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  • Synthèse

Plan de relance européen : où en est-on ?

Adopté en juillet 2020 pour faire face au choc économique de la pandémie de Covid-19, le plan de relance européen de 750 milliards d’euros (806,9 milliards en euros de 2022) est aujourd’hui déployé dans la plupart des Etats membres. Retour sur les étapes décisives du processus et les obstacles que certains ont eu à franchir.

Le 23 juin 2021, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a remis au président Emmanuel Macron l'évaluation du plan français pour la relance et la résilience
Le 23 juin 2021, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a remis au président Emmanuel Macron l’évaluation du plan français pour la relance et la résilience - Crédits : Dati Bendo / Commission européenne

En juillet 2020, l’Union européenne a mis sur pied un plan de relance de 750 milliards d’euros (exprimés en prix courants de 2018 et aujourd’hui estimés à 806,9 milliards d’euros). Intitulé “Next Generation EU”, il vise à “atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19” et à rendre l’Europe “mieux [préparée] aux défis posés par les transitions écologique et numérique”, explique la Commission européenne.

La pièce maîtresse de NextGenerationEU est la “facilité pour la reprise et la résilience” (FRR), un instrument temporaire dont la valeur totale s’élève à 723,8 milliards d’euros (prix de 2022). La FRR octroie des subventions (385 milliards d’euros) et des prêts pour soutenir les réformes et les investissements (338 milliards d’euros) dans les États membres de l’UE.

Chaque pays peut compter sur une enveloppe partiellement prédéfinie : 70 % de la somme dépend notamment de sa population, de son PIB par habitant et de son taux de chômage avant le début de la pandémie, de 2015 à 2019. Les 30 % restants dépendent quant à eux des baisses du PIB et de l’emploi observées sur 2020, pour tenir compte de l’impact économique de l’épidémie de coronavirus.

Les 27 États membres ont décidé de s’endetter en commun pour lancer ce nouveau projet. Là aussi, plusieurs étapes ont été indispensables pour faire approuver cette mutualisation de la dette. 

Quels sont les pays bénéficiaires ?

Tous les pays de l’Union européenne doivent percevoir des fonds du plan de relance européen. A ce jour, 24 Etats membres ont reçu des fonds. L’Irlande, les Pays-Bas et la Suède manquent encore à l’appel.

Quelques semaines après avoir soumis leurs plans nationaux (voir la procédure ci-dessous), le Luxembourg, la Belgique et le Portugal ont été les premiers bénéficiaires du plan le 3 août 2021. Dans le reste du mois, d’autres ont suivi : la Grèce (9 août), l’Italie (13), la Lituanie (17), l’Espagne (17), la France (19) ou encore l’Allemagne (26).

Il ne s’agissait toutefois à l’époque que d’une partie (13 % pour la plupart) du plan de relance, distribué par tranches successives. Pour bénéficier de nouveaux décaissements, chaque Etat doit en faire la demande auprès de la Commission européenne. Celle-ci vérifie que les objectifs intermédiaires du plan national ont été atteints, et décide ou non de procéder au déblocage d’une nouvelle tranche, dans la limite de deux par an. 

A ce jour, la France a touché 23,4 milliards d’euros sur un montant total prévu de 40,3 milliards d’euros.

L’allocation française en hausse

Le 26 juin dernier, le montant alloué à la France a été revu à la hausse, à hauteur de 40,3 milliards d’euros, contre 39,4 milliards initialement. Cette augmentation s’explique par l’ajout d’un chapitre REPowerEU, du nom de l’initiative européenne visant à se passer du gaz, du pétrole et du charbon en provenance de Russie d’ici à 2027. Ce nouveau chapitre “comporte 3 réformes et 4 investissements (dont le financement renforcé du dispositif MaPrimeRénov’)”, explique la Commission européenne.

Les fonds seront versés jusqu’en 2026. Principaux bénéficiaires du plan, l’Espagne et l’Italie ont à ce jour reçu respectivement 37 milliards (sur un total de 163) et 101,9 milliards d’euros (sur 194,4). Ces montants comprennent des prêts : 83,2 milliards pour Madrid et 122,6 pour Rome.

En tout 13 Etats membres ont sollicité des prêts. Ils devaient pour cela manifester leur intérêt avant le mois de décembre 2023.

Quelles conditions ont-ils dû remplir ?

Chaque État membre devait en théorie transmettre avant le 30 avril 2021 son plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) à la Commission européenne. Un document qui démontre que les mesures pour lesquelles il prétend aux subventions et prêts européens respectent un certain nombre de critères.

Ceux-ci ont été esquissés par le Conseil européen de juillet 2020 avant d’être précisés par la Commission européenne. Ainsi, 37 % des dépenses doivent être alloués aux objectifs environnementaux européens, dont la neutralité carbone à horizon 2050. 20 % doivent quant à eux être destinés à la digitalisation de l’économie.

Enfin, la Commission rappelle que les plans nationaux “doivent fournir une explication détaillée de la manière dont les recommandations par pays sont prises en compte”. Dans le cadre du Semestre européen, celles-ci fournissent des orientations sur les réformes structurelles, les politiques budgétaires et la prévention des déséquilibres macroéconomiques.

Dernier pays à s’acquitter de cette étape, les Pays-Bas ont déposé leur plan national le 29 mars 2022, avec un an de retard.

Depuis mai 2021, les plans sont évalués par la Commission européenne. Au bout des deux mois dont elle dispose pour une première évaluation, l’exécutif européen soumet les plans nationaux au Conseil de l’UE, qui les valide tour à tour à la majorité qualifiée.

Par ailleurs, si un État membre considère qu’un plan national ne respecte pas les critères définis, il peut demander au Conseil européen de le réévaluer. Un dispositif mis en place pour satisfaire certains États “frugaux” (Autriche, Danemark, Suède, Pays-Bas), qui demandaient initialement un droit de veto. Les versements peuvent également être suspendus en cas de non-respect de l’état de droit par un Etat membre.

Tous ont désormais vu leurs plans nationaux validés par la Commission européenne. Y compris la Hongrie, dernière à recevoir le feu vert de l’exécutif européen le 30 novembre 2022 bien que le versement des fonds ait ensuite été suspendu pendant longtemps. A ce jour, Budapest n’a touché que 780 millions d’euros sur un peu plus de 10 milliards au total. Le reste est en effet soumis à la mise en œuvre de réformes pour garantir le respect de l’état de droit.

En février 2023, le Conseil et le Parlement européen ont ouvert la voie à une révision partielle des PNRR. Depuis le 1er mars 2023, les Etats membres peuvent y inclure un chapitre REPowerEU. L’objectif de cet ajout est de financer des investissements et des réformes qui contribuent à “l’autonomie stratégique de l’UE en diversifiant ses approvisionnements énergétiques”, souligne le Conseil. 

Quelles ont été les étapes pour lever l’emprunt européen ?

Pour financer ce nouvel instrument, les États membres ont décidé de s’endetter en commun. Mais avant de lever un tel emprunt, la Commission européenne a dû répondre à un certain nombre d’impératifs.

  • Adopter le texte

Le Conseil de l’UE et le Parlement européen devaient voter le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, auquel était adossé le plan de relance. Le 10 novembre 2020, les équipes de négociations étaient parvenues à un accord, après dix semaines de pourparlers. Un compromis que la Hongrie et la Pologne avaient dans la foulée décidé de bloquer. En cause, leur refus de lier le versement des fonds européens au respect de l’état de droit. 

Le 10 décembre, lors d’un nouveau Conseil européen, les deux dirigeants ont accepté une proposition de compromis de la présidence allemande. Les autres chefs d’Etat et de gouvernement avaient pendant un temps évoqué la possibilité de recourir à divers dispositifs pour poursuivre la mise en place du plan de relance à 25. Le Parlement européen a officiellement adopté le cadre financier pluriannuel en session plénière le 16 décembre.

  • Le faire ratifier par les 27 Etats membres

Les 27 parlements nationaux ont aussi dû autoriser l’Union européenne à relever son plafond de ressources, afin qu’elle puisse emprunter en ayant une garantie suffisante. Un processus achevé le 27 mai 2021, avec la dernière ratification de la décision ressources propres par l’Autriche et la Pologne. 

La France s’est acquittée de cette tâche avec les signatures de l’Assemblée nationale le 26 janvier 2021, puis du Sénat le 4 février suivant.

  • Lever les fonds sur les marchés financiers

Ces deux étapes ont permis à la Commission européenne de commencer à emprunter sur les marchés financiers et de financer le plan de relance. Le 15 juin 2021, l’Union européenne a ainsi réalisé une première opération et levé 20 milliards d’euros, suivie de plusieurs opérations similaires.

D’ici à 2026, la Commission européenne envisage de lever jusqu’à 150 milliards d’euros par an pour financer le plan de relance.

  • Rembourser l’emprunt

Le remboursement de l’emprunt commun doit débuter en 2028. Il s’étalera sur 30 ans, jusqu’en 2058. Pour y parvenir, l’Union européenne prévoit d’augmenter ses recettes budgétaires. La Commission a ainsi proposé de créer de nouvelles ressources propres, qui pourraient alimenter le budget européen à hauteur de 36 milliards d’euros par an.

Une première d’entre elles, la nouvelle contribution sur le plastique, est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Calculée sur le poids des déchets d’emballages plastiques non recyclés, elle est financée par les Etats membres.

Chronologie (non-exhaustive) du plan de relance européen

25 Mars 2020 : Face à la pandémie de Covid-19 qui touche désormais le continent européen, la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde propose de lancer des titres de dette européenne appelés “coronabonds”. La semaine suivante, 9 dirigeants européens, dont le Français Emmanuel Macron et l’Italien Giuseppe Conte, appellent à les mettre en place. Plusieurs pays, dont l’Allemagne et les Etats du nord de l’Europe, s’y opposent. 

18 mai 2020 : proposition franco-allemande pour créer un plan de relance européen de 500 milliards d’euros financé par un endettement commun. A la différence du projet de coronabonds, le projet européen ne prévoit pas de garantie commune des Vingt-Sept en cas de défaut de l’un d’entre eux. Ce qui semble avoir contribué, parmi d’autres facteurs, au revirement allemand. 

27 mai 2020 : la Commission européenne propose la création du plan européen Next Generation EU. Le montant, porté à 750 milliards d’euros, comporte une partie de prêts et une autre de subventions.

17-21 juillet 2020 : accord sur le plan de relance et le budget pluriannuel au Conseil européen. Après quatre jours de négociations, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement trouvent un compromis autour du futur budget européen pour la période 2021-2027 ainsi que du plan de relance.

10 novembre 2020 : Les équipes de négociations du Parlement européen et de la Commission européenne parviennent à un accord sur le plan de relance européen, après dix semaines de pourparlers. Un accord que la Hongrie et la Pologne décident dans la foulée de bloquer. En cause, leur refus de lier le versement des fonds européens au respect de l’état de droit. 

10 décembre 2020 : Lors d’un nouveau Conseil européen, Hongrois et Polonais acceptent finalement une proposition de compromis de la présidence allemande. Le Parlement européen adopte officiellement le cadre financier pluriannuel en session plénière le 16 décembre.

26 janvier 2021 : En France, l’Assemblée nationale adopte, à 188 voix pour et 16 contre, le projet de loi autorisant l’Union à relever son plafond de ressources. Quelques jours plus tard, le 4 février, c’est cette fois le Sénat qui se prononce en faveur du projet. La France devient ainsi le cinquième pays de l’UE à ratifier le texte.

12 février 2021 : le Premier ministre portugais António Costa, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE, ainsi que le président du Parlement européen David Sassoli signent formellement la facilité pour la reprise et la résilience. Les deux institutions ont adopté le texte plus tôt dans la semaine. Son entrée en vigueur se fait le 19 février.

14 avril 2021 : la Commission européenne présente sa stratégie de financement des 750 milliards d’euros du plan de relance, sur le principe d’un endettement commun.

22 avril 2021 : le Portugal est le premier pays à présenter son plan national pour la reprise et la résilience. Lisbonne peut bénéficier d’ici 2026 de 16,6 milliards d’euros au titre du plan de relance européen.

28 avril : La France ainsi que l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie présentent à leur tour leurs copies à la Commission européenne. L’Espagne et l’Italie sont les deux principaux bénéficiaires du plan de relance européen, avec respectivement 69,5 et 68,9 milliards d’euros. La France, troisième, devrait toucher 39,4 milliards d’euros. Suit l’Allemagne avec 25,6 milliards d’euros.

27 mai 2021 : La Pologne et l’Autriche sont les derniers Etats à ratifier la décision ressources propres, ouvrant la voie à la Commission européenne pour lever l’emprunt. Cette décision permet également l’entrée en vigueur d’une nouvelle contribution sur le plastique, qui s’applique de façon rétroactive au 1er janvier 2021.

15 juin 2021 : l’Union européenne emprunte 20 milliards d’euros sur les marchés financiers pour financer son plan de relance. La Commission réalise alors “la plus grande opération de ce type jamais réalisée en Europe”, selon sa présidente Ursula von der Leyen.

23 juin 2021 : La Commission valide le plan de relance français. Le Conseil de l’UE donne son approbation quelques semaines plus tard, le 13 juillet.

19 août 2021 : la France reçoit les premiers fonds du plan de relance européen, soit 5,1 milliards d’euros, correspondant à 13 % de l’enveloppe totale dont elle pourra bénéficier. La France a depuis reçu un nouveau versement de 7,4 milliards d’euros le 4 mars 2022. A chaque nouvelle demande, elle doit démontrer qu’elle a réalisé suffisamment d’investissements et de réformes présents dans son PNRR.

16 février 2022 : La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) valide le mécanisme de conditionnalité des fonds européens au respect de l’état de droit. Lors des négociations en décembre 2020, la Hongrie et la Pologne avaient bloqué le plan de relance européen en raison de la création de ce mécanisme, qui peut priver les pays de fonds européens en cas d’atteinte aux valeurs de l’UE. Varsovie et Budapest avaient obtenu sa suspension dans l’attente de la décision de la CJUE, en échange du déblocage de Next Generation EU.

28 mars 2022 : Les Pays-Bas présentent leur plan national. C’est le vingt-septième et donc le dernier Etat membre à le faire.

1er juin 2022 : La Commission européenne donne son feu vert au plan de relance polonais d’un montant de 35 milliards d’euros. La Pologne, qui avait déposé le document plus d’un an auparavant (le 3 mai 2021), figurait parmi les trois derniers pays (avec les Pays-Bas et la Hongrie) à attendre la validation de l’exécutif européen. Bruxelles l’avait en effet longtemps retardé en raison des tensions liées à l’état de droit dans le pays. 

30 novembre 2022 : La Commission européenne valide le plan de relance hongrois mais gèle le versement des fonds. Pour toucher son allocation de 5,8 milliards d’euros, Budapest doit mettre en œuvre un certain nombre de réformes visant à garantir le respect de l’état de droit. La décision est entérinée par le Conseil le 12 décembre 2022.

1er mars 2023 : Le règlement REPowerEU entre en vigueur, permettant aux Etats membres d’amender leurs plans nationaux. Adoptée par le Conseil et le Parlement européen quelques semaines auparavant, cette initiative permet à chaque pays d’ajouter un chapitre à son PNRR pour financer des actions en faveur de l’indépendance énergétique.

26 juin 2023 : Avec un nouveau chapitre REPowerEU, l’allocation française est portée à 40,3 milliards d’euros. La Commission a approuvé la modification du plan français pour y faire apparaitre des nouvelles réformes et de nouveaux investissements en faveur de l’indépendance énergétique. 

Décembre 2023 : clôture de la période de demande de prêts. Les Etats membres avaient jusqu’à la fin de l’année 2023 pour demander à profiter des prêts du plan de relance européen. En tout, 13 pays en on fait la demande pour un total de 290,9 milliards d’euros. 

22 décembre 2023 : la France reçoit un nouveau versement portant le total à 23,4 milliards d’euros. 

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2 commentaires

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    Noël NADER

    L’emprunt européen est un événement historique. Il est sans précédent. Bien entendu, il ne règle pas la question cruciale de l’insuffisance, voire de l’absence d’une gouvernance commune. Pour y pallier, il est nécessaire de reposer la question de la Constitution Européenne. Cette question devra être posée à l’ensemble du peuple européen et cela, en outrepassant, s’il le faut, les blocages juridiques ou constitutionnels nationaux. La question préalablement posée étant “souhaitez-vous une Constitution pour l’Europe?” et non pas demander aux états-membres de plébisciter un texte déjà ficelé comme cela fut le cas en 2005. La suite est connue.

  • Avatar privé
    Tesse tu

    Je suis effrayé par le temps de mise en oeuvre.il est urgent de cjanger les regles de l europe communautaire si nous ne voumons pad eyre « margues,»par les etars unis et la Chine

    Il est temps de changer les regles de l europe communautaire si nous ne vpulons pas être distancés latgement par les états unis et la Chine