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Mairead McGuinness : “L’agriculture, un enjeu économique certes, mais aussi social”

Interrogée par Touteleurope.fr, Mairead McGuinness, eurodéputée irlandaise et membre de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen, commente le récent rapport du Parlement sur la réforme de la politique agricole commune (PAC). Elle explique pourquoi, selon elle, la PAC doit rester une priorité de l’UE. Elle met aussi en garde contre le démantèlement d’une PAC qui est à l’origine de biens publics essentiels pour l’ensemble des citoyens européens. Elle rappelle que les principaux objectifs de la PAC aujourd’hui sont de garantir la sécurité alimentaire, un développement rural équilibré et un niveau élevé de protection de l’environnement.

Touteleurope.fr : La commission de l’agriculture du Parlement européen a approuvé le rapport de George Lyon sur la réforme de la PAC. Quelles en sont les grands axes ? Comment se situe-t-il par rapport à la position courante du Conseil et de la Commission ?

Mairead McGuinness : Relevons avant tout la profusion du rapport de George Lyon, une profusion qui est le reflet de la grande diversité des points de vue exprimés au sein de la commission de l’agriculture. Il aborde d’une part une série de points essentiels et d’autre part des questions pour lesquelles il m’est difficile d’adhérer aux positions soutenues. L’ensemble a le mérite d’exposer pour la première fois les priorités du Parlement européen.

Une de ces priorités est la nécessité de maintenir une politique agricole commune forte et, corollairement, le budget qui la soutient. Nous sommes préoccupés par le devenir des jeunes agriculteurs, nous devons réfléchir à la répartition des paiements entre États membres et entre agriculteurs et nous devons examiner les mesures de soutien du marché.

Mairead McGuinness, eurodéputée irlandaise du Fine Gael, est membre de la commission de l’agriculture et du développement rural, de la commission de l’environnement, de la santé publique et la sécurité alimentaire, et de la commission des pétitions. Avant de rejoindre le Parlement européen, elle était une journaliste réputée.

S’il reflète bon nombre des préoccupations des députés de l’ensemble des vingt-sept États membres, le rapport évite pour autant de fixer avec trop de précision une voie à suivre pour l’avenir. A mes yeux, il est une première et importante étape d’un travail de réflexion qui n’en est qu’à ses débuts. Il nous faut encore débattre, apprendre, examiner les évaluations d’impact et prendre conseil avant de proposer des orientations précises. Ce rapport est en quelque sorte un galop d’essai de la commission de l’agriculture concernant la PAC, il est davantage général que spécifique, mais j’y vois une étape importante et nécessaire.

Venons-en à l’adéquation du rapport avec les vues du Conseil et de la Commission. Pour ce qui concerne cette dernière, elle n’a encore arrêté quelque position que ce soit. Une seule chose est certaine, l’opposition du commissaire compétent à la perpétuation du système traditionnel des paiements en vigueur aujourd’hui. Il n’a toutefois fait aucune proposition alternative et, en réalité, personne ne l’a encore fait.

Du côté du Conseil, il existe, je pense, une pluralité de points de vue. Cependant, il est clair pour les trois institutions qu’il faut maintenir une politique agricole commune et que cette politique sera réformée. Reste à définir les modalités de cette réforme.

TLE : Que pensez-vous de la proposition de réduire les subventions agricoles aux États membres qui enfreignent les règles budgétaires de l’UE ?


Mairead McGuinness : Il n’est pas juste à mes yeux de lier le financement de la PAC à la crise financière ou à la dette des États membres. La politique agricole européenne fait partie des politiques communes à tous les États membre de l’UE depuis l’origine. Dans sa tentative de mise en place d’instruments de sanction, le Conseil pourrait se tourner vers ce système du fait précisément que, contrairement à bon nombre d’autres mécanismes de subvention, la PAC est commune à tous.

Mais le simple fait que cette politique soit commune et qu’elle puisse servir d’instrument de sanction ne signifie pas qu’il faille aller dans ce sens. La sécurité alimentaire est un enjeu crucial pour les Vingt-Sept. Selon moi, interférer de la sorte dans le financement de la PAC serait déraisonnable.

TLE : Faut-il revoir le budget de la PAC ?

Mairead McGuinness : Les discussions ont été intenses. La PAC représente incontestablement une part importante des dépenses de l’UE. Mais la PAC est la seule véritable politique commune à tous les États membres et l’ampleur de son budget ne fait que refléter cette réalité. L’agriculture s’est taillé la part du lion dans le budget, la part du développement rural déclinant, elle, progressivement et, semble-t-il, irrémédiablement.

Quant à la nécessité d’une réduction du budget, j’y suis catégoriquement opposée. Le fait est que nous sommes aujourd’hui à vingt-sept et que les nouveaux venus ont des besoins plus élevés en matière de développement rural et d’agriculture. Une de nos erreurs a peut-être été de négliger, lors de la planification de l’élargissement, les besoins budgétaires inhérents à une politique agricole commune dans l’UE élargie. Par conséquent, d’ici 2013, réforme ou pas, la contrainte budgétaire se traduira par des réductions du paiement unique par exploitation dans les États membres historiques.

La question du budget est donc un vrai problème. Nous devrons y faire face. Naturellement, nous devons aussi tenir compte du contribuable, qui doit être assuré que l’argent est correctement dépensé. Les contribuables pourront vérifier que leur contribution est employée utilement, pour la fourniture de biens et services dont ils ne disposeraient pas autrement, dès lors que nous défendrons une politique agricole ambitieuse, qui englobe la fourniture de biens publics comme la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement et le bien-être animal.

TLE : Que représente la PAC pour l’Irlande ? Est-elle encore nécessaire pour ce pays ? Êtes-vous d’accord avec la position du gouvernement irlandais à l’égard de cette politique ?


Mairead McGuinness : Premièrement, la PAC est essentielle pour l’Irlande car l’agriculture reste un secteur très important de notre économie. Ceux qui connaissent notre pays savent que nos prairies déclinent quarante nuances de vert ! Nous disposons de pâturages de qualité, nous produisons de grandes quantités de viande bovine qu’il nous faut écouler sur le marché européen.

Nous produisons aussi des produits laitiers et de l’agneau en abondance. L’agriculture joue un rôle important sur le plan économique mais pas uniquement et, sans mettre aucunement en cause ce rôle vital, il faut aussi dire son importance sur le plan social : elle est importante pour le développement rural. Pour le maintien d’une société rurale dynamique et vivante.

Deuxièmement, le paiement unique par exploitation assuré au titre de la PAC est une forme majeure de soutien du revenu des agriculteurs. L’an dernier en particulier, qui a vu les revenus agricoles soumis à de fortes pressions, on voit mal comment nos agriculteurs s’en seraient sortis faute du soutien de la PAC. C’est une part capitale de leurs revenus. Tout cela explique pourquoi l’Irlande suit de très près l’évolution de la question.

Les positions plus ou moins contrastées sont nombreuses dans ce débat. La position officielle du gouvernement est que l’Irlande est favorable au maintien du système courant, sur lequel repose, historiquement, le mécanisme de répartition par paiement unique par exploitation. Nous sommes conscients que cette position ne bénéficie pas d’un large adhésion mais il me semble juste de soutenir que nous ne nous en départirons que si un meilleur système de répartition est proposé.

Le système en vigueur présente certes des défauts et ne fait pas l’unanimité chez tous les agriculteurs, mais il est peut-être moins négatif que l’image qu’on en donne. Pour moi, il est important que l’on ne cède pas à la tentation du changement pour le changement. Si nous réformons la PAC, il faut être sûrs que ce soit dans la bonne direction.

TLE : Quelle est la position du Conseil sur la réforme de la PAC ? Selon vous, les négociations vont-elles dans la bonne direction ?


Mairead McGuinness : Peut-être le Conseil est-il comme le Parlement européen à cet égard : un lieu où s’élèvent de nombreuses voix, elles-mêmes influencées par les points de vue divers s’exprimant au sein des États membres. En Irlande y compris, les opinions sont partagées quant à la forme que devrait prendre la PAC. Au niveau national, chaque ministre doit s’interroger sur les conséquences de la réforme sur les enjeux globaux du pays et sur l’importance de la question même pour son pays.

Je ne suis pas trop préoccupée par la position individuelle des États membres à ce stade. Je pense que les positions en débat continueront d’évoluer. Ce qui est intéressant, c’est que personne n’appelle des ses vœux une réforme radicale car l’idée ne bénéficie guère de soutien sur le terrain. D’autant moins que nous avons eu l’exemple du secteur laitier et de la production céréalière, dont les prix élevés, très élevés, se sont effondrés avec des conséquences dramatiques pour les producteurs. Ces prix élevés ont, à leur tour, eu des conséquences dramatiques pour les consommateurs.

Nous touchons là à un domaine essentiel pour la qualité et la sécurité alimentaire de nos concitoyens. Je me réjouis que la sécurité alimentaire soit à l’ordre du jour. Je pense en effet qu’il existe un risque que les Européens, s’imaginent pouvoir compter sur d’autres partenaires commerciaux pour leur approvisionnement alimentaire. Je crois, au contraire, important que nous-mêmes, dans l’Union européenne, produisions nos denrées alimentaires en abondance pour nos citoyens.

En savoir plus :

Site Internet de Mairead McGuinness

Dossier spécial “Quelle PAC après 2013?” - Touteleurope.fr

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