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Les nouvelles ambitions du couple franco-allemand

Jeudi 13 juillet se tiendra à l’Elysée le premier conseil des ministres franco-allemand depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Le président français accueillera son homologue Angela Merkel et plusieurs ministres des deux gouvernements, dont ceux des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Armées, seront également présents. L’occasion pour les deux pays d’encore renforcer leur image d’unité et d’avancer sur certains sujets d’intérêt commun, au premier rang desquels l’Europe de la défense.

Angela Merkel et Emmanuel Macron, le 23 juin 2017 à Bruxelles

Allemands et Français lèveront bientôt les yeux vers les plaques de rues aux noms de Simone Veil (1927-2017) et d’Helmut Kohl (1930-2017) qui ont ardemment poursuivi l’œuvre de pacification de la relation franco-allemande. Quelle sera la teneur des discours inauguraux ? Quels nouveaux espoirs peut porter la relation franco-allemande 72 ans après l’armistice de mai 1945 ?

La France a été très observée ces derniers mois en Allemagne. Le soulagement de voir les électeurs français rejeter, comme les Néerlandais et les Autrichiens avant eux, la voie anti-européenne a été un profond et sincère soulagement pour la grande majorité des Allemands. Car eux-mêmes sont engagés dans une année électorale dense au cours de laquelle les partis néo-communiste (“Die Linke”) et néo-nationaliste (“AfD”) ont, au maximum, obtenus quelques sièges dans trois diètes régionales, alors qu’en 2016, l’élection de l’exécutif de Berlin a conféré des responsabilités à ces deux partis au niveau de l’Etat de Berlin ou des arrondissements qui le constituent.

Le courage politique d’Emmanuel Macron, qui avait ouvertement fait de l’engagement européen un argument de campagne a été admiré en Allemagne, pays majoritairement attaché à la défense des libertés publiques, à l’économie sociale de marché et à l’intégration européenne qui conserve une nostalgie sincère de la coalition sociale-libérale de Helmut Schmidt et Hans-Dietrich Genscher.

De l’intention à l’action

Les sujets ne manquent pas pour redonner de l’élan à la coopération franco-allemande.

Dans le domaine des projets industriels il faut réussir la fusion entre Peugeot et Opel, créer le champion européen du matériel ferroviaire, assurer le succès de la fusion entre Nexter et Krauss-Maffei-Wegmann pour pouvoir dessiner l’industrie européenne de l’armement, esquisser l’avenir énergétique du continent et aborder ensemble la révolution du numérique et de la robotique.

Sur le versant des projets publics, on observe de belles perspectives, telles que la coopération militaire ou la convergence fiscale.

Le dossier de la fiscalité des entreprises est sur la table. Si un accord à deux est trouvé sur l’assiette de taxation puis sur la convergence des taux, d’autres pays de l’UE y participeront. Un accord ouvrirait la porte à d’autres ambitions, telles que la fusion des douanes qui assurent déjà la mise en application d’une politique commune européenne et pourraient se voir confier des missions transnationales, par exemple de lutte contre la traite des êtres humains, le travail dissimulé, la fraude au détachement des salariés ou encore le commerce illicite des armes.

Au sein du vaste périmètre de la coopération de défense, le transport aérien militaire représente un premier sujet tangible et urgent. Héritier du succès de la “Transport Allianz” , la co-entreprise franco-allemande des années 1950 à l’origine du célèbre avion de transport tactique C 160 Transall, l’unité commune de transport aérien militaire en cours de création à Evreux bénéficie, paradoxalement, des déboires d’Airbus, l’infortuné constructeur de l’A400M Atlas. La raréfaction des avions de transport oblige les deux pays à une gestion serrée des capacités et à un effort de mutualisation des ressources. Un nouveau succès dans ce domaine pourrait logiquement se poursuivre par l’exploitation commune de hubs logistiques multinationaux en Europe comme sur les différents théâtres d’opération. Ainsi, l’unité binationale de C130 J Super Hercules en projet à Evreux peut devenir la première pierre d’un édifice plus ambitieux.

Plus généralement, le Brexit facilite les échanges franco-allemands constructifs sur le sujet sensible de l’union militaire. Traditionnellement purement civile, l’Union européenne peut assez vite engranger des succès dans le domaine des industries de défense et du règlement des conflits complexes qui nécessitent une approche globale. Faire face aux crises par une stratégie cohérente incluant développement économique et commercial, aide humanitaire, diplomatie et conduite d’opérations militaires complexes n’est à la portée que d’une structure aussi puissante et polyvalente que l’UE.

Des ambitions colossales mais légitimes

La cohérence des discours français et allemands sur les sujets tels que le changement climatique ou la liberté du commerce confère aux positions européennes une force inattendue face au trumpisme. Manifestement le G7 de Taormine et plus récemment le G20 de Hambourg, ville natale de la chancelière dont la famille ne s’est installée en RDA qu’après sa naissance, ont donné de l’assurance à la cordée franco-allemande. En Allemagne, les observateurs s’attendent maintenant à des avancées communes sur les sujets sensibles que sont la crise de la dette et l’accueil des réfugiés.

L’échec de l’UE, dont le plan avorté de relocalisation de 160.000 demandeurs d’asile a démontré l’absence d’esprit de solidarité parmi les 28, ne signifie pas que le dossier soit refermé, au contraire. Pour l’Allemagne, la définition d’une politique commune d’accueil des demandeurs d’asile et d’une politique de migration légale demeurent des priorités fortes. L’Allemagne estime naturel que la responsabilité de l’accueil des demandeurs d’asile soit équitablement partagée alors qu’en 2016, 60% des demandes d’asiles déposées dans l’UE des 28 le furent en Allemagne. Le déséquilibre est flagrant du point de vue de ce pays qui ne compte que 16% des habitants de l’UE et qui attend beaucoup de cohérence et de pragmatisme d’un Dublin IV.

La perspective d’un retour à la soutenabilité de la dette publique grecque ouvre la voie à une normalisation du taux directeur de la BCE. Impossible tant qu’il aurait signifié l’explosion du service de la dette des pays surendettés de la zone Euro, le retour progressif à des taux d’intérêt positifs devient possible et même souhaitable. Une première et très modeste remontée du taux des emprunts fédéraux à 10 ans semble inaugurer une nouvelle époque qui ne sera supportable pour la France que si ses engagements en faveur de la réduction des déficits publics sont authentiques. Pour l’Allemagne, cela signifie que l’excédent commercial sera mécaniquement réduit. En effet, si la France retrouve un niveau de dépenses publiques et privées proche de son PIB, le recours aux importations pour évacuer l’excédent de pouvoir d’achat ne sera plus nécessaire.

En novembre 2017, la République des Fidji assurera la présidence de la COP 23 qui sera organisée à Bonn, l’ancienne capitale fédérale. Ce grand rendez-vous devrait permettre à la France et à l’Allemagne d’incarner l’engagement de l’immense majorité des parties en faveur de l’Accord de Paris.

Une nouvelle époque ?

Les complémentarités de la France et de l’Allemagne sont innombrables et au moins aussi puissantes que les incompréhensions entre deux voisins se connaissant en définitive très mal. Si le pays du centralisme et celui du fédéralisme oublient l’arrogance et le ton professoral pour unir leurs talents, celles et ceux qui dévoileront les plaques de rue aux noms de Simone Veil et d’Helmut Kohl trouveront facilement les paroles d’espoir à prononcer.

Par Marc Weltmann chef d’entreprise à Sarrebruck (Allemagne) et ancien commissaire des armées

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