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Paul Jorion : “Il semble maintenant difficile de maintenir la troïka sur pied”

Le 5 juin dernier, le Fonds monétaire international a publié un rapport qui dresse le bilan des erreurs accumulées par la troïka dans le cadre du premier plan d’aide grec, accordé en 2010. Le Fonds critique ouvertement la Commission européenne et les Etats membres, qui ont retardé la restructuration de la dette du pays. Paul Jorion, économiste et titulaire de la chaire “Stewardship of Finance” à l’Université libre néerlandophone de Bruxelles, analyse ce conflit interne à la troïka et les conséquences possibles de ces dissensions.

Que reproche le FMI à la communauté européenne dans son rapport sur la gestion du plan de sauvetage grec ?

Entre les lignes, le FMI accuse l’Allemagne et la France d’avoir joué cavalier seul en 2010, et d’avoir retardé la prise de véritables mesures qui auraient pu aider la Grèce, en s’assurant que leurs propres banques commerciales détenant de la dette grecque soient renflouées prioritairement. Ces atermoiements ont provoqué un ressentiment fort du côté du FMI, qui s’exprime pour la première fois dans un rapport officiel, dans lequel il est fait allusion aux dissensions au sein de la troïka.

Existe-il un véritable défaut organisationnel et/ou procédural dans les négociations pour les plans de sauvetage des pays européens ?

Dans son rapport, le FMI parle d’incompétence, de mauvaise connaissance de dossiers, pointe un manque de pratique du côté de l’exécutif européen. Klaus Regling, directeur général du Mécanisme européen de stabilité, a affirmé récemment qu’il fallait revoir le concept-même de troïka. Selon lui, ce sera « aux États de la zone euro de décider eux-mêmes des programmes d’aide ».

Le FMI accuse la Commission européenne de complicité entre l’Allemagne et la France, d’amateurisme et d’incompétence. De l’autre côté, l’exécutif européen rappelle le “risque systémique” brandi en 2010 contre toute restructuration de la dette grecque. Est-ce le signe d’un conflit ouvert entre les économistes du FMI et ceux de la Commission ?

Une très grande mauvaise humeur s’exprime dans ce rapport. La menace de “risque systémique” brandie par la Commission européenne en 2010 comme raison des retards dans la restructuration de la dette grecque est rejetée par le FMI. Il explique dans son rapport que cette invocation a perduré, et ce même à l’époque où ce risque systémique était en train de disparaître, du fait des nombreuses mesures déjà prises. En clair, l’exécutif européen est accusé de “mauvaise foi” .

La Commission européenne pourrait puiser dans le Fonds Européen de Stabilité Financière pour financer les plans de sauvetage. Est-ce une stratégie pour exclure le FMI et réduire son importance ?

Il est difficile d’imaginer qu’on mette en application des solutions en ignorant désormais le FMI, ne serait-ce qu’en raison du rôle et de l’influence très importante des pays européens au sein même du Fonds. Ils y ont une représentation excessive dont ils bénéficient, et ne rechercheront pas une mise à l’écart de l’institution.

Au vu des récents événements, la troïka peut-elle continuer à mettre en œuvre de nouveaux plans de sauvetage ?

Manifestement, le conflit interne à la troïka est suffisamment aigu pour qu’il transparaisse dans le rapport du FMI. C’est la première fois qu’un tel document critique ouvertement la Commission européenne. Il semble maintenant difficile de remettre une troïka sur pied avec des dissensions telles, qui s’expriment dans le rapport mais surtout dans les commentaires qui ont suivi sa publication, par les propos d’une certaine violence, non seulement de Klaus Regling du MES, mais aussi d’Olli Rehn, économiste en chef de la Commission européenne, qui a exprimé son « désaccord fondamental » avec le rapport du FMI.

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