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“Offshore Leaks” : quelles conséquences pour l’UE ?

Plus de 2,5 millions de fichiers secrets dévoilés, 120 000 entreprises et trusts offshores impliqués, des centaines d’hommes politiques et d’industriels démasqués… Il est évident que le travail d’investigation menée par l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) et les centaines de journalistes impliqués dans ce qu’on appelle “l’Offshore Leaks” a porté ses fruits.

En publiant progressivement les résultats de cette immense enquête internationale, certains journaux européens, Le Monde et The Guardian entre autres, connaissaient probablement l’étendue des dégâts que ces révélations allaient causer. Depuis vendredi, des banques, des multinationales et des citoyens européens s’ajoutent à la longue liste des bénéficiaires de ce système où l’on traque le lieu le plus sûr, le plus souple et le moins transparent pour placer ses économies.

Autriche, Irlande, Luxembourg… de nombreux pays européens impliqués

A ce titre, certains pays de l’UE figurent dans le peloton de tête. Car si les plages des îles Caïman et les montagnes suisses constituent toujours l’image d’Epinal de l’évasion fiscale, certains de nos voisins européens ne sont pas en reste. Parmi la soixantaine de paradis fiscaux recensés l’an dernier par la Cour des Comptes, on trouve ainsi l’Irlande, le Luxembourg, l’île de Malte… et Chypre.

Concernant l’Irlande, son caractère de “paradis fiscal” provient du fait qu’elle propose aux entrepreneurs un taux d’imposition sur les sociétés de seulement 12,5%. De quoi attirer les fonds spéculatifs du monde entier, dont 7% d’entre eux étaient en 2012 localisés en Eire.


Si cette île devrait voir son étiquette de “paradis pour russes fortunés” disparaître dans les prochains mois, en raison du plan de sauvetage adopté et du gel d’une partie des avoirs supérieurs à 100 000 euros déposés à la banque Laïki, d’autres pourraient bientôt subir l’ire de leurs partenaires communautaires. Le Grand-Duché de Luxembourg est de ceux-là. Depuis 2011, le gouvernement du pays a été contraint de lever le secret bancaire qui entourait alors l’ensemble des ressortissants étrangers possédant des avoirs sur son territoire. Cependant, ce secret ne pouvait être levé qu’en cas de fraude présumée, et l’échange d’informations entre le Luxembourg et les autorités fiscales des autres pays de l’UE est loin d’être automatique.

Plus proche de nos voisins helvétiques, l’Autriche semble elle aussi en porte-à-faux. Malgré ses promesses affichées de coopération fiscale avec certains Etats membres, dont la France, Vienne conclut en parallèle des accords bilatéraux avec le Liechtenstein et la Suisse, peu connus pour la transparence de leurs institutions financières. La Commission européenne, par l’intermédiaire d’Algirdas Semeta, commissaire à la Fiscalité et à La lutte anti-fraude, avait d’ailleurs menacé l’Autriche d’une plainte pour concurrence déloyale, après que le pays ait conclu un accord bilatéral avec le Liechtenstein, offrant de meilleures conditions aux ressortissants de ce pays qu’à l’ensemble des citoyens européens.

En guise de provocation supplémentaire, le gouvernement du chancelier fédéral Werner Faymann a annoncé vouloir signer un accord d’échange automatique d’informations bancaires avec les Etats-Unis, accord qu’il se refuse à passer avec ses partenaires européens.

Quid de la transparence des informations bancaires ?

Lundi, Algirdas Semeta a affirmé sa détermination à lutter contre l’évasion fiscale, par l’amélioration des échanges automatiques d’informations entre Etats membres, mais aussi par la possibilité de donner des sanctions aux pays qui aident les évadés fiscaux. “Tous les outils permettant d’atteindre ces buts sont sur la table. […] Il est l’heure de passer de la parole aux actes” , a-t-il ainsi annoncé dans un communiqué officiel.

La législation européenne sur la transparence et le secret bancaires est à l’heure actuelle assez floue sur le type d’informations qui doivent être transmises aux différentes institutions fiscales. Renforçant ces mécanismes d’échanges en décembre dernier, la Commission européenne n’a cependant pas adopté de directive contraignante à l’égard des Etats membres qui refusent de transmettre des informations bancaires à leurs homologues. De quoi appeler à l’adoption d’une Fatca européenne, alors que l’évasion fiscale coûterait selon la Commission près de 1000 milliards d’euros annuels à l’UE.

Le même jour, le ministre de l’Economie et des Finances français, Pierre Moscovici, a annoncé un renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale au sein de l’Union Européenne, et notamment la possible mise en place à l’échelle européenne de la loi américaine dite Fatca. Celle-ci, plus précisément dénommée Foreign Account Tax Compliance Act, permet au fisc américain de recevoir automatiquement, de la part d’établissements financiers étrangers, des informations essentielles au sujet des comptes offshore détenus par des contribuables américains. Les inspecteurs peuvent ainsi vérifier le nom, l’adresse du possédant, ainsi que le montant de ses revenus déposés à l’extérieur du territoire américain.

Pour l’UE, la mise en place d’une telle loi serait une avancée fondamentale dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Mais pour que celle-ci soit adoptée, il faut recueillir l’assentiment des vingt-sept. Le Luxembourg s’est dit prêt à coopérer avec les autorités fiscales étrangères, mais le gouvernement autrichien campe sur ses positions. Celui-ci devrait cependant se trouver isolé lors des prochaines négociations sur le sujet, puisque l’ensemble des autres Etats membres se sont déclarés favorables à de nouvelles discussions autour de la transparence des informations bancaires.

En savoir plus

The International Consortium of Investigative Journalists - Site officiel

Classement des pays les plus opaques en 2011 - Tax Justice Network/en

Lutte contre la fraude et l’évasion fiscales - Commission européenne

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