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Philippe de Fontaine-Vive : “L’objectif de la BEI est de faire en sorte qu’avec moins de budget européen on puisse mieux financer l’économie réelle”

Jeudi 28 février, la Banque européenne d’investissement présentait à Bruxelles ses résultats pour ‘l’année 2012, en présence de son président, Werner Hoyer, et de son vice-président, chargé de l’Innovation et de la FEMIP, Philippe de Fontaine-Vive. De passage à Paris, ce dernier nous a accordé une interview le lendemain. L’occasion de revenir sur une année 2012 “exceptionnelle” pour la BEI, en Europe et particulièrement en France, et de présenter les grands projets de la banque pour 2013 et au-delà.

Quel regard portez-vous sur les résultats de la BEI en 2012 ?

Philippe de Fontaine-Vive : C’est une année totalement exceptionnelle pour la BEI parce que l’on est à la fin d’une mobilisation exceptionnelle sur nos ressources propres qui aura permis, en 2012, de mobiliser plus de 50 milliards d’euros au profit de l’économie européenne, dont 44 milliards pour des projets au sein de l’Union européenne, le reste avec des entreprises européennes à l’extérieur de l’UE, et en même temps de construire le Pacte européen de croissance qui va donner tous ses effets à partir de 2013.

Ce fut donc une année charnière pendant laquelle la BEI a essayé d’aider les PME, les entreprises innovantes, les grandes projets d’infrastructure à sortir de terre, mais également de se lancer dans une nouvelle vague à partir de 2013. On est un peu désynchronisé par rapport au budget européen. Je pense qu’on a un coup d’avance. Nous allons essayer de faire en sorte qu’avec moins de budget européen on puisse mieux financer l’économie réelle grâce à l’effet de levier que permet la Banque européenne d’investissement. C’est cela l’enjeu de l’année 2012 : faire plus, avec moins.

Quels moyens les Etats membres ont-ils alloués à la BEI pour relancer la croissance dans l’Union européenne ?

Philippe de Fontaine-Vive : Très concrètement, la décision européenne de 28 Etats membres - 27 plus un, la Croatie, qui va nous rejoindre au 1er juillet prochain, a été prise en moins de six mois. Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis le 28 juin 2012 dans un sommet, au cours duquel ils ont adopté un Pacte européen de croissance. La BEI y est sollicitée fortement et a obtenu 10 milliards d’euros, ce qui constitue une augmentation de capital.

C’est la première fois dans l’histoire de l’Union européenne que les Etats apportent de l’argent frais à la Banque européenne d’investissement, pour lui permettre de prêter plus de ce qu’elle aurait pu faire sur son capital existant. Le pari que nous prenons ensemble, c’est 10 milliards d’euros de capital que nous allons transformer en 60 milliards d’euros de prêts, qui eux-mêmes permettront de dégager 180 milliards d’euros d’investissements nouveaux.

Nous avions 28 parlements nationaux à convaincre ainsi que 28 gouvernements, et, en mois de six mois, les 28 parlements ont voté cette contribution. Nous sommes désormais en mars, premier semestre 2013, l’essentiel de cet argent est déjà arrivé à Luxembourg (siège de la BEI, ndlr) et dons nous sommes en train d’accroître notre capacité de prêts dans l’ensemble de l’Union européenne pour les transformer en projets très visibles. On voit déjà se répandre des éoliennes off-shore, se développer des voitures électriques, etc.

J’ai signé récemment avec le vice-président de la Commission européenne Antonio Tajani un accord de coopération entre la Commission et la BEI pour développer les technologies clés, celles de demain (les nouveaux matériaux, les nano-technologies, la micro-électronique). On a donc une floraison de projets que nous allons pouvoir accompagner grâce à ce ‘sursaut’ de financement. Et ce ce que nous espérions : permettre de sortir plus rapidement de la crise avec une institution qui s’est déjà très largement engagée jusque-là.

L’innovation est-elle toujours une priorité en Europe ? Comment la financer dans le cadre budgétaire actuel ?

Philippe de Fontaine-Vive : Traditionnellement, la Commission européenne a, avec un certain nombre de ministères en Europe, financé par subventions la recherche de base. C’est essentiel d’avoir une recherche fondamentale qui permette d’irriguer la société de nouvelles inventions. Loin de nous donc l’idée de contester la légitimité de budgets publics importants de subventions pour cette recherche, mais il faut transformer ces inventions en nouveaux process industriels, en nouvelles réalisations.

Or aujourd’hui on a un déficit en Europe : sur les technologies clés, l’Europe reste encore numéro 1 en obtenant 30% des brevets industriels mondiaux sur ces nouvelles technologies, mais désormais elle ne produit plus que 10% de ces nouvelles technologies. Cela s’explique par le fait qu’il y a une compétition très forte venant d’Asie, qui utilise ces brevets européens pour des productions en Asie.

Notre objectif, au stade de l’innovation, c’est justement l’étape suivant l’invention : il faut essayer d’aider les petites, les moyennes et les grandes entreprises à localiser en Europe des centres de production où nous prenons des risques à leurs côtés. Pour cela nous avons besoin d’allier le budget européen aux prêts de la BEI qui, pour rester sûrs, vont plutôt vers des entreprises solides. Or il faut également aller vers les PME, les startups, et pour cela nous avons montré, en créant la “facilité Recherche” , que nous pouvions multiplier de 1 à 6 l’intervention européenne.

Les Européens nous avaient confié 2 milliards d’euros. Nous les avons transformés en pratiquement 12 milliards d’euros de financements. C’est ce que nous proposons au Conseil et au Parlement européens : adopter en faveur des technologies clés, sur la base du budget européen qu’il adopteront, et quel qu’il soit, des instruments conjoints de financement Commission européennes/BEI pour aller vers les entrepreneurs.

Etes-vous satisfait du niveau d’intervention en France de la BEI en 2012 ?

Philippe de Fontaine-Vive : Ces dix dernières années, la moyenne de l’intervention de la BEI était de 4 milliards d’euros par an. En 2012 nous avons accordé 4,3 milliards d’euros de financements. C’est donc mieux que la moyenne, un peu mieux, mais loin de ce que nous pourrons faire à partir de l’an prochain.

Ce chiffre s’explique par le fait que la BEI en 2012 n’a pas financé en France de très grands projets d’infrastructures, comme une nouvelle ligne à grande vitesse. Il n’y a pas eu de projet symbolique de cet ordre, mais de nombreux projets symboliques de cette nouvelle tendance de l’innovation. En 2012 nous avons financé à la fois les nouveaux véhicules électriques de Renault mais également Autolib’ à Paris avec les véhicules du Groupe Bolloré qui est, en Europe, le premier test grandeur nature, dans une grande métropole, de ce que peut donner la voiture électrique rechargeable.

Donc nous faisons jouer la concurrence. La voiture électrique est peut-être une des technologies de demain. Doit-elle être rechargeable ? Doit-elle être en location ? Doit-on changer la batterie ? Il faut mettre en concurrence les différents acteurs, les tester, et voir qui l’emporte. Ce qui est important c’est que cela se passe en Europe et que ce soient des industriels européens qui aient proposé ces produits.

Comment allez-vous travailler en France avec la nouvelle Banque publique d’investissement (BPI) ?

Philippe de Fontaine-Vive : Nous avons seulement tendu la main à la nouvelle Banque publique d’investissement, mais nous sommes même les bras ouverts puisque la loi qui crée la BPI dit, dès son article premier, qu’elle doit travailler en étroite collaboration avec la BEI. Nous sommes donc des cousins, la BPI est une “BEI à la française” en quelque sorte.

Elle doit intervenir à la fois en prêts et en capital, comme nous le faisons. Elle a une présence très forte sur le territoire et j’ai proposé à Nicolas Dufourcq (le président de la BPI, ndlr) de faire autant de formules que possibles au niveau national, au niveau régional, en cofinancement, en refinancement, en investissement … Ce qui lui conviendra nous conviendra. Ce que je souhaite c’est que dès sa mise en place (et elle a déjà tenu son premier conseil d’administration) elle ait intégré, dans son offre aux PME françaises, le fait que la BEI peut accroître ses moyens.

Cette coopération devrait être renforcée, nous avons déjà mis en place un groupe de travail entre nos collaborateurs et j’espère que d’ici mai, et pas plus tard, nous serons capables d’annoncer la façon dont nous allons travailler ensemble.

Quelles ont été les principales activités de la BEI en Méditerranée en 2012 ?

Philippe de Fontaine-Vive : Il se passe en Méditerranée énormément de choses ! Il y a une diversité extraordinaire de projets, c’est une période incroyable que nous vivons avec un spectre très divers de situations nationales. Il y a des pays dont nous nous sommes retirés volontairement, politiquement, comme la Syrie. Nous n’y avons plus d’activité puisque nous ne voulons pas soutenir ce qui s’y passe à l’heure actuelle.

A l’inverse, il y a des transitions démocratiques très puissantes qui ont lieu dans quatre pays méditerranéens et donc nous tenons à accompagner les évolutions de l’Egypte, du Maroc, de la Tunisie et de la Jordanie. Nous avons prêté 1,7 milliards d’euros de nouveaux prêts durant l’année 2012. Et peut-être encore plus important est l’argent réel qui va en Méditerranée. Ce niveau de “décaissements” , les vrais flux d’argent, n’arrête pas de s’accroître et va atteindre bientôt le niveau record de 1,5 milliards d’euros de nouveaux financements réels dans la région.

Cela doit se poursuivre pour réussir ensemble la transition démocratique. C’est évidemment les peuples souverains de chaque pays qui doivent choisir la façon dont ils souhaitent être dirigés, mais nous travaillons avec les administrations et les entrepreneurs pour être prêts à financer des projets qui sont mûrs. 2012 aura en particulier été marquée par une floraison de projets au Maroc qui, à lui seul, aura représenté près d’un milliard d’euros de financement. Nous souhaitons, dans les autres pays qui connaissent ce processus démocratique, avoir en 2013 un afflux de projets à financer.

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