David Cameron dénonce une coopération renforcée subie
Si le Royaume exprimait depuis le début des négociations son rejet indubitable de toute Taxe sur les transactions financières, la décision prise vendredi 19 avril par le ministre des Finances britannique n’en reste pas moins surprenante, et osée. George Osborne a ainsi justifié ce recours juridique afin de mettre en lumière “les effets extraterritoriaux” que pourrait entraîner l’application de la TTF au sein des onze Etats membres participants (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Pologne, Slovaquie, Slovénie). La City craint que cette ponction de 0,1% sur les actions et obligations, et de 0,01% sur les produits dérivés, ne mettent à mal les activités du centre financier le plus important d’Europe.
Londres dénonce en effet une stratégie d’imposition des directives à l’ensemble des Etats membres, même à ceux qui ont refusé d’approuver celles-ci. La Commission européenne a ajouté dans la directive sur la TTF un “principe du lieu d’émission”, qui permet à cette taxe de s’appliquer à l’ensemble des produits financiers émis depuis l’un des onze pays participants, et ce quel que soit le lieu de négociation et de réception des transactions. Et pour ajouter de l’huile sur le feu britannique, mais surtout une efficacité garantie à cette taxe, l’exécutif européen a inclus un “principe de résidence”, qui entraîne une taxation de l’ensemble des transactions financières établies entre une entité d’un pays partie de la coopération renforcée et une autre entité, qu’elle soit ou non établie dans un des onze pays participants.
Cette directive instaurant une forme de Taxe Tobin à l’échelle interétatique est jusqu’ici ardemment défendue par le commissaire européen à la Fiscalité, Algirdas Semeta. Très en vue ces dernières semaines depuis les révélations de l’Offshore Leaks et les pressions européennes pour mettre en place un système d’échange automatique d’informations, le Lituanien est désormais dans le viseur de la City et du gouvernement britannique.
Au début du mois d’avril, la Chambre des Lords avait demandé au gouvernement des éclaircissements “urgents” au sujet du champ d’application et du mode de collecte de cette taxe, jugés défavorable aux pays ne prenant pas part à cette coopération renforcée. En réponse, M. Semeta a tenu à rassurer les Britanniques, en expliquant que le coût de cette taxe était “très faible” pour le secteur financier. Un de ses plus proches collaborateurs affirme quant à lui que le projet de TTF ne comporte pas de “principe d’extraterritorialité”, et que par conséquent celui-ci est “totalement conforme au droit international et aux principes du marché unique” .
La décision de la CJUE, une affaire d’interprétation des traités ?
Dans sa démarche, le Royaume-Uni peut faire valoir certaines dispositions du traité sur l’Union européenne (TUE), en vigueur depuis janvier 2011. Celui-ci, dans son article 20, alinéa 4, précise que “les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne lient que les Etats membres participants” . Or, les incidences de la mise en place de cette Taxe sur les transactions financières auront, de l’avis de Londres, un impact fort sur les activités financières des sociétés britanniques. C’est précisément cette forme de lien indirect, d’externalité négative que critique le gouvernement britannique. Ce dernier devrait notamment s’appuyer sur un des principes fondateurs de la coopération renforcée, à savoir le “respect des droits, compétences et obligations des Etats membres non participants” (article 327 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), ainsi que le fait que ces dispositifs ne doivent constituer “ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les Etats membres” (article 326 du TFUE).
Selon la Commission européenne, à la faveur de ce projet de Taxe, ce dispositif respecterait l’ensemble des règles territoriales relatives aux taxations sur les services transfrontaliers, et harmoniserait le système de taxation sur les produits financiers en vigueur dans ces onze Etats membres, ce qui diminuerait forcément les charges administratives pour les entreprises basées dans ou hors de ces onze pays. De plus, la Commission a estimé que cette taxe n’aurait pas de conséquences négatives sur les droits, les obligations et les compétences des Etats membres non participants.
La Cour de Justice devra donc évaluer si la mise en place de cette coopération renforcée n’affecte pas, dans des proportions déraisonnables, les activités économiques et financières qui se déroulent sur le territoire des seize autres Etats non membres de celle-ci.
En savoir plus
Directive du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières - Conseil de l’UE
Taxe sur les Transactions Financières - Commission européenne