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Maurice Druon : “Il importe qu’une des langues serve de référence, et que ce soient les textes établis dans sa version qui fassent foi”

Ecrivain, homme politique, Maurice Druon est membre de l’Académie française depuis 1966. Egalement président du Comité pour la langue du droit européen, Maurice Druon s’est rendu au Parlement européen pour “faciliter l’établissement, la compréhension et l’application des textes juridiques grâce au français, langue de référence ” . Touteleurope.fr a reccueilli ses impressions.

Vous être président du Comité pour la langue du droit européen. Quels sont les objectifs de ce comité ?

Nous avons commencé par un Manifeste, publié le 13 octobre 2004, et signé d’une quinzaine de personnalités européennes* du plus grand renom, demandant que le français soit choisi comme langue de référence de tous les actes juridiques européens.

Présentée par la Commission des Affaires étrangères, notre Manifeste a eu pour effet une résolution de l’Assemblée nationale.

En raison de l’écho recueilli, il a été créé un Comité pour la langue du droit européen, dont j’assure la présidence, et dont les vice-présidents sont Mme Nicole Fontaine, député et ancien président du Parlement européen, M. Jean-Paul Garraud, député de Gironde, et M. le Professeur John Rogister, grand universitaire britannique. Les deux principaux groupes de l’Assemblée nationale, majorité et opposition, y ont adhéré unanimement.

Le 7 février 2007, vous vous êtes rendu en visite officielle au Parlement européen. Quel était l’objet de cette mission ?

Nos objectifs sont clairs. L’Union européenne ayant actuellement vingt-trois langues officielles, toutes sur pied d’égalité, il est bien évident que les incertitudes d’interprétation ou de compréhension peuvent apparaître dans la rédaction ou l’application des traités, règlements et directives. Il importe donc, pour la sécurité juridique, qu’une des langues serve de référence, et que ce soient les textes établis dans sa version qui fassent foi.

Par ses qualités intrinsèques de clarté et de précision, la langue française semble la mieux désignée pour ce faire. D’ailleurs, la Cour européenne de justice de Luxembourg ne s’y est pas trompée ; c’est en français qu’elle tient ses délibérés.

D’autre part, il devient indispensable de faire une codification, matière par matière, du droit européen. Le code Napoléon sert de modèle depuis deux siècles à presque tous les codes.

Nombreux sont ceux qui demandent que l’anglais devienne la langue de référence. Vos arguments sont proches des leurs. Ne risquez-vous pas d’ouvrir la boite de Pandore et d’entraîner des demandes identiques en faveur de l’anglais ?

Bien sûr, il se peut que des personnes ou des organismes demandent que l’anglais soit choisi comme langue de référence ; mais il convient d’observer que langue et droit vont ensemble. La langue porte le droit et le droit porte la langue. L’anglais n’est porteur que de la Common law. Le français est porteur du droit romano-germanique, qui s’appuie sur des principes écrits, et selon lequel vivent la plupart des nations.

Actuellement, l’UE compte 23 langues officielles. Bien que tous les textes ne soient pas systématiquement traduits dans toutes les langues, l’UE encourage et défend le multilinguisme. Faire du français la langue de référence, n’est-ce pas risquer de porter atteinte au principe de transparence et de légitimité de l’Union ?

C’est ce que le Comité, en envoyant à Bruxelles une représentation nombreuse (trente personnes) de juristes, magistrats, avocats, linguistes et économistes, a voulu affirmer et rappeler auprès des instances et de la Commission européenne et du Parlement européen.

Le Comité a particulièrement protesté contre le fait que le français étant langue de travail à égalité avec l’anglais, 80% des documents souches produits par la Commission soient rédigés en anglais, et 16 % seulement en français. Cette disparité semble inadmissible, alors que quatorze des membres de l’Union sur les vingt-sept participants sont adhérents de l’Organisation internationale francophone.

Le Comité compte d’ailleurs, dans un avenir peu lointain, retourner à Bruxelles pour poursuivre son action.

* Les signataires du Manifeste sont : Mmes Dora Bakoyiannis, ministre des Affaires étrangères de Grèce ; Suzanna Agnelli, ancien ministre des Affaires étrangères d’Italie ; Antoinette Spaak, ministre d’Etat de Belgique, ancien député européen ; MM. Otto de Habsbourg, ancien député européen, Président de l’Union paneuropéenne ; Mario Soarès, ancien Président de la République du Portugal, ancien député européen ; Bronislaw Geremek, ancien ministre des Affaires étrangères de Pologne ; Siméon de Saxe Cobourg, Premier ministre de Bulgarie ; Adrian Nastase, Premier ministre de Roumanie ; Federico Mayor, ancien ministre de l’Education d’Espagne et député européen, ancien directeur général de l’UNESCO ; Ismail Kadaré, écrivain albanais ; Kiro Gligorov, premier Président de la République de Macédoine et, au titre de Secrétaire général de l’Organisation Internationale francophone, Abdou Diouf, ancien Président du Sénégal.

Propos recueillis le 26/02/07

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