Programme phare de la Commission Juncker, en fonction depuis novembre 2014, le plan d’investissement qui porte le nom du président de l’exécutif européen a initialement suscité le scepticisme. L’objectif de lever 315 milliards d’euros en l’espace d’environ 3 ans, de mi-2015 à mi-2018, était en effet largement jugé irréaliste.
164 milliards d’euros
Malgré tout, les chiffres intermédiaires, révélés fin janvier, confirment bien la montée en puissance du dispositif. De fait, 164 milliards d’euros d’investissements ont jusqu’à présent été levés. Comme l’a indiqué Werner Hoyer, le président de la Banque européenne d’investissement (BEI), ce sont 420 opérations dans l’ensemble des 28 Etats membres qui ont été validées depuis septembre 2015.
En volume, la France fait partie des Etats membres les plus concernés par le Plan Juncker, derrière l’Italie et devant l’Espagne. Pour la seule année 2016, 37 projets ont en effet bénéficié du Plan d’investissement dans le pays.
D’abord concentré sur certains Etats membres, comme la France ou encore le Royaume-Uni, le Plan Juncker tend toutefois aujourd’hui à se déployer sur l’ensemble du territoire européen. Chypre est à cet égard devenue, en janvier, le 28e pays sur 28 à voir un projet d’investissement validé. Par rapport au PIB par habitant, les principaux Etats concernés sont l’Espagne, le Portugal, la République tchèque, la Slovaquie, la Finlande ou encore la Grèce.
Pour s’adapter aux situations économiques nationales hétérogènes, la Banque européenne d’investissement a par conséquent été amenée à profondément modifier son fonctionnement. “Le Plan d’investissement pour l’Europe a véritablement changé la donne pour la Banque” , confirme Werner Hoyer. Ajoutant que la BEI a “élaboré de nouveaux produits, touché de nouveaux clients et noué de nouveaux partenariats, en particulier avec les banques nationales de promotion économique” .
Soutenir l’activité des petites et moyennes entreprises est à cet égard l’une des premières priorités. “Dans de nombreuses régions d’Europe, les PME n’ont toujours pas accès aux financements” , reconnaît M. Hoyer. En Italie par exemple, où les financeurs traditionnels sont fragilisés, le lancement du Plan Juncker a été particulièrement crucial. Dans ce pays, la BEI finance en effet jusqu’à 90% des projets, contre 50% en France.
Prolongation jusqu’en 2020
Dans ce contexte de déploiement financier et géographique satisfaisant, les voyants sont donc au vert pour une prolongation du Plan au-delà de sa date de fin initiale fixée à 2018. Présenté par Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l’état de l’Union le 14 septembre dernier, ce renforcement devrait porter l’expiration du dispositif à 2020 et son objectif à 500 milliards d’euros.
Souhaitée par une grande majorité des Etats membres de l’UE, la prolongation du Plan Juncker doit permettre de répondre aux besoins d’investissement en matière de transition énergétique, d’infrastructures, ou encore d’emplois des jeunes.
En passe d’être validé par le Parlement européen, le renforcement du Plan Juncker ainsi que son ampleur suscitent néanmoins des divergences entre les pays. Soucieux de l’équilibre budgétaire, les chrétiens-démocrates allemands actuellement au pouvoir se sont en effet prononcés contre une prolongation au-delà de 2018, trouvant même “irritant” que le président de la Commission européenne rende publique cette perspective sans qu’elle ait été actée par les Etats membres.
A l’inverse, d’autres responsables politiques se sont exprimés pour accroître l’objectif des 500 milliards d’euros. C’est notamment le cas de Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste français à l’élection présidentielle, qui souhaite un plan européen de 1000 milliards d’euros d’investissements. Ou encore d’Emmanuel Macron qui, sans donner de chiffre, souhaite également une force de frappe plus importante que l’actuel Plan Juncker.
Additionnalité
Jusqu’à présent, ce dernier a débloqué des financements pour deux types de projets. Ceux de grande ampleur portant sur un secteur d’avenir comme les infrastructures, l’utilisation plus efficace des ressources, les énergies renouvelables, la recherche et l’innovation ou encore l’éducation et l’emploi. Et ceux de plus petits volumes concernant les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire dont l’accès au crédit a été rendu difficile par la crise économique et financière de 2008.
Sur le plan financier, le Plan Juncker fonctionne selon le principe de l’additionnalité. Une mise de départ de 21 milliards d’euros a ainsi fournie par le budget européen et la Banque européenne d’investissement. Cette somme, d’ici 2018, doit permettre à la BEI d’emprunter plus de 60 milliards d’euros sur les marchés, incitant alors la participation d’autres investisseurs privés et publics à différents projets économiques. La garantie européenne venant ici servir de “catalyseur” pour libérer les investissements, dont le niveau, en 2015 était de 15% inférieur à celui d’avant-crise en 2007.
Par Jules Lastennet