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Monopole sur les jeux d’argent : la France joue gros

Déterminée à poursuivre l’achèvement du marché intérieur et à garantir la libre prestation de services sur tout le territoire de l’Union, la Commission européenne est en litige avec la France qui maintiendrait un monopole étatique sur les paris sportifs contraire au droit communautaire.

Vide juridique européen et multiplication des litiges

Longtemps délaissés de la réglementation communautaire, les paris sportifs en ligne sont restés dans bon nombre d’Etats européens des domaines d’activités relevant du secteur étatique, d’où la création et le maintien de monopoles, comme c’est actuellement le cas en Suède ou en France avec les deux sociétés historiques la Française des jeux et le PMU (Pari mutuel urbain).

La directive sur le commerce électronique adoptée en 2000 ne s’appliquant pas aux activités de jeux de hasard (loteries et paris), la France a donc pu refuser, en toute légalité, d’ouvrir le secteur des paris en ligne à la concurrence, notamment à celle en provenance des autres pays de l’Union européenne.

Cependant, dans un arrêt rendu le 6 novembre 2003, l’arrêt Gambelli, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que les monopoles étatiques sur les jeux en ligne constituaient une restriction à la libre prestation de services. Si le gouvernement italien mis en cause dans cette affaire a tenté de justifier, par des considérations d’intérêt général, son interdiction pour les particuliers italiens de se connecter à partir de leur domicile à un site de bookmaker, la Cour a quant à elle rappelé que le maintien d’entraves à la libre prestation de services ne peut être justifié qu’à titre exceptionnel. De tels justificatifs peuvent notamment relever de l’objectif de protection des consommateurs. Cependant, la Cour note qu’un Etat ne peut décemment mettre en avant un tel objectif alors qu’il incite et encourage lui-même, par le biais de la publicité notamment, ses citoyens à participer à des jeux de hasard proposés par les opérateurs nationaux en situation de monopole…

Les conclusions de la Cour seront réitérées un an plus tard dans l’arrêt “Placanica” , impliquant une nouvelle fois le gouvernement italien, rendu le 6 mars dernier dans lequel la Cour incite les Etats membres à modifier leur législation nationale limitant l’accès à la fourniture de services de jeux d’argent.

Le monopole français mis à mal par la Commission européenne

C’est ainsi qu’après avoir adressé à la France plusieurs demandes d’ouverture à la concurrence de son marché des paris sportifs en ligne, la Commission européenne a adopté le 27 juin dernier un avis motivé, ce qui constitue la dernière étape dans le cadre de la procédure de recours en manquement avant la saisine de la Cour de justice.

Si la France tente de justifier le maintien de ses monopoles historiques de la Française des jeux et du PMU par la défense de la protection du consommateur, la prévention de l’addiction au jeu, notamment chez les mineurs, et la lutte contre le crime organisé, ces arguments ne semblent pas, jusqu’à présent, avoir convaincu les autorités de la Commission qui y voient surtout une manière d’empêcher l’ouverture du marché à la concurrence.

Pour l’instant, l’avis motivé ne concernerait que les paris hippiques et sportifs en ligne, mais pas directement les jeux de loterie, ce qui pourrait toutefois avoir des répercussions économiques assez conséquentes. Les paris sportifs ont en effet rapporté la bagatelle de 377 millions d’euros à la Française des jeux en 2006 sur un total de 9,5 milliards d’euros de recettes. Le PMU a quant à lui enregistré une recette totale de 9,5 milliards d’euros.

Cependant, malgré les arguments avancés par la France, l’adoption par la Française des jeux d’un code de bonne conduite sur les paris sportifs avec d’autres loteries d’Etats membres de l’Union, et l’interdiction des paris en ligne pour les moins de 18 ans, la défense française sur ce dossier semble d’autant plus difficile que la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt dans lequel elle dénonce l’incompatibilité de la législation nationale sur les paris sportifs avec le droit européen.

Un monopole remis en cause par la Cour de cassation

La Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a en effet infligé un nouveau revers au PMU en rendant le 10 juillet dernier un arrêt statuant sur le pourvoi formé par la société maltaise Zeturf contre la décision de la Cour d’appel de Paris du 4 janvier 2006.

Dans cette décision, la Cour d’appel avait donné gain de cause au PMU qui dénonçait l’exploitation par Zeturf d’un site de paris en ligne sur les courses hippiques, et avait confirmé l’ordonnance du tribunal de grande instance condamnant la société maltaise à une astreinte de 15 000 euros par jour.
Or, la Cour de cassation, considérant que le monopole exercé par le PMU est susceptible de constituer une “atteinte au principe de la libre prestation de services en vigueur dans l’Union européenne” , a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel.

Selon un porte parole de la société Zeturf, “la Cour de cassation a fondé son arrêt sur l’absence de comptabilité de la législation française avec le droit européen” .

A ce jour, la procédure en infraction contre la France poursuit son cours et comme l’a indiqué le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, le jour de l’adoption par la Commission de l’avis motivé contre la France, a déclaré :” nous avons fait valoir nos arguments, nous continuerons à les faire valoir” . Reste désormais à convaincre la Commission.

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