle-ci particulièrement vulnérable en cas de crise. La Commission veut ainsi diversifier les chaînes d’approvisionnement internationales, en concluant notamment des partenariats internationaux. Elle poursuit également le développement des alliances industrielles pour accroitre son autonomie dans des domaines stratégiques : processeurs et technologies des semi-conducteurs, données industrielles, technologies en nuage et de périphérie, lanceurs spatiaux ou encore aviation à émissions nulles. 

Durant sa présidence du Conseil de l’Union européenne (PFUE), la France espère finaliser quatre nouveaux projets importants d’intérêt européen (PIEEC), dans la production et l’utilisation d’hydrogène, la production et la conception de semi-conducteurs, la santé et le stockage de données numériques.

Troisième volet de cette mise à jour : l’accélération des transitions écologique et numérique. Celle-ci doit passer par la co-création de “trajectoires de transition” en partenariat avec l’industrie, les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes, et par la définition d’un cadre réglementaire cohérent pour atteindre les objectifs de la décennie numérique de l’Europe et de l’ “ajustement à l’objectif 55”.

Réguler la concurrence extérieure

Pour développer son industrie, l’Union européenne cherche également à mieux la défendre vis-à-vis de la concurrence internationale. Elle dispose, depuis longtemps, d’une panoplie d’instruments de défense commerciale : règles antidumping, mesures antisubventions et mesures de sauvegarde. 

Un mécanisme européen de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) est également actif depuis octobre 2020. Basé sur l’échange d’informations entre les Etats membres, il doit permettre de mieux protéger les intérêts stratégiques de l’Union en évitant, notamment, le rachat de fleurons européens par des entreprises publiques étrangères. Une mesure qui vise là aussi principalement les entreprises chinoises, dont certaines, bénéficiant de financements étatiques, s’emparent de secteurs clés tels que le port du Pirée, en Grèce.

Au Conseil européen de mars 2019, les travaux ont par ailleurs été “relancés” sur l’instauration d’un instrument de réciprocité en matière d’ouverture des marchés publics. Le texte vise à limiter l’accès des entreprises non-européennes aux appels d’offres européens, lorsque ces entreprises sont elles-mêmes issues de pays dans lesquels les conditions d’accès aux marchés publics est plus difficile pour les entreprises européennes. Le Parlement européen a adopté sa position sur le sujet en décembre 2021. 

Lors de la mise à jour de sa stratégie industrielle en mai 2021, la Commission a également adopté une proposition de règlement sur les subventions étrangères qui faussent le marché unique.

Enfin, l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, visant à renchérir les produits en provenance de pays qui ne respectent pas les mêmes règles environnementales que les Européens, est en cours de négociations et fait partie des priorités de la présidence française du Conseil. 

Un accord commercial avec la Chine a été signé en décembre 2020, permettant aux entreprises européennes d’obtenir un accès plus large au marché chinois et des conditions de concurrence plus avantageuses. Mais le refroidissement des relations diplomatiques entre l’UE et la Chine a conduit le Parlement européen à suspendre sa ratification en mai 2021.

Un soutien financier

L’Union européenne participe également au financement de projets industriels. La politique de cohésion, qui soutient des projets variés sur l’ensemble du territoire européen, en est le premier ressort. Sur la période 2014-2020, 65 milliards d’euros ont ainsi été exclusivement dédiés aux PME, notamment dans le secteur industriel. La recherche et l’innovation bénéficient également d’un important programme, Horizon Europe, financé à hauteur de 95,5 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Tandis que les réseaux transeuropéens de transport, d’énergie et de télécommunication sont soutenus par le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. 

En 2015, le plan d’investissement pour l’Europe (dit plan Juncker) a été mis en œuvre pour relancer l’investissement en Europe. Celui-ci a permis d’injecter 500 milliards d’euros dans l’économie réelle en cinq ans, aussi bien sur de grands projets d’infrastructures qu’auprès des PME. Son successeur, le plan de relance européen Next Generation EU, doté de 750 milliards d’euros, vise également à assurer la relance européenne après la récession liée à la pandémie de coronavirus.

Toutefois, qu’il vienne de l’Union européenne ou de chacun des Etats membres, ce soutien aux industries est extrêmement encadré. Ainsi, l’une des politiques européennes ayant le plus fort impact sur l’industrie est celle de la concurrence. Elle vise à favoriser le développement d’une multitude d’acteurs, en contrôlant et en empêchant les ententes, les abus de positions dominantes, les monopoles, les concentrations et les aides d’Etat. Et elle limite donc la marge de manœuvre des Etats en matière de politique industrielle. La révision des règles de concurrence est ainsi souhaitée par la France, historiquement attachée à la notion de politique industrielle. Selon le gouvernement français, les règles actuellement en vigueur empêcheraient l’émergence de “champions européens”, suffisamment puissants pour peser à l’échelle mondiale.

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