Un système stable
La Suède fait-elle toujours, et dans le cas des retraites en particulier, figure de “modèle” auprès de ses partenaires européens ?
Pour la Secrétaire d’Etat suédoise chargée de l’assurance sociale, Bettina Kashefi, “la Suède est dans une position très particulière en Europe” sur ce point notamment.
Et en effet, aussi étonnant que cela puisse paraître vu de France, “aucune réforme d’ampleur du système des retraites n’est aujourd’hui nécessaire en Suède” , continue le chercheur Joakim Palme, qui vante le caractère durable de ce “contrat générationnel” mis au point en 1994.
De fait, celui-ci, moyennant quelques ajustements, ne semble pas devoir subir de profondes modifications. “85% du Parlement soutient ce système : il est donc stable financièrement… et politiquement !” , assure alors la secrétaire d’Etat.
Interviewé par Touteleurope.fr, le directeur de l’Institute for Future Studies à Stockholm explique les qualités et les défauts des systèmes de retraite suédois et français.
Quels sont ses principales qualités ? Selon Joakim Palme, “il garantit deux objectifs de base : réduction de la pauvreté avec une garantie universelle de revenus” , et “financement assuré” en raison d’un niveau de prestations indexé sur la situation économique du pays.
Celui-ci fonctionne avec un système général, qui prélève 18.5% du salaire pour financer la retraite (dont 16% sont alloués à un système de répartition, le reste étant placé dans des fonds de pension au choix de l’individu), et un système complémentaire lié aux conventions collectives ou privé.
Ses principaux défauts ? “C’est un système compliqué !” , précise Joakim Palme. L’importance de l’intervention publique a également tendance à entraîner des rigidités sur le marché et, bien qu’il vise une juste redistribution, il favorise les hauts revenus.
Des incitations à travailler plus longtemps
Depuis la réforme de 1994, des ajustements ont été effectués. Les gouvernements ont mis en place plusieurs mesures pour financer les travailleurs les plus âgés, mais aussi pour augmenter l’offre de travail pour cette catégorie : diminution des taxes professionnelles, revenu complémentaire pour les travailleurs continuant à travailler après 65
“Aujourd’hui, la Suède est ainsi, après l’Islande, le pays d’Europe dans lequel la proportion d’actifs âgés est la plus importante” , annonce alors fièrement Mme Kashefi.
Une question nationale
Dans un entretien à Touteleurope.fr, la Secrétaire d’Etat suédoise chargée de l’assurance sociale refuse une quelconque harmonisation européenne des systèmes de retraites.
Dans ces conditions, on peut comprendre que la Suède, épargnée par la vague actuelle de réformes, s’oppose à toute harmonisation européenne des retraites. Si, lors du dernier Conseil de l’Union européenne, les ministres ont décidé que les retraites étaient une question d’importance pour la Stratégie Europe 2020, “la Suède, comme beaucoup d’autres pays, considère que c’est une question purement nationale” , termine Mme Kashefi.
“Chaque pays doit choisir son propre chemin” , confirme Joakim Palme. Mais d’autres pays ont plus ou moins déjà suivi la même ligne qu’en Suède, comme l’Italie, la Pologne ou la Lettonie.
Et en France ? “On se focalise trop sur le recul de l’âge légal de la retraite au-delà de 60 ans, or le gouvernement français doit surtout accorder de l’attention aux conditions de travail. Il existe un groupe de travailleurs, souvent dans les métiers manuels, qui souffre de sérieux problèmes de santé entre 55 et 65 ans. Nous devons ainsi faire en sorte que ceux qui ne peuvent pas choisir de continuer à travailler soient protégés, même si l’ambition de prolonger la durée du travail est en soi raisonnable. Dans les pays nordiques, on investit dans la force de travail et on permet aux individus de travailler plus longtemps, ce qui est moins évident en France” .
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