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[Le Récap’ des européennes] Une Europe en quête de majorité

Après les élections européennes qui ont mobilisé à la hausse les citoyens, les paysages nationaux et de l’Union européenne se voient recomposés. Place maintenant aux tractations pour nommer les prochains dirigeants des institutions.

Journalistes au Parlement européen à Bruxelles le 26 mai 2019 - Crédits : Didier Bauweraerts / Parlement européen
Journalistes au Parlement européen à Bruxelles le 26 mai 2019 - Crédits : Didier Bauweraerts / Parlement européen
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Un nouveau parlement éclaté

Premier enseignement à tirer de ces élections européennes qui se sont déroulées du 23 au 26 mai dans les 28 Etats membres : la hausse du taux de participation au niveau européen par rapport à 2014. 50,95 % (+7,9 points) des électeurs se sont rendus aux urnes, suggérant ainsi un regain d’intérêt pour les questions européennes.

Au terme de quatre jours de vote dans toute l’UE, les résultats (toujours provisoires) font naître un constat : la fragmentation du paysage politique européen, avec une majorité à construire. Fait inédit, selon les chiffres du Parlement européen, les conservateurs du groupe PPE (environ 179 sièges), au sein desquels siègent les Républicains, et les sociaux-démocrates du S&D (environ 153 sièges) perdent pour la première fois depuis plus de vingt ans la majorité dont ils disposaient à eux deux.

Quant aux libéraux de l’ADLE, la troisième force politique du futur Parlement dont le groupe devrait être reformaté pour intégrer les 22/23 marcheurs français, ils s’imposent désormais comme un allié incontournable avec 105 sièges environ. C’est en tout cas l’ambition du président français Emmanuel Macron, qui est reparti à l’offensive au niveau européen en multipliant les discussions avec ses homologues dans l’optique de construire une majorité “progressiste au Parlement européen.

L'Allemande Ska Keller, cheffe de file des Verts européens pour les élections européennes, le 28 mai à Bruxelles - Crédits : Alexis Haulot / Parlement européenAutre fait politique majeur de ce scrutin : les Verts créent la surprise, et pas seulement en France. En effet, les jeunes Français et Allemands ont voté massivement pour les écologistes, tout comme la jeunesse belge dans une moindre mesure. Arrivés en deuxième position dans plusieurs Etats membres, notamment grâce à la mobilisation des moins de 30 ans, les écologistes, qui passent ainsi de 52 à près de 70 sièges, pèseront dans les discussions, et pourraient également participer à la future majorité au Parlement.

A l’inverse, la gauche radicale (GUE/NGL), en fort retrait, est la grande perdante de ce scrutin. Avec moins de 40 sièges dans le futur hémicycle, elle aura du mal à imposer son point de vue, et notamment la “renégociation” des traités européens chère à La France insoumise en France.

Les droites souverainistes, eurosceptiques voire europhobes réparties entre les trois groupes que sont conservateurs et réformistes européens (ECR, 63 sièges), l’Europe des nations et des libertés (ENL, 58 sièges) qui réunit le Rassemblement national de Marine Le Pen et la Ligue de Matteo Salvini, et l’Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD, 54 sièges) où siège le Brexit Party de Nigel Farage, représenteraient quant à elles 23,3 % de l’hémicycle, selon les estimations du Parlement. Au total, ces formations de droite plus ou moins radicales se verraient attribuer une vingtaine de nouveaux sièges. Une poussée cependant moins importante que prévue : “On avait l’impression qu’ils étaient inarrêtables mais, finalement, chaque parti a des scores assez comparables à leurs législatives. Ils se consolident plutôt qu’ils ne gagnent des voix” , tempère ainsi Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS et à l’université de Nice-Sophia Antipolis, interrogé par Franceinfo.

Mais surtout, ces effectifs pourraient rapidement être amputés dans le cas où le Royaume-Uni venait à quitter effectivement l’Union européenne. Cela provoquerait automatiquement le départ de la trentaine de membres du Brexit Party. Enfin, à l’heure actuelle, il est peu probable que ces eurodéputés, qui se rejoignent surtout sur leurs critiques de l’Union européenne et leur refus de l’immigration, parviennent à dépasser leurs divergences fondamentales sur d’autres sujets pour se rassembler et ainsi modifier les équilibres au Parlement européen.

Après les élections, place aux tractations

Présidents du Parlement européen, du Conseil européen, de la Banque centrale européenne, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, et surtout président de la Commission européenne : voilà les postes clés à pourvoir prochainement. Pour plusieurs d’entre eux, les chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que le Parlement européen, doivent désormais s’accorder sur des noms.

A l’occasion d’un sommet européen dédié à la question mardi 28 mai, les dirigeants ont clairement indiqué vouloir garder la main sur le processus de désignation du président de la Commission européenne, si besoin au détriment du système des “Spitzenkandidaten” . Et ce malgré la demande d’une majorité de groupes du Parlement de respecter ce principe.

Si le candidat conservateur déclaré du PPE (groupe le plus puissant au Parlement) Manfred Weber, soutenu par Angela Merkel, réclame la présidence de l’exécutif européen, sa nomination semble fortement compromise, voire même déjà écartée, selon le journaliste de Libération Jean Quatremer. En effet, côté français, Emmanuel Macron souhaite voir une “forte personnalité” succéder à Jean-Claude Juncker. Le chef de l’Etat a en ce sens cité trois noms de candidats qui, parmi d’autres, disposent selon lui des compétences requises : la commissaire européenne à la Concurrence et candidate des libéraux Margrethe Vestager, le négociateur en chef pour le Brexit Michel Barnier ou encore le premier vice-président de la Commission Juncker et candidat des socialistes Frans Timmermans.

Mais tous les jeux sont encore permis. Selon un quotidien tchèque relayé par EurActiv, les premiers ministres populistes du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) se seraient dit prêts à soutenir la candidature de Michel Barnier à la Commission européenne si Maros Sefcovic, social-démocrate slovaque et jusqu’ici vice-président de la Commission Juncker en charge de l’Energie, obtenait le poste de Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères.

De longues nuits de tractations s’annoncent donc et elles n’aboutiront sans doute que fin juin au plus tôt, comme en 2014 où il avait fallu réunir plusieurs Conseils européens avant de s’entendre sur un nom.

Un scrutin européen aux lourdes implications nationales

En France, le scrutin aura nécessairement de lourdes implications politiques au niveau national.

La stratégie d’Emmanuel Macron de désigner le RN comme principal opposant semble avoir porté ses fruits. Partiellement du moins. Car si la majorité présidentielle n’arrive que deuxième derrière la formation de Marine Le Pen (22,41 % contre 23,31 %), deux blocs, “progressistes/nationalistes” dans la terminologie macronienne ou “mondialistes/nationaux” dans celle des lepénistes, ont bien émergé lors de ce scrutin. Dès lors, le seul ennemi politique susceptible de réellement inquiéter Emmanuel Macron à l’heure actuelle sur le plan national est le RN… qu’il a battu avec plus de 10 millions de voix d’écart au second tour de la présidentielle de 2017.

L’opération politique est donc également réussie du côté du RN, qui s’affirme de loin comme la principale opposition à LaREM et semble imposer le même clivage dans le paysage politique français que celui désigné par le chef de l’Etat. Forte de ce succès, Marine Le Pen a ainsi appelé Emmanuel Macron à “dissoudre l’Assemblée nationale en choisissant un mode de scrutin plus démocratique et plus représentatif de l’opinion réelle du pays” , l’invitant ainsi à instaurer une forte dose de proportionnelle.

Cette victoire des finalistes de la présidentielle 2017 s’accompagne d’un terrible échec pour les autres formations politiques, à l’exception notable d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV).

Le président des Républicains (LR) Laurent Wauquiez - Crédits : Fabrice Debatty / Flickr CC BY 2.0Les Républicains (LR) ont en effet essuyé un véritable camouflet : crédités de 13,5 % dans un sondage de l’IFOP daté du 24 mai, un score déjà faible par rapport aux précédentes élections, ils terminent finalement en quatrième position avec seulement 8,5 % des suffrages. La stratégie de Laurent Wauquiez, président du parti, consistant à droitiser ce dernier en nommant notamment le très conservateur François-Xavier Bellamy comme tête de liste, a donc très nettement échoué. “La droite traverse une crise profonde, tout est à reconstruire” , a ainsi déclaré ce dernier, dont le constat est partagé par Laurent Wauquiez à l’issue du vote. Et cette restructuration de la droite pourrait passer par le remplacement du président des Républicains, plusieurs figures de proue du parti ayant suggéré son départ, à l’instar de Bruno Retailleau, Valérie Pécresse ou encore de Gérard Larcher, dont le nom est cité parmi ses éventuels successeurs.

Les listes de gauche sont également à la peine. Si elles ont obtenu plus de 30 % des voix en cumulé et en comptabilisant le score important d’EELV, elles enregistrent pour deux d’entre elles des scores décevants : 6,3 % pour La France insoumise (LFI), contre 19,6 % en 2017 pour M. Mélenchon, et 6,2 % pour la liste Parti socialiste-Place publique (PS-PP), qui reste ainsi au même niveau qu’il y a 2 ans, lorsque Benoît Hamon avait obtenu 6,4 % des voix. Celui-ci, qui menait la liste de son mouvement, Génération.s, a par ailleurs fait face à une déconvenue plus cinglante encore que d’autres formations de gauche. Avec 3,3 % des voix, il n’obtient effectivement aucun député. Il en va de même pour le Parti communiste français (PCF), avec 2,5 %, dont les frais de campagne ne seront même pas remboursés, étant donné qu’il n’atteint pas le seuil nécessaire de 3 %.

Un parti échappe toutefois à la morosité et enregistre un succès inattendu : EELV. Alors que le sondage de l’IFOP du 24 mai ne le créditait que de 8 % des voix, la liste effectue un score de 13,5 %, dépassant LR de presque 5 points. “Nous sommes ce soir la troisième force politique en France !” , a ainsi clamé Yannick Jadot le soir du 26 mai.

Un triomphe à nuancer cependant. Car s’il y a bien eu une forte poussée des Verts en France et ailleurs en Europe, qui renforce considérablement le groupe Verts/ALE au Parlement européen, EELV avait obtenu un score encore plus important lors des européennes 2009 (16,3 % des voix), mais sans réellement parvenir à capitaliser ensuite. Affaire à suivre donc pour le parti de Yannick Jadot.

Les élections européennes ont eu un impact national dans l’ensemble des Etats membres. Dans deux d’entre eux au moins, des conséquences politiques sont déjà visibles.

En Grèce, le Premier ministre Alexis Tsipras (Syriza, gauche radicale) a annoncé qu’à la suite de l’échec de son parti au scrutin européen - deuxième avec 23,8 % des voix, derrière la Nouvelle démocratie (conservateurs), qui obtient 33,14 % des votes - des élections législatives anticipées se tiendront le 7 juillet, peu de temps après les municipales du 2 juin.

En Roumanie, les sociaux-démocrates du PSD au pouvoir, très contestés pour leurs atteintes à l’Etat de droit, ont connu un revers électoral important avec 24 % des suffrages (contre 45 % aux législatives de 2016), arrivant derrière le Parti national libéral (PNL), à 27 %, auquel appartenait Klaus Iohannis avant de devenir président. Celui-ci avait convoqué un référendum le même jour que les européennes, demandant aux Roumains s’ils souhaitaient ou non interdire “toute amnistie et grâce pour faits de corruption” ainsi que les “décrets d’urgence en matière de sanctions pénales” . Et à plus de 81 %, les électeurs ont répondu non. Le lendemain de ce double-vote, le président de la Chambre des députés de Roumanie, Liviu Dragnea (PSD), a été condamné à trois et demi de prison ferme pour abus de pouvoir. Dans ce contexte, les appels à la démission du gouvernement se multiplient.

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