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Louis Weber : “Le mouvement associatif qui voudrait une autre Europe est encore moins d’accord avec cette réorientation de la stratégie de Lisbonne”

Louis Weber - DRLouis Weber est membre du Conseil scientifique d’ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens). Il est l’auteur des ouvrages “OMC, AGCS - Vers une privatisation de la société?” et “Une Constitution contre l’Europe?” aux éditions Syllepse.

La stratégie de Lisbonne est conçue comme une manière d’améliorer la compétitivité européenne en réponse à la mondialisation. Si vous n’adhérez pas aux mesures préconisées, partagez-vous les objectifs de cette stratégie ?

Il faut distinguer les objectifs de la stratégie initiale de ceux de la stratégie révisée. Lorsqu’elle a été définie, en 2000, la stratégie de Lisbonne présentait un aspect positiviste assez surprenant selon lequel le progrès scientifique pouvait faire avancer les économies, sans que le politique joue aucun rôle. Mais il y avait aussi un certain nombre d’affirmations sur le modèle social européen qu’il fallait sauvegarder. La compétitivité semblait contrebalancée par des valeurs positives, par des objectifs sociaux, puis environnementaux. Ce programme a fait illusion chez un certain nombre de gens, y compris dans le mouvement syndical et associatif.

A ATTAC, on a noté dès le départ qu’il y avait d’autres ingrédients dans la stratégie de Lisbonne, en particulier un aspect qui allait être développé par la suite : la fameuse question des “réformes structurelles” , notamment celle du marché du travail. Dès le départ, il apparaissait clairement qu’en dépit des aspects qui pouvaient faire illusion, on ne dérogeait pas aux principes de la politique libérale.

Quand on s’est rendu compte que l’objectif de faire de l’économie européenne l’économie de connaissance la plus compétitive du monde ne serait jamais atteint, on a fait une évaluation à mi-chemin, préparée par le rapport Kok. Ce rapport analyse clairement les “réformes structurelles” comme un cache-sexe de la déréglementation du marché du travail. Quand la stratégie a été redéfinie, en 2005, sous l’impulsion du libéral avéré qu’est M. Barroso, la focalisation s’est faite sur la croissance et l’emploi, donc sur le seul aspect économique au détriment des volets social et environnemental. Aujourd’hui, la Confédération européenne des syndicats tire la sonnette d’alarme et le mouvement associatif qui voudrait une autre Europe est encore moins d’accord avec cette réorientation de la stratégie de Lisbonne.

Vous condamnez vivement la flexibilisation du marché du travail préconisée par la stratégie de Lisbonne. Pourtant, les mutations du système économique (compétition internationale, poids des services et des nouvelles technologies) et les évolutions démographiques n’impliquent-elles pas davantage de souplesse ?

Derrière le mot souplesse se nichent deux réalités complètement différentes. Qu’il y ait des évolutions, une révolution technologique, un besoin d’adaptation, cela crève les yeux. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la stratégie de Lisbonne, au départ, a fait illusion, parce qu’il y avait un effort inédit en faveur de la recherche, de l’innovation, de l’éducation et de la formation. Cela est apparu comme une réponse aux changements, comme une possibilité d’évolution vers l’autonomie du travailleur.

Mais à partir du moment où vous ordonnez un système économique par rapport à la compétitivité, à la rentabilité du capital, dans un environnement rendu délibérément concurrentiel par les politiques libérales, vous faussez cette approche en faveur de salariés bien formés, épanouis et prêts à s’adapter.

Dans son programme national de réforme, le gouvernement français fait du CNE (contrat nouvelles embauches) l’un des éléments forts de sa mise en œuvre de la stratégie européenne. Inventer un système dans lequel le salarié n’a aucun droit pendant deux ans, ce n’est plus de la souplesse, c’est une véritable casse du droit du travail.

Quelle stratégie vous semble à même de répondre aux défis socio-économiques de l’Union européenne ?

La croissance européenne, qui est souhaitable, notamment pour permettre aux nouveaux Etats membres de rattraper notre niveau de vie, doit être écologique et doit respecter les protections qui se sont construites au cours d’un siècle de démêlés avec les employeurs. On peut très bien imaginer une alternative européenne qui n’entraîne pas une déréglementation tous azimuts. S’il y a un certain nombre de choses à changer, cela ne pose aucun problème, mais il faut faire en sorte que les besoins sociaux, en terme de consommation mais aussi d’éducation et de formation, soient pris en compte. Les politiques doivent répondre à ces besoins essentiels en faisant en sorte que les droits des individus soient respectés.

Propos recueillis le 29/09/06

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