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Placer le Vieux Continent au cœur du nouveau monde

Quelle incidence la révolution numérique aura-t-elle sur la culture européenne ? Le Vieux Continent est-il prêt pour le nouveau monde ? Dans cette tribune publiée par Touteleurope.fr Androulla Vassiliou, Commissaire européenne chargée de l’éducation et de la culture présente sa vision pour la culture européenne à l’ère numérique.Â

La révolution numérique est en train de transformer notre manière de vivre, de travailler et de communiquer. D’aucuns estiment que nous connaissons un bouleversement technologique aussi profond que lors de l’invention de la presse à imprimer par Gutenberg. Il n’y a pas que nos modes de communication et de consommation qui changent ; notre nouveau langage numérique modifie notre façon de penser et de créer.

Quelle incidence cela a-t-il sur la culture européenne ? Le Vieux Continent est-il prêt pour le nouveau monde ?

L’Europe présente d’emblée de sérieux atouts. Peut-être n’avons-nous pas toujours la capacité de rivaliser avec des sociétés comme Microsoft ou Google, mais nous produisons énormément de choses (dans les domaines littéraire, cinématographique, sportif et de la mode) qui rendent les nouvelles technologies attrayantes. Un défi se dresse devant nous : encourager l’accès de tous au monde numérique tout en veillant à ce que le talent créatif soit justement rétribué. C’est ainsi que l’excellence restera notre marque de fabrique. L’Europe doit relever ce défi et c’est à quoi s’emploient nos meilleurs « performeurs ».

La radio et la télévision européennes, par exemple, ont parfaitement réussi leur mue technologique. Notre modèle de coexistence de chaînes publiques et de chaînes commerciales répond aux besoins d’une démocratie plurielle et aux exigences en constante évolution d’un public diversifié. La BBC a été une pionnière de ce point de vue. Ignorant les prophètes de malheur du début de l’ère satellitaire, cette institution, qui est l’un des organismes publics de radiotélédiffusion les plus anciens de la planète, a su tirer profit des possibilités offertes par les nouvelles technologies tout en préservant sa réputation internationale de qualité et d’indépendance. L’Union européenne a raison d’autoriser le financement public de tels organismes ; il s’agit d’un choix politique qui atteste notre engagement en faveur de la diversité.

Le cinéma reste, lui aussi, une production européenne de très grande qualité. Nous n’avons sans doute pas les budgets les plus importants, mais nos réalisateurs, scénaristes, acteurs et techniciens sont au nombre des meilleurs dans le monde. Davantage peut-être que tout autre art, le cinéma est le reflet de nos différences nationales et régionales. Or, c’est précisément cette diversité qui en fait une réussite européenne. La numérisation de ce secteur est un enjeu considérable : un nouvel équipement numérique comprenant un projecteur et un serveur coûte quelque 75 000 euros, ce qui constitue un investissement énorme pour de nombreux cinémas de quartier. Le programme MEDIA de la Commission peut supporter jusqu’à 50 % de ce coût dans le cas de cinémas projetant essentiellement des films européens.

En ce qui concerne la littérature, les auteurs européens continuent de compter parmi les meilleurs. L’obstacle de la langue n’a pas empêché Stig Larsson ou J.K. Rowling d’accumuler les best-sellers mondiaux. L’Europe doit en revanche s’interroger sur la manière de garder son rang dans le nouveau paysage numérique. Les autres membres de la Commission et moi-même débattrons bientôt l’épineuse question des droits d’auteur, qui concerne un grand nombre d’industries créatives. Notre objectif commun est de soutenir la création européenne dans tous les arts.

Les sports ont, eux aussi, leur place dans notre stratégie numérique. Les retransmissions en direct d’événements sportifs très populaires en Europe fournissent une partie des programmes les plus passionnants des nouvelles plateformes technologiques. La Coupe du monde de football, qui aura lieu cet été, a incité des télédiffuseurs à lancer des services 3D, par exemple.

Il s’agit d’un cercle vertueux : un contenu européen de grande qualité favorise les nouvelles technologies. Une grande part de ce succès résulte de la manière dont nous Européens faisons les choses. Dans les industries artistiques et créatives, nous sommes parvenus à concilier la qualité, le choix et l’accès. Notre riche patrimoine culturel et linguistique est un atout immense et nous avons protégé la diversité en encourageant les opérateurs les plus modestes, au moyen de fonds publics lorsque c’était nécessaire. Il est évident que les marchés déçoivent parfois dans le domaine culturel parce qu’ils ne peuvent répondre aux besoins de tout le monde. C’est pourquoi l’Union européenne applique la législation avec pragmatisme et souplesse, en autorisant les aides d’État lorsqu’elles sont justifiées, mais en luttant contre la prédominance lorsqu’elle menace le choix.

Il est nécessaire que les États membres de l’Union européenne, envisageant l’avenir, se demandent comment ils peuvent soutenir au mieux leurs industries créatives. Notre politique de concurrence contribue à garantir le choix et l’innovation, tandis que notre marché unique est synonyme de transparence, de confiance et de choix pour les consommateurs. Il reste néanmoins à déterminer comment nous pouvons encourager la créativité et l’innovation dans l’enseignement et au travail. Comment l’action des pouvoirs publics peut-elle soutenir une démarche qui est souvent privée et individuelle ?

Primo, nous devons affecter l’argent public - déjà rare - aux priorités les plus stratégiques. Non seulement l’Union européenne aide les cinémas de quartier à passer au numérique, mais elle permet aux jeunes réalisateurs de films d’emprunter plus facilement, en garantissant les prêts.

Secundo, nous devons créer les conditions locales propices à l’innovation. L’Institut européen d’innovation et de technologie s’appuie sur nos universités, centres de recherche et entreprises de pointe pour résorber le déficit d’innovation européen, et l’une de ses priorités consiste à étudier les futurs médias et la fourniture du contenu qui leur est destiné.

Tertio, nous devons placer l’enseignement au centre de l’économie numérique, et c’est précisément ce que fait la stratégie « Europe 2020 ». Nous nous employons, conformément aux objectifs convenus, à augmenter le nombre de jeunes dans l’enseignement supérieur ou équivalent et à réduire le nombre de décrocheurs. Il nous faut toutefois également veiller à ce qu’ils acquièrent les compétences nécessaires à l’économie créative : entrepreneuriat, résolution des problèmes, communication et culture numérique.

De la créativité de nos citoyens dépendra le rôle de l’Europe dans le monde numérique. Nous devrions être confiants, car la créativité est le point fort de nos pays ; notre contribution aux arts et aux industries créatives montre de quoi nous sommes capables. Nous devons maintenant transposer ce succès sur de nouvelles plateformes pour permettre à l’Europe de consolider sa position au cœur du nouveau monde numérique.

Androulla Vassiliou
Commissaire européenne chargée de l’éducation et de la culture

En savoir plus :

Qui est Androulla Vassiliou ? - Touteleurope.fr

l’Europe et la culture - Touteleurope.fr

Le site d’Androulla Vassiliou - Commission européenne

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