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Michael Cashman : “Atteindre les objectifs du Millénaire requiert davantage de volontarisme de l’UE”

Il y a dix ans, les dirigeants mondiaux convenaient d’agir pour éradiquer la pauvreté dans le monde d’ici 2015 et arrêtaient les objectifs à atteindre dans huit domaines prioritaires tels que réduire de moitié la pauvreté et la sous-alimentation, garantir un enseignement primaire complet, éliminer les inégalités entre les sexes et en matière de santé. Alors qu’il reste à peine cinq ans pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les députés européens craignent que l’UE ne soit pas en mesure de respecter ses engagements en matière de développement. Lors de la session plénière du Parlement européen de cette semaine, Michael Cashman, rapporteur pour la commission du développement, a exhorté l’UE à prendre l’initiative pour atteindre l’objectif d’une aide au développement équivalent à 0,7% du RNB.

TLE : En votre qualité de rapporteur sur les progrès en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, quel est votre sentiment sur la question ? Quels objectifs peuvent être atteints ? Quels sont les domaines clés sur lesquels l’UE devrait se concentrer d’ici 2015 ?

Michael Cashman : Commençons par dire que nous avons enregistré des avancées dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Ces progrès sont toutefois, dans l’ensemble, insuffisants. Le plus préoccupant est que les États membres de l’UE ne respectent pas l’engagement pris en 2000 en ce qui concerne le pourcentage de l’aide. Nous plaidons pour qu’ils respectent leurs obligations Nous constatons aussi que des moyens financiers supplémentaires sont nécessaires. Cet effort supplémentaire est dû à la crise économique qui, si elle nous affecte nous, pays développés, fait des ravages incroyablement dévastateurs dans les pays en développement. Cette crise a des conséquences dramatiques.

Ces moyens additionnels doivent aussi évidemment aider à faire face aux conséquences de la crise du changement climatique, dont l’impact sur la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et l’assainissement constitue une charge supplémentaire pour la réalisation des objectifs du Millénaire que nous visons.

Et puis, il y a le fait qu’actuellement, 20 milliards d’euros manquent pour que les États membres honorent leur engagement vis-à-vis des OMD. Les États doivent règler ce problème. En ce qui concerne les OMD, des signes encourageants ont été observés dans le domaine des taux de mortalité maternelle et infantile. Les progrès sont moins tangibles pour ce qui est des maladies évitables et des causes de décès. L’accès à l’école, pour sa part, s’est amélioré.

Nous devons rester attentifs à la cohérence des politiques de l’UE. Nos politiques ne doivent pas être contradictoires et avoir pour conséquence que ce que nous tentons de faire dans un domaine soit menacé par des décisions politiques dans d’autres, par exemple dans le domaine des subventions à l’exportation, de la politique commune de la pêche, des politiques agricoles communes, etc.

TLE : Comment l’Union européenne peut-elle contribuer à la réalisation de ces objectifs ? Le Parlement a voté votre rapport hier. Quelle est sa position ?

MC : Le Parlement soutient sans réserve mes recommandations. Ce que l’UE peut faire, c’est veiller à ce que les pays qui ont promis une contribution de 0,7 % de leur revenu national brut versent les montants concernés et veiller à ce que nous disposions des fonds et des programmes nécessaires pour relever les défis des objectifs du Millénaire pour le développement.

Il s’agit aussi de suivre la possible adoption d’une taxe sur les transactions financières internationales. Elle pourrait en effet être utilisée comme une ressource supplémentaire indispensable pour atteindre nos objectifs.

Il faut par ailleurs veiller à traiter la question des paradis fiscaux, de l’évasion fiscale et de la gouvernance dans les pays en développement pour que ceux d’entre eux qui ont des ressources financières et fiscales les emploient au bénéfice de leurs citoyens.

Du côté européen, les États membres doivent se montrer transparents quant aux montants qu’ils déclarent avoir engagés et aux montants effectivement décaissés chaque année. Nous avons besoin d’un dispositif européen d’évaluation par les pairs en la matière. On notera que certains États membres s’y opposent, or la France et l’Allemagne ont soutenu l’adoption d’un mécanisme exactement du même type pour ce qui concerne le budget national des États membres, qui devront être soumis à la Commission européenne pour contrôle. Par conséquent, il me semble que, si cette solution est bonne pour l’UE, nous devons aussi nous efforcer de l’appliquer au monde en développement. Un mécanisme de suivi et d’évaluation de ce type, que nous pouvons promouvoir au sommet des Nations-Unies en septembre, assurera à l’Europe une position de force ; nous devrons éviter à tout prix un nouveau Copenhague dont chaque résultat serait marqué au sceau de l’amertume, de la déception et du désenchantement.

TLE : Quelles sont les attentes du Parlement par rapport au Conseil européen de jeudi ? Êtes-vous soutenu par les chefs d’État ?

MC : Que nous ayons leur soutien ou pas, les chefs d’État européens devront se pencher sur la question. Ils doivent tenir leurs engagements concernant les moyens supplémentaires à affecter au changement climatique. Il est un fait indéniable : nous devons réaliser ces objectifs de développement. Il en va de notre intérêt à long terme. Les pays moins développés avec lesquels nous avons des échanges commerciaux le font à notre avantage en consommant nos biens et services.

Si le Conseil européen ignore ces questions et ne crée pas de dispositif de suivi collégial des engagements promis et des décaissements réels, s’il s’abstient d’appeler à l’engagement de moyens supplémentaires, l’UE perdra du crédit sur les plans moral et juridique. Les chefs d’État et de gouvernement devront bien y réfléchir, car il est vain de donner sa parole quand tout va bien et de la reprendre dans des temps difficiles . Cela revient à retourner sa veste en fonction des circonstances, or ce n’est pas là l’UE que je connais, celle qui est fondée sur la sécurité juridique, les traités et des obligations juridiquement contraignantes.

TLE : Avec la crise économique, les dirigeants européens et les citoyens sont-ils plus réticents à prendre en charge financièrement le développement ? Comment allez-vous les convaincre ?

MC : La crise économique est une merveilleuse excuse pour l’inaction. Mais, le plus fort, c’est qu’au sommet du G8 de Gleneagles, les États membres de l’UE ne se sont engagés sur aucun montant précis. Du coup, ils ne peuvent se soustraire à leur engagement en arguant du fait qu’ils n’auraient plus les moyens.

Les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sont des objectifs de développement internationaux que l’ensemble des 192 États membres des Nations-Unies et au moins 23 organisations internationales ont convenu d’atteindre d’ici 2015. Ces objectifs sont, entre autres, de réduire l’extrême pauvreté, de réduire les taux de mortalité infantile, d’enrayer la propagation du sida et d’autres maladies épidémiques et de mettre en place un partenariat pour le développement (pour en savoir plus sur les OMD).

La solution mise au point pour les financer repose ingénieusement sur une contribution des pays donateurs équivalente à 0,7 % -- moins de 1 % -- de leur revenu national brut ! Si ce revenu baisse, le pourcentage de la contribution reste inchangé mais le montant à verser, lui, diminue, c’est donc directement proportionnel. Et puis, quand on parle de payer pour les objectifs du Millénaire pour le développement, voyons aussi comment par le passé nous avons exploité les pays en développement pour alimenter notre richesse. Pendant des siècles, nous avons volé et pillé des contrées d’Afrique et d’Asie. Nous avons aujourd’hui l’obligation morale de redresser la situation. Quand, dans le monde, un enfant meurt de faim ou une mère meurt faute d’accès aux soins, en tant qu’êtres humains, nous devons nous sentir aussi concernés que si cela nous arrivait à nous. En fait de paiement, il s’agit de notre investissement dans un monde plus égalitaire.

Les OMD sont un ensemble de normes minimales à atteindre. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où les inégalités se sont réduites, dans lequel les flux monétaires et les flux migratoires commencent à se réduire parce qu’un nombre croissant d’individus vit dans des communautés durables et ont une perspective de vie durable.

TLE : Pensez-vous que le budget de l’aide au développement de l’UE pourrait être mieux distribué ? Ce budget est-il suffisant ?

MC : Précisons en premier lieu que le budget est suffisant. Ce dont nous avons plutôt besoin, c’est d’une aide aux flux prévisibles dans le temps pour qu’il soit possible de planifier des projets ; besoin aussi de transparence quant à l’utilisation des fonds, besoin encore d’efficacité dans le sens où nous devons pouvoir vérifier que notre aide a un impact. À cela il faut ajouter la nécessité de trouver des moyens supplémentaires pour atténuer les effets du changement climatique, effets qui sont terriblement négatifs pour les collectivités rurales. À l’heure actuelle, le budget de développement est donc satisfaisant à condition de l’utiliser correctement. Nous devons faire en sorte que la question des 20 milliards manquants soit prise en charge ; ce point ne peut être ignoré. C’est en élaborant un budget équilibré, solide et prévisible que nous serons en mesure d’apporter des changements réellement positifs.

En savoir plus :

La politique de développement - Touteleurope.fr
Michael Cashman - Site du Parlement européen
Un engagement fort de l’UE s’impose pour atteindre les OMD - Nouvelles du Parlement européen

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