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Marché unique, union douanière, accord de libre-échange… quelles options pour les relations Royaume-uni / Union européenne ?

Depuis le 31 décembre 2020 à minuit, le Royaume-Uni ne fait plus partie du marché unique européen ni de l’union douanière. A la place, le pays a conclu avec l’Union européenne un accord de commerce et de coopération. A quoi correspondent ces différents statuts ?

Crédits : Toute l'Europe
Crédits : Toute l’Europe

Le Royaume-Uni a quitté le marché unique et l’union douanière dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021. Alors que le pays était sorti de l’UE onze mois auparavant (dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2020), il bénéficiait, en vertu de l’accord de retrait, d’une période de transition au cours de laquelle il continuait d’appliquer l’ensemble du droit européen et conservait - provisoirement - tous ses droits d’accès au marché unique de l’Union.

Mais après ? C’était là tout l’enjeu des négociations autour de la relation future en matière commerciale. En octobre 2019, une déclaration politique dévoilée en même temps que l’accord de divorce prévoyait “un accord de libre-échange ambitieux avec zéro droit de douane et quota” , selon la Commission européenne. Mais rien n’était joué.

D’autres options - tout aussi ambitieuses - avaient aussi été évoquées. Comme la création d’une “union douanière permanente” entre l’UE et le Royaume-Uni. Ou l’adhésion de ce pays à l’Espace économique européen (EEE).

Mais que veulent dire - concrètement - ces options ? L’accord de commerce et de coopération conclu le 24 décembre 2020 entre l’UE et le Royaume-Uni rapproche-t-il ce dernier d’une relation telle qu’il existe déjà entre l’UE et la Norvège, la Turquie, ou encore le Canada ? Au-delà des marchandises, quelles étaient les répercussions sur les Européens installés outre-Manche, et vice-versa ? A quelles options Londres était-elle confrontée ?

1- Rester dans le marché unique européen

Cette option correspondait au stade maximal d’intégration, aujourd’hui réservé aux seuls Etats membres de l’Union européenne. Pour rester durablement dans le marché unique, le Royaume-Uni aurait donc dû annuler le Brexit.

Être dans ce marché unique implique de respecter la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ; de respecter la règlementation européenne relative à la qualité et la sécurité des produits ; d’appliquer les tarifs douaniers fixés par l’UE vis-à-vis des pays tiers (c’est l’union douanière de l’UE) ; mais aussi de se soumettre au régime européen de contrôle des aides d’Etat ; d’accepter la juridiction de la Cour de justice de l’UE ; de contribuer au budget de l’UE… etc.

Liberté d’installation des citoyens européens

Faire partie du marché unique implique de respecter la liberté d’installation des citoyens européens. Tant que le Royaume-Uni était dans l’UE, cela signifiait que les Européens étaient libres de vivre et de travailler outre-Manche, et vice-versa.

Pour les pays tiers, toutes les possibilités de relation commerciale avec l’Union européenne sont des déclinaisons - moins poussées - de ce marché unique. “Habituellement, nos accords ont pour objectif de fluidifier les échanges et d’ouvrir les frontières. Cette fois, on va à rebrousse-poil” , expliquait au début des négociations un responsable européen interrogé par Toute l’Europe.

Voici donc les options qui s’offraient aux négociateurs, au lendemain du Brexit :

2- Créer une union douanière

Mettre en place une union douanière aurait consisté à supprimer les droits de douane au sein de cette union (sur tout ou partie des produits en circulation), mais aussi à fixer des tarifs douaniers communs vis-à-vis des pays tiers. Outre l’Union européenne, le Mercosur, en Amérique du Sud, est le principal exemple d’union douanière dans le monde.

Une telle option entre le Royaume-Uni et l’UE aurait permis de ne pas avoir à restaurer des contrôles douaniers tarifaires entre leurs frontières, qui visent à vérifier l’origine des produits afin de savoir à quel régime douanier ils sont soumis.

Toutefois, la simple idée de mettre provisoirement en place un “territoire douanier unique” entre le Royaume-Uni et l’UE a été rejetée trois fois par les parlementaires britanniques. En novembre 2018, c’est en effet la solution (appelée “backstop” ou “filet de sécurité”) qui avait été mise sur la table par Theresa May et les négociateurs de l’UE afin d’éviter le rétablissement d’une frontière dure entre les deux Irlande.

Instaurer une union douanière permanente semblait donc assez peu probable. Cette option a toujours été exclue par les grands défenseurs du Brexit, qui souhaitaient que le Royaume-Uni puisse signer librement des accords de libre-échange avec les pays tiers… plutôt que de rester contraint par les tarifs douaniers européens.

En effet, l’Union européenne n’a créé jusqu’à aujourd’hui qu’une seule union douanière : avec la Turquie. Or cette étape avait été franchie en vue de l’adhésion d’Ankara à l’Union européenne… pas en vue d’un divorce. Et alors que cette perspective s’est éloignée ces dernières années, ce partenariat - relativement asymétrique - fait aujourd’hui peser des contraintes importantes sur le régime turc.

Dans les faits, c’est l’UE qui fixe les tarifs douaniers extérieurs qui s’appliquent vis-à-vis des pays tiers, et non pas Ankara. La Turquie ne peut donc pas, de son propre chef, décider de signer des accords de libre-échange. Par ailleurs, lorsque Bruxelles supprime des droits de douane sur les produits canadiens, par exemple, cela signifie que ces mêmes produits canadiens peuvent pénétrer sans taxe sur le marché turc. Alors qu’à l’inverse, les produits turcs qui arrivent à Ottawa (et ne font pas partie de l’accord de libre-échange UE-Canada) sont toujours soumis à des droits de douane canadiens… Cela oblige la Turquie, à chaque fois avec un train de retard, à négocier elle aussi des tarifs préférentiels avec les nouveaux partenaires de l’UE.

Pas de libre installation des citoyens européens

L’union douanière ne concerne que les marchandises, pas les personnes. Une telle option n’aurait pas contraint donc pas les Britanniques à accueillir de nouveaux résidents européens.

3- Adhérer à l’Espace économique européen

Une autre forme d’accord commercial aurait consisté à s’entendre sur les normes relatives à la qualité des biens échangés (règles sanitaires, sécurité des produits, etc.), pour lever cette partie-là des contrôles aux frontières (et non pas les contrôles tarifaires).

Dans les faits, cela consiste, pour un pays tiers (hors UE), à appliquer les règles européennes afin d’éviter, non pas des contrôles douaniers, mais des contrôles règlementaires lors des opérations d’import/export avec l’Union européenne.

Aujourd’hui, c’est la relation qui unit l’UE avec les trois pays de l’Espace économique européen (EEE) : la Norvège (c’est “l’option norvégienne”), le Liechtenstein et l’Islande. Ces pays restent libres de fixer leurs tarifs douaniers, mais ils acceptent de s’aligner sur les règles européennes - par exemple en matière de protection des consommateurs - au fur et à mesure de leur évolution. Par conséquent, l’UE considère que les contrôles effectués par leurs autorités sanitaires suffisent à garantir la qualité des produits, sans qu’il soit nécessaire de les contrôler de nouveau à leur entrée dans l’Union.

Faire partie de l’Espace économique européen - et donc accéder de manière facilitée à l’immense marché européen - implique néanmoins de nombreuses contreparties. Contribuer au budget communautaire, reconnaître le pouvoir de la CJUE, accepter le régime européen de contrôle des aides d’Etat, ou encore respecter quasiment intégralement les quatre grandes libertés de circulation de l’UE : des marchandises, des services, des capitaux… et des personnes. Or les partisans du Brexit refusaient que des travailleurs français, polonais ou grecs, par exemple, puissent s’installer librement outre-Manche pour y travailler.

Liberté d’installation des citoyens européens

Faire partie de l’EEE implique de respecter la liberté d’installation des citoyens européens. Cela signifie aujourd’hui, par exemple, que les Européens sont libres de vivre et de travailler en Norvège, et vice-versa.

En revanche, et c’est l’une des exceptions touchant à la libre circulation, les pays de l’EEE ne font pas partie de l’union douanière de l’UE.

A moins d’un accord de libre-échange signé en parallèle, les contrôles douaniers sont donc intégralement maintenus entre l’UE et les pays de l’EEE. Et ces derniers restent libres de fixer leurs tarifs douaniers vis-à-vis des pays tiers.

L’exception suisse

Depuis son entrée en vigueur en 1994, l’Espace économique européen vise à étendre le marché intérieur de l’Union européenne aux pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Par exception, la Suisse, qui fait partie de l’AELE, a refusé d’adhérer à l’EEE. Aujourd’hui, ses relations avec l’UE sont encadrées par une série d’accords bilatéraux (plus de 120 !), dont un accord de libre-échange signé en 1972 et un accord sur la libre circulation des personnes adopté en 1999.
A l’avenir, l’Union européenne ne compte pas renouveler cette expérience suisse, ce partenariat ad hoc basé sur une multitude d’accords négociés à la carte. Si le Royaume-Uni avait souhaité conserver une autonomie douanière tout en continuant de participer au marché unique de l’UE, il aurait donc du réintégrer l’AELE pour devenir membre de l’EEE. “Cette hypothèse est toutefois jugée irréaliste, car elle imposerait au Royaume-Uni d’accepter la législation européenne, le versement de paiements à l’Union, ainsi que la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne” , observait le Parlement européen au début des négociations.

4- Conclure un accord de libre-échange

C’est l’option commerciale de base, qui unit généralement l’Union européenne aux Etats qui n’en sont pas membres, comme le Canada ou encore le Japon. Et c’est donc l’option qui a été choisie pour la nouvelle relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

L’idée d’un tel accord est de faciliter les échanges en éliminant les droits de douane sur la plupart des biens, mais sans fixer de tarifs douaniers communs aux frontières extérieures (contrairement à l’union douanière).

Des contrôles douaniers sont maintenus entre l’UE et le pays partenaire, visant à s’assurer que les produits importés en Europe ont bien été fabriqués dans le pays partenaire. Il ne faudrait pas, par exemple, qu’une voiture américaine (normalement taxée à son entrée dans l’UE) puisse pénétrer le marché européen sans droit de douane, simplement parce qu’elle aurait transité par le marché britannique.

Les accords de libre-échange ne prévoient pas non plus la levée des contrôles règlementaires sur les marchandises à l’entrée dans l’UE. Et encore moins la libre installation des travailleurs.

Pas de libre installation des citoyens européens

Un accord de libre-échange ne concerne que les marchandises, éventuellement les services mais pas les personnes. Une telle option n’obligeait donc les Britanniques à accueillir de nouveaux résidents européens.

Cette option, déjà jugée la plus probable au début des négociations, a été la solution retenue. En octobre 2019, la déclaration politique des Vingt-Huit prévoyait déjà “un accord de libre-échange ambitieux avec zéro droit de douane et quota” , selon la Commission européenne. Pour conclure un tel accord, l’Union a néanmoins prévenu le Royaume-Uni qu’il devrait s’engager à conserver un certain alignement sur les standards européens, afin d’éviter toute concurrence déloyale, ce que le Royaume-Uni a accepté dans l’accord de commerce et de coopération conclu le 24 décembre.

En Irlande du Nord : un dispositif douanier et règlementaire particulier

Pour éviter le rétablissement de postes-frontières entre la République d’Irlande (pays membre de l’UE) et l’Irlande du Nord (région britannique), un protocole particulier avait déjà été validé dans l’accord de retrait. Indépendamment du résultat des négociations portant sur la relation commerciale entre le Royaume-Uni et l’UE, il était ainsi déjà acté qu’après la période de transition, l’Irlande du Nord resterait alignée sur “un ensemble limité de règles relatives au marché unique de l’UE” , notamment les règles sanitaires, les règles relatives aux aides d’Etat, ou encore la TVA.

Sur le plan douanier, l’Irlande du Nord continue aussi d’appliquer le code des douanes européen pour les produits qui entrent sur son territoire et qui peuvent, par la suite, être introduits sur le marché européen. Par conséquent, aucun contrôle n’a besoin d’être rétabli entre les deux Irlande, mais des contrôles règlementaires et douaniers peuvent être opérés en mer d’Irlande, sur des produits importés en Irlande du Nord depuis le reste du Royaume-Uni ou les pays tiers.

LIRE AUSSI : Brexit : quelles conséquences pour les deux Irlande ?

5- Rétablir (presque) toutes les frontières

Faute de s’entendre sur l’une des alternatives précitées, c’était l’option la plus radicale qui s’offrait aux Britanniques et aux Européens : ne signer aucun accord commercial (no deal) avant la fin de la période de transition.

Dans de telles conditions, du jour au lendemain, le Royaume-Uni aurait été considéré comme un pays tiers aux yeux de l’Union européenne. Excepté en Irlande (lire ci-dessus), le Royaume-Uni aurait été libre de choisir ses propres normes (sanitaires, sécuritaires, etc.) et de fixer ses propres tarifs douaniers vis-à-vis des pays tiers. Mais il n’aurait eu plus aucune carte d’entrée privilégiée sur le marché européen. Pas même les droits de douane allégés dont disposent le Japon et le Canada… Seules les règles internationales de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) auraient dû régir les rapports commerciaux entre l’Union et son ancien Etat membre.

Pas de libre installation des citoyens… mais des droits garantis pour les “anciens” résidents

Evidemment, si les négociations avaient échoué, la libre installation des travailleurs européens au Royaume-Uni n’aurait eu aucune chance d’être maintenue après la période de transition.

Néanmoins, l’accord de retrait validé en janvier 2020 prévoit que les Européens qui vivaient outre-Manche avant le Brexit conservent leurs droits (travail, sécurité sociale, retraite, etc.), tout comme les Britanniques installés en Europe. Ceux-ci avaient jusqu’au 31 décembre 2020 pour demander le statut de résidents provisoires ou permanents.

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