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Léon Laulusa : “En Chine, l’UE a du mal à parler d’une seule voix”

Emmenée par le président de la Commission José Manuel Barroso, une délégation de 50 fonctionnaires européens s’est rendue la semaine dernière en Chine. Outre le lancement de l’Exposition universelle 2010 à Shangaï, la visite a été l’occasion de discuter partenariats commerciaux, sécurité internationale, régulation financière ou encore changement climatique. Des droits de l’homme, un peu moins… Léon Laulusa, professeur associé à l’ESCP Europe, revient sur les relations commerciales entre la Chine et l’UE.

Touteleurope : Le commerce est une dimension fondamentale de la politique extérieure chinoise : cela se vérifie-t-il dans sa relation à l’Europe ?

Léon Laulusa : La croissance chinoise repose actuellement sur ses exportations et c’est le cas vis-à-vis de l’Europe en particulier. L’Union européenne est donc un partenaire essentiel pour la Chine et réciproquement, même si quelque part cette relation se fait au détriment de la première, qui connaît un important déficit commercial vis-à-vis de la seconde. L’excédent commercial chinois est globalement, lui, de l’ordre de 3 milliards de dollars par mois.

Cependant, pour les Chinois, l’Union européenne n’est pas considérée comme un Etat au sens politique du terme, mais seulement économique, à la différence des Etats-Unis. Bien sûr, avec la mise en place de politiques étrangères communes, cela est en train d’évoluer.


TLE : Comment se portent ces relations commerciales ?

L.L. : L’un des principaux aspects de la politique commerciale chinoise concerne le transfert du savoir : la Chine achète et/ou copie ce que l’Europe produit. De son côté, cette dernière délocalise ses entreprises et réimporte ensuite ses produits manufacturés.

La Chine ne respecte pas nécessairement les droits de propriété intellectuelle. Et le discours qui revient là-bas est “Il y a plusieurs siècles, vous avez repris nos inventions comme la boussole, ainsi vous avez développé votre croissance. Maintenant, nous faisons la même chose” .

Aujourd’hui cependant, il me semble voir un durcissement de la part des entreprises européennes, qui y regardent à deux fois avant de transférer leurs technologies. La vitesse du “rattrapage” de la Chine leur fait peur.


TLE : Les atteintes chinoises aux droits de l’homme semblent aujourd’hui moins dénoncées par les pays européens qu’en 2008… y a-t-il un changement de politique européenne ?


A l’occasion de l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, les violations des droits de l’homme commises par la Chine, notamment au Tibet, avaient fait l’objet de plusieurs condamnations de dirigeants européens, dégradant alors les relations sino-européennes.

L.L. : La crise financière y est pour quelque chose : on s’aperçoit finalement que le moteur de la croissance économique mondiale vient de Chine, et de l’Asie en général. Et que les plans chinois lui ont permis de se relever rapidement. De plus, l’Europe est également plus préoccupée par ses problèmes économiques internes.

Pour ces deux raisons, les droits de l’homme passent au second rang.

Enfin, on oublie souvent que pour la Chine, l’amélioration des droits de l’homme passe par l’économie. Et que “culturellement” , on y naît avec des devoirs, pas des droits comme en Europe.


TLE : A quel point le commerce chinois menace-t-il l’Europe ?

L.L. : La Chine est un concurrent très sérieux de l’Europe. Les rénovations des métros de New-York et de Buenos Aires sont réalisées par des Chinois et non plus par des sociétés occidentales, la Chine construit un TGV en Arabie Saoudite à la place d’Alstom… Aujourd’hui le pays vend à l’étranger cet assemblage des technologies de différents pays.

Mais plutôt que d’en avoir peur, il faut coopérer avec la Chine. C’est le sens de la visite de Monsieur Barroso en Chine : la coopération économique sur les questions à venir, mais aussi la sécurité, le changement climatique, la meilleure coopération technologique, culturelle, éducative…


TLE : Les Etats membres de l’UE ne manquent-ils pas de cohésion dans leurs relations économiques avec la Chine ?


A l’occasion de la visite de M. Barroso le 29 avril, le Premier ministre chinois Wen Jiabao a déclaré que la Chine et l’UE devaient coopérer pour conduire la relance économique mondiale, résister aux pressions protectionnistes, se défendre contre le changement climatique ou résoudre les questions de sécurité comme la prolifération nucléaire, notamment vis-à-vis de l’Iran. Toutefois, M. Wen a affirmé que la Chine ne plierait pas aux pressions extérieures pour une réévaluation du yuan.
L.L. : C’est effectivement le principal souci pour les Chinois : le manque de cohésion interne. Au sein de l’UE elle ne sait pas toujours à qui parler, et les Etats membres n’ont pas tous les mêmes discours. L’UE devrait mieux négocier ses messages en interne pour pouvoir ensuite parler d’une seule voix.

De plus la stratégie extérieure chinoise n’est pas bilatérale mais plutôt multipolaire. Or l’Europe travaille, ce qui est essentiel, à montrer qu’elle est un partenaire valable, autre que les Etats-Unis.

Ces derniers ont des réserves de dollars, donc leur poids est évidemment d’une autre ampleur. Mais le gouvernement chinois pense maintenant qu’il faut aussi se tourner vers l’Europe. C’est très clair dans l’éducation : avant les meilleures universités chinoises cherchaient exclusivement à créer des partenariats avec les universités américaines, aujourd’hui elles sont aussi intéressées par l’Europe.

En savoir plus :

Meeting the Chinese leadership, Beijing - Commission européenne

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