Contexte
Après plus de douze heures d’âpres négociations, le Conseil des ministres de l’Emploi et des Affaires sociales de l’Union européenne a mis fin, mardi dernier, à quatre ans de débats sur la durée légale du travail hebdomadaire.
Ce nouveau projet de directive maintient le plafond à 48 heures par semaine, mais légalise le système de “l’opt-out” ou “clause dérogatoire individuelle” , qui permet un dépassement de ce plafond lorsque l’employé y consent. Cette clause, souhaitée par les Etats européens les plus libéraux, pourrait donc entraîner, dans les faits, des semaines de travail de 60 ou 65 heures.
La directive de 1993 est le premier texte à fixer un plafond de temps de travail hebdomadaire à 48 heures. Cette directive introduit également, essentiellement dans le but de satisfaire le gouvernement britannique, une clause d’opt-out qui permet de dépasser ce plafond légal.
Lors de sa révision en 2003, la directive maintient la clause dérogatoire individuelle, et doit faire face à l’opposition de nombreux Etats membres, notamment la France, qui refusent de modifier un droit national considéré comme plus protecteur pour les travailleurs.
Soutenu par le Comité économique et social, le Parlement européen vote, en mai 2005, le retrait de la clause d’opt-out et la reconnaissance du temps de garde comme temps de travail, conformant ainsi la législation européenne aux arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes.
Les négociations sur un texte commun sont relancées en 2006, sous Présidences autrichienne puis finlandaise, mais aboutissent à un nouvel échec, une minorité de pays, menée par le Royaume-Uni, faisant entrave au processus.
Une directive plus souple sur la durée légale du travail
Réunis à Luxembourg le 10 juin 2008, les ministres de l’Emploi et des Affaires sociales de l’Union européenne inscrivent les discussions sur la directive relative au temps de travail à l’ordre du jour, aboutissant cette fois à un accord.
L’accord sur ce projet de directive prévoit essentiellement que :
- Le temps de garde est partagé entre garde active et garde inactive. La garde active est comptabilisée comme temps de travail ;
- Le plafond hebdomadaire reste de 48 heures sauf si le travailleur fait un choix différent (clause d’opt-out);
- Pour les travailleurs qui optent pour la dérogation, le plafond maximum est de 60 heures par semaine sauf si les partenaires sociaux s’accordent sur un régime différent. Si la garde inactive est comptabilisée comme temps de travail, ce plafond s’élève à 65 heures par semaine ;
- Le plafond protège tous les travailleurs employés pendant plus de 10 semaines chez le même employeur ;
- La dérogation n’est possible que dans certaines conditions, par exemple : pas de signature au cours du premier mois de travail, pas de discrimination en cas de non-signature ou de rétractation ; les employeurs doivent tenir des registres des heures de travail des travailleurs sous dérogation
Le projet de directive sur le temps de travail réglemente également le travail intérimaire. En effet, ce dossier est inscrit à l’agenda de l’Union européenne depuis les années 1980, mais la directive proposée à l’époque par la Commission européenne est toujours restée à l’état de projet.
L’accord du 10 juin 2008 prévoit donc pour la première fois un ensemble de mesures encadrant le travail des intérimaires. Parmi ces mesures, on note une reconnaissance de l’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires et personnel permanent, une amélioration de l’accès à la formation pour ces travailleurs ou encore la mise en place de sanctions pour les entreprises ou les agences d’intérim ne respectant pas ces règles.
Perspectives
Le projet de directive relative aux travailleurs temporaires et au temps de travail doit maintenant être voté par le Parlement européen. Une étape décisive qui s’annonce difficile aux vues des premières réactions.
Plusieurs Etats membres, dont l’Espagne, la Belgique, la Grèce, la Hongrie ou encore Chypre, se sont montrés très critiques à l’égard du nouveau projet de directive. La France, qui s’est montrée plus souple sur ce texte, va, quant à elle, devoir faire face à l’opposition de ses organisations syndicales, qui ont déjà exprimées leur mécontentement.
Le projet de directive sera soumis au vote des députés des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne en juillet ou septembre prochain.
L’adoption de cette mesure devrait donc être un nouveau défi pour la Présidence française de l’Union européenne.
L’obtention de cet accord sur le temps de travail va de plus permettre à la Commission européenne de présenter, fin juin, un paquet social exhaustif.
Sources
La Commission se félicite de l’accord politique intervenu aujourd’hui sur le temps de travail et les conditions de travail des travailleurs intérimaires - Communiqué de presse - 10/06/08 - Commission européenne
Directive concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail - 23/11/93 - Commission européenne
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Emploi, protection sociale
Comparatif : le temps de travail dans l’UE