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Pervenche Berès : “Le programme de Barroso ? Mais quel programme ?”

Il y a quelques jours, José Manuel Barroso, Président en exercice de la Commission européenne et candidat à sa propre succession, présentait son programme pour les cinq prochaines années. Un programme qui a suscité de nombreuses réactions notamment dans l’opposition. Pour Pervenche Berès, eurodéputée socialiste d’Ile de France, le programme de José Manuel Barroso sonne creux. “Il dit tout et son contraire” explique t’elle.

La députée européenne ne mâche donc pas ses mots et l’entrée en matière est radicale. A la première question générale sur le programme de M. Barroso, elle bute immédiatement sur le mot programme. “Le programme ? Quel programme?”

Quelle est votre opinion sur le programme de José Manuel Barroso, présenté à la presse vendredi dernier ?

Plusieurs choses me frappent, de trois ordres de grandeur.

D’abord, sur le fond, M. Barroso prétend présenter un programme ambitieux avec une vision de l’Europe. Or pour moi, la vision de l’Europe, devait consister à s’appuyer sur le seul élément positif de son bilan qu’est le paquet “énergie-climat” , en continuant à en faire une stratégie à long terme de l’Union Européenne, à l’aborder aussi comme un moyen pour sortir de la crise.

Or ces questions énergétiques viennent très tard dans le projet. Alors même que cela devrait être la colonne vertébrale de la sortie de crise, les questions énergétiques n’ont aucune visibilité. L’attaque de son texte évoque la crise financière et économique mais les questions énergétiques ne sont pas citées en tant qu’élément de crise.

Sur les questions économiques elles mêmes, une stratégie keynésienne avec une vision macroéconomique n’est pas envisagée. De même quand il parle des questions d’emplois pour faire plaisir aux socialistes, il ne le fait pas d’une manière stratégique, et ne tire pas d’enseignement des précédentes crises.
Le niveau d’ambition n’est donc pas adapté et l’approche n’est pas visionnaire au sens propre du terme.

Deuxièmement, on ne fait pas campagne sur un bilan. Mais quand on a exercé une responsabilité pendant 5 ans et qu’on prétend reconduire cette responsabilité, on ne peut pas passer sous silence son bilan. Contrairement à ce qu’il veut laisser paraître, il n’est pas un homme neuf.

La seule référence qu’il fait à son dernier mandat, se trouve à la fin de sa lettre d’introduction, quand il dit que la mission de son dernier mandat était de consolider l’Europe à 27. Cela laisse dubitatif, quand on pense à la situation en Hongrie, dans les états Baltes, et avec tous ces risques de reconstruction d’un mur entre anciens et nouveaux Etats membres dont on a parlé.

Le troisième volet, c’est l’aspect institutionnel. Le Parlement européen n’a pas voulu voter en juillet pour être bien associé au dispositif. Or si on vote en septembre, les Irlandais pourraient valider, tout de suite après, une autre base de désignation du Président de la Commission. Le processus de désignation rentrerait dans un autre équilibre avec deux autres postes de responsabilité, donc si le Parlement veut garder la main, il ne doit pas valider la réélection de M. Barroso tout de suite.

Enfin, dans sa lettre introductive, à la fin de la première page, on lit, je cite :” le traité de Lisbonne, qui, je l’espère, sera bientôt ratifié, nous fournira la capacité institutionnelle nécessaire pour agir.” C’est incroyable d’espérer la ratification du traité de Lisbonne et de vouloir être élu sur le traité de Nice ! Il dit tout et son contraire.

Selon vous que va-t-il ajouter dans sa présentation devant les groupes parlementaires ? Les mesures de partenariat avec le Parlement qu’il propose, sont-elles satisfaisantes ?

S’il se laisse une marge de manœuvre avec les groupes parlementaires, c’est bien qu’il n’a pas mis son ambition dans le texte. Par ailleurs, on a adopté avant la pause estivale, le texte “Pour une Europe Sociale” , avec notamment la question du protocole social et la réouverture de la directive sur le détachement des travailleurs. Or, on n’en trouve pas trace pour le moment.

Dans le dernier chapitre de sa présentation, il revendique un partenariat spécial avec le Parlement européen. L’inspiration Delorienne est bienvenue. Mais alors, il faut respecter ce partenariat en associant le Parlement européen à la nomination du collège des commissaires et ne pas faire ses arrangements dans son coin.

Enfin, ses initiatives pour mettre en avant le Parlement, me rappellent la cellule de crise, mise en place en janvier, où dans une conférence des présidents de groupe, le Président de la Commission doit rendre des comptes. On voit ce que cela a donné.

Comment réagissez vous à l’annonce faite aujourd’hui par le Monde de M.Fillon, comme alternative à M. Barroso ? Pensez vous à un candidat socialiste potentiel ?

C’est à la droite d’arbitrer. Mon problème aujourd’hui, c’est de ne pas avoir José Manuel Barroso. Quand on n’aura plus M. Barroso, il y aura d’autres candidatures qui émergeront. Il faut être efficace politiquement.

Cela ne sert à rien d’abîmer des candidatures pour le moment, tant que les conditions politiques ne sont pas réunies pour présenter un candidat, mais le nom de Fillon n’est pas tout à fait une surprise.

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