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Numérique : comment la France souhaite changer l’Europe

Un peu plus d’un mois après la présentation du plan européen pour un marché unique du numérique, la France a présenté sa propre stratégie nationale sur le sujet, en attendant de lancer son projet de loi à l’automne. Un agenda qui lui permet d’anticiper et de peser sur le projet européen en cours d’élaboration. Quelle vision du numérique la France souhaite-t-elle porter au niveau européen ? Quelques éléments de réponse.

Andrus Ansip, commissaire européen chargé du marché unique numérique, et Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au Numérique

Des plateformes internet mieux encadrées

La stratégie française sur le numérique, présentée le 18 juin, s’inspire en grande partie d’un rapport du Conseil national du numérique (CNNum) dévoilé le même jour. Ce dernier reproche toutefois au gouvernement une “extension du champ de la surveillance” portée par la loi sur le renseignement, ainsi qu’un blocage administratif des sites internet sans contrôle du juge.

Porté par le ministre français de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique Emmanuel Macron et par son homologue allemand Sigmar Gabriel, le “projet franco-allemand de stratégie numérique” adressé le 28 avril au Commissaire européen Andrus Ansip offre un bon aperçu des velléités françaises. Et pour cause, plusieurs d’entre elles ont été effectivement conservées dans la stratégie de la Commission européenne pour un marché unique du numérique.

Ainsi, les deux ministres insistent sur la régulation des “plateformes numériques” - comprendre les sociétés américaines qui dominent le web : Google, Amazone, Facebook, Apple et Microsoft. La lettre commune (disponible sur le site d’Euractiv.fr) y consacre un long paragraphe. Celui-ci appelle un “cadre réglementaire assurant une concurrence loyale entre tous les acteurs du numérique” , afin de lutter contre la mainmise de ces plateformes sur “une part significative” des services et contenus créés par d’autres fournisseurs de contenus, et parfois via la promotion de leurs propres produits.

Outre le Premier ministre Manuel Valls, la stratégie numérique française est portée par le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique Emmanuel Macron, et la secrétaire d’Etat chargée du Numérique Axelle Lemaire. Or, révèle Le Point, leur cohabitation est quelque peu houleuse…

Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel demandent également à la Commission de se pencher sur la responsabilité de ces plateformes vis-à-vis des contenus qu’elles publient - un aspect également souligné par la stratégie européenne - et à lutter contre leurs pratiques d’optimisation fiscale en Europe - qui relève du plan d’action sur la fiscalité des entreprises dévoilé le 17 juin.

On retrouve également dans le plan européen l’accent mis sur la protection des données personnelles (au sujet desquelles une directive est déjà en cours d’élaboration et pourrait voir le jour fin 2015), même si la France souhaite aller plus vite que Bruxelles sur ce point, rapporte Le Monde.

Des start-up en écosystème

Quelques mesures du plan numérique français : soutien à la “French Tech” ; économie de la donnée (notion de données d’intérêt général) ; coopération entre entreprises traditionnelles et startups ; transition numérique des TPE et PME ; open data (mise à disposition des données publiques) ; régulation des plateformes Internet ; plan numérique pour l’éducation ; “startups d’État” pour le service public ; “Emploi Store” , pour les demandeurs d’emploi ; “Grande École du Numérique” ; inscription de la neutralité du net dans la loi ; “droit à la portabilité” pour les données des internautes ; droit au maintien de la connexion ; couverture numérique complète du territoire ; accompagnement à l’utilisation des nouvelles technologies ; droit de saisir l’administration en ligne

A travers l’initiative French Tech portée par la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire, le gouvernement français a montré son attachement à la valorisation et à l’accompagnement des start-up, ces jeunes entreprises innovantes caractérisées par un fort potentiel de croissance.

Sur ce point, le gouvernement français regrette que la proposition de la Commission européenne ne soit pas allée assez loin. “Il est indispensable que l’Union européenne, premier marché du monde, devienne le continent le plus propice au développement de l’innovation et des start-ups qui constitueront les grands groupes de demain et seront des moteurs de la croissance et de l’emploi sur notre continent (…). Une approche pragmatique doit être privilégiée pour protéger la croissance de nos start-ups au sein de l’Union et localiser en Europe les activités numériques innovantes” , réagissent ainsi Emmanuel Macron, Axelle Lemaire et le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Harlem Désir après la publication du plan européen.

La France souhaite plus particulièrement faciliter l’accès de ces entreprises au capital, via le développement en Europe du capital-risque, un investissement adapté aux petites et moyennes entreprises à fort potentiel de retour sur investissement, mais qui n’ont pas qui n’ont pas encore accès aux marchés financiers. Les ministres français et allemand souhaitent plus particulièrement que le plan d’investissement Juncker soutienne la création de fonds d’investissement en capital-risque, alors que ce dernier prévoit seulement l’apport de garanties.

Transformer l’économie

L’initiative franco-allemande appelle également à la création de standards européens permettant une plus grande interopérabilité entre acteurs européens - voire internationaux - du numérique, et par conséquent un accès facilité au marché.

Pour Emmanuel Macron, ce pourrait être le “début d’une politique industrielle en la matière” permettant “d’orienter dans la même direction nos différents acteurs, innover et aller plus vite que nos compétiteurs” . Cinq secteurs sont considérés comme devant faire l’objet de cette standardisation en priorité : la 5G, l’Internet des objets, l’informatique en nuage (cloud computing), le big data et la cybersécurité.

Plus globalement, les ministres souhaitent une “digitalisation de l’économie européenne” , à travers une transformation numérique des entreprises (modèles d’affaires, processus de production, formation des employés…) et le développement d’un “écosystème” qui rapprochait entre eux les acteurs du numérique.

Objectif à plus ou moins long terme : favoriser l’émergence de “champions européens” capables de “croître et entrer en concurrence avec des acteurs américains dont le marché domestique est à la taille des Etats-Unis” .

Droit d’auteur, neutralité du net et charte européenne

Dans une récente étude de la Commission européenne évaluant la performance numérique des 28 Etats membres, la France ne se classe qu’à la 14ème place. Ses points forts : les services publics en ligne (8e), les compétences numériques (11e) et l’utilisation de l’Internet (11e). En revanche, son score est bien plus faible concernant la connectivité Internet (19e) et l’intégration des technologies numériques par les entreprises (17e).

Les membres du gouvernement se disent “vigilants sur la question du droit d’auteur, du financement de la création artistique” . Un sujet éminemment sensible en France.

La secrétaire d’Etat au numérique entend également consacrer dans la loi française le principe de neutralité de l’Internet (pour garantir que les données circulant sur le web ne soient pas bloquées, dégradées ou au contraire favorisées par les opérateurs de télécommunications en fonction de leur source, de leur destination ou de leur contenu), avant que l’Union européenne en fasse de même.

Enfin, Axelle Lemaire aimerait ajouter à la Convention européenne des droits de l’homme une “charte des droits du citoyen et du numérique” , interdisant notamment de couper la connexion Internet des consommateurs.

Au niveau européen, les premières propositions législatives de la Commission européenne sont attendues pour fin 2015. Elles porteront sur le commerce en ligne, la réforme du droit d’auteur, le géoblocking. Une enquête sur les géants américains du web (GAFAM) devrait également être lancée. Les textes sur la protection des données, la neutralité du net et la diminution des frais d’itinérance (roaming) sont en cours d’élaboration par le Parlement européen et le Conseil.

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