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Pays-Bas : l’extrême-droite vise la première place

Premier grand rendez-vous électoral de l’année 2017 pour l’Europe, les élections générales néerlandaises se tiendront mercredi 15 mars. Avant la France au printemps et l’Allemagne à l’automne, les électeurs pourraient voter massivement en faveur du parti d’extrême-droite. Ce dernier, conduit par Geert Wilders, devancerait le Parti libéral du Premier ministre sortant Mark Rutte.

Geert Wilders

Aux Pays-Bas, mercredi 15 mars, Geert Wilders vise la première place. Chef du Parti pour la liberté (PVV) depuis 2006, le charismatique leader d’extrême-droite, connu pour ses sorties agressives et xénophobes, a le vent en poupe. Surfant sur la vague du Brexit et de l’élection de Donald Trump - avec qui il partage une coupe de cheveux inénarrable et une utilisation frénétique et sans filtre de Twitter - M. Wilders entend montrer la voie à ses partenaires européens, au premier rang desquels Marine Le Pen, dont il est très proche.

Geert Wilders en tête ?

D’après l’Institut Maurice de Hond, qui agrège les nombreux sondages réalisés aux Pays-Bas, le PVV peut espérer remporter jusqu’à 30 des 150 sièges que compte la chambre basse du Parlement néerlandais. Un résultat très important, même si le parti ne récolterait au final qu’un maximum de 20% des suffrages, relativisant ainsi le raz-de-marée de l’extrême droite sur la politique néerlandaise.

Le Parti libéral (VVD, centre-droit), conduit par le Premier ministre sortant Mark Rutte, au pouvoir depuis 2010, serait néanmoins devancé. Ce dernier étant crédité du gain de seulement une vingtaine de sièges. Un chiffre qui serait vu comme une défaite pour les libéraux, victimes, comme ailleurs en Europe, du discrédit visant les partis traditionnellement au pouvoir.

En perte de vitesse, le VVD pâtit principalement d’une reprise tardive de la croissance et de la forte montée du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Tandis que son actuel partenaire de coalition, le Parti travailliste (centre-gauche), devrait subir un violent désaveu de la part de son électorat, qui lui reproche sa complaisance vis-à-vis de la politique d’austérité du gouvernement. Le 15 mars, les travaillistes pourraient perdre jusqu’à 30 de leurs 40 sièges.

Au total, pas moins de 28 partis politiques différents sont en lice. Scrutin à la proportionnelle intégrale sans seuil d’entrée oblige, 16 d’entre eux devraient être en mesure d’obtenir au moins un siège. Singulier, le spectre politique néerlandais comporte de surcroît de nombreux mouvements orientés autour des intérêts d’une frange spécifique de la population, comme les catholiques, les protestants, les personnes âgées de plus de 50 ans, ou encore les immigrés.

Dans ce contexte de morcellement extrême du Parlement, la constitution d’une coalition sera certainement un défi de taille, qui nécessiterait la participation de cinq partis différents. Une entreprise d’autant plus délicate qu’un accord avec Geert Wilders est exclu par Mark Rutte et que ce dernier mène jusqu’à présent une campagne aux forts accents droitiers a priori peu propices au rassemblement. Reprenant à son compte certains thèmes de l’extrême-droite, le chef des libéraux a notamment durci son discours à l’égard des immigrés, invités à davantage s’intégrer dans la société néerlandaise ou à quitter le pays.

Protectionnisme culturel

De la musique pour les oreilles du PVV, dont la rhétorique est omniprésente dans la campagne. Entièrement bâti autour de son leader, dépourvu d’une structure forte ou de nombreux militants et sans ressources financières importantes, le parti populiste d’extrême droite déploie à l’envi son argumentaire anti-immigrés et anti-islam. Entouré de son habituelle nuée de gardes du corps, Geert Wilders n’a ainsi pas hésité à qualifier les Néerlandais d’origine marocaine de “racailles” , et à répéter sa volonté de fermer les mosquées ou d’interdire le Coran.

Le fonds de commerce du PVV ? Le “protectionnisme culturel” , résume Jean-Yves Camus, politologue et auteur avec Nicolas Lebourg des Droites extrêmes en Europe (éditions du Seuil). Selon lui, les électeurs de Geert Wilders ne sont pas tant animés par la peur du déclassement, certes présente, mais plutôt par la crainte d’une “perte de substance” du modèle culturel dominant aux Pays-Bas auquel ils sont habitués.

Une idée prolongée par Paul Scheffer, sociologue néerlandais interrogé par Le Monde et auteur, en 2000, du Drame multiculturel (non traduit). Pour le chercheur, le protectionnisme culturel va de pair, pour l’extrême droite néerlandaise et européenne actuelle, avec le “protectionnisme social” . Brouillant les repères politiques traditionnels, ces partis associent la défense de “l’Etat-providence et des droits sociaux contre la globalisation” , qui appartient plutôt à la gauche, à la “sauvegarde de l’identité face à une immigration vue comme le signe de cette globalisation” , une idée normalement dans le giron de la droite.

Ni droite ni gauche, ligne des extrêmes-droites européennes

Pas étonnant dès lors que Geert Wilders, comme la plupart de ses alliés au niveau européen, réfute le qualificatif d’extrême-droite. Le chef du PVV s’inscrit à cet égard dans l’héritage de Pim Fortuyn, politicien ayant mis sur le devant de la scène l’hostilité à l’islam et l’impossible intégration des immigrés aux Pays-Bas, avant d’être assassiné par un écologiste radical en 2003. Rejetant toute proximité avec les leaders d’extrême-droite de l’époque comme Jean-Marie Le Pen ou Jörg Haider, M. Fortuyn était ouvertement homosexuel, et défendait les droits des femmes ainsi que les valeurs socio-culturelles néerlandaises.

De gauche à droite : Matteo Salvini, Harald Vilimsky, Marine Le Pen, Geert Wilders et Gerolf Annemans

De gauche à droite, les principaux dirigeants des partis d’extrême-droite européens : Matteo Salvini (Ligue du Nord, Italie), Harald Vilimsky (Parti de la liberté, Autriche), Marine Le Pen (Front national, France), Geert Wilders (Parti pour la liberté, Pays-Bas) et Gerolf Annemans (Vlaams Belang, Belgique) - Crédits : EurActiv, Laurent Cerulus

Une quinzaine d’années après sa mort, et dix ans après l’émergence de Geert Wilders, si d’importantes divergences demeurent avec les autres extrêmes-droites européennes, ces dernières se sont considérablement rapprochées du modèle néerlandais. Réunies sous les mêmes couleurs au Parlement européen, elles affichent régulièrement leur unité, comme cela a été le cas lors d’un meeting commun organisé à Coblence en Allemagne le 21 janvier dernier. Une nouveauté.

Nettement plus policée que M. Wilders au moment d’aborder la question de l’islam ou des immigrés présents en France, Marine Le Pen, appelée à figurer au second tour de l’élection présidentielle française en mai prochain, développe un discours comparable s’agissant du protectionnisme culturel. Proposant tous deux un programme de “patriotisme économique” qui réserverait en priorité les emplois à leurs ressortissants nationaux, les dirigeants du PVV et du FN se rejoignent bien sûr également dans leur rejet de l’Union européenne.

Souhaitant que son pays “regagne sa souveraineté nationale sur ses frontières, sa culture et sa monnaie” , Geert Wilders se place sur la même ligne politique que le Front national français, le Parti de la liberté autrichien, ou la Ligue du Nord italienne. Une idée porteuse dans le marasme qui caractérise l’Union européenne à l’heure actuelle, mais qui tend toutefois à se retourner. Les Néerlandais, encore largement pro-européens, regardent avec circonspection les difficultés présentes et à venir du gouvernement britannique pour mettre en œuvre le Brexit.

Très probablement tenu éloigné du pouvoir malgré son succès annoncé lors des élections générales, le PVV n’aura pas l’occasion de proposer un “Nexit” (contraction de ‘Netherlands’, Pays-Bas en anglais, et de ‘exit’) aux électeurs ou d’appliquer son programme, d’ailleurs fort peu précis et élaboré.

En revanche, son score devrait lui permettre d’occuper la “confortable” position d’arbitre de la politique néerlandaise. Une situation similaire à ce que vivent de nombreux pays européens, conclut Jean-Yves Camus, qui permet à l’extrême-droite “d’influer sur l’agenda politique” et, en tant que “parti anti-système” , de ne pas subir le “contrecoup” de l’exercice de l’Etat en n’ayant pas à prendre des décisions potentiellement impopulaires ou contraires à ses promesses de campagne.

Par Jules Lastennet

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