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Le Parlement européen concerné par l’accord Acta

Depuis sa signature le 26 janvier, l’Acta (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) suscite de vives protestations, tant du côté des citoyens, de la société civile que du Parlement européen. Des milliers de manifestants se sont réunis en Europe pour protester contre les menaces à la liberté sur Internet, mais également par rapport au manque de transparence qui a entouré les négociations de l’accord. Pour entrer en vigueur, le texte doit être signé et ratifié par l’UE et les 27 États membres, puis adopté par les députés européens.Â

Pourquoi l’Acta est-il décrié ?

L’Acta est un traité international dont l’objectif est d’instaurer une coopération accrue dans la lutte contre la contrefaçon, et davantage de surveillance des réseaux pour lutter contre le “piratage” .
Outre les infractions au droit d’auteur sur Internet portant sur la musique, les films ou les logiciels, l’ACTA concerne également la contrefaçon en matière de médicaments et de produits de luxe.

C’est principalement la question de la menace de la liberté sur Internet qui est dénoncée par ses nombreux opposants. Selon l’article 27.4 de l’accord, les signataires peuvent prévoir d’ “ordonner à un fournisseur de services en ligne de divulguer rapidement au détenteur du droit [d’auteur] des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné” qui aurait téléchargé illégalement. Cette disposition institue donc de nouvelles obligations de coopération avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Pour l’eurodéputé Françoise Castex (France, S&D), les FAI deviendraient ainsi “des super gendarmes chargés de surveiller leur réseau” .

D’après l’article 23 du traité, un pays signataire sera autorisé à sanctionner pénalement des activités gratuites, parce qu’elles ne devraient être exercées, selon l’Acta, qu’ “à une échelle commerciale” . La définition, très large, de l’activité commerciale est remise en cause : “les actes commis à une échelle commerciale incluent au moins ceux commis via une activité commerciale pour des intérêts économiques directs ou indirects ou un avantage commercial” .

L’article 36 préoccupe encore l’opinion publique. Ce dernier crée le “Comité Acta” , organisme de gouvernance indépendant des institutions internationales qui, selon l’article 42, aurait la possibilité de modifier l’accord après sa ratification, sans contrôle par les parlements nationaux.

L’opacité dans le processus de négociation

Les négociations sur l’Acta ont débuté en juin 2008 et sont poursuivies jusqu’en octobre 2010, avant que la signature de l’accord n’intervienne le 26 janvier dernier à Tokyo. L’Acta concerne 22 des 27 gouvernements européens, les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, Singapour, la Corée du Sud, le Maroc, le Mexique et la Suisse.

Parmi les nombreux reproches formulés à l’encontre du traité, figurent l’opacité dans le processus de négociation. En réponse à ces accusations de non-transparence, la Commission européenne a publié la semaine dernière un document retraçant les différentes phases de négociations de l’accord multilatéral. La Commission “nie fermement avoir fourni un accès préférentiel à de l’information à un quelconque groupe” et assure que les négociations se sont déroulées avec la participation des représentants des pays négociateurs, et que le Parlement européen a été dûment informé de leur évolution.

En savoir plus : Transparency of ACTA negotiations - Commission européenne


Selon ce document, le Parlement a reçu au cours des différentes étapes de la négociation, sept versions provisoires de l’accord, trois rapports détaillés des négociations et 14 notes et documents de travail interne. Des réunions de consultation publiques, ouvertes à tous, ont été organisées en juin 2008, avril 2009, mars 2010 et janvier 2011. La Commission européenne a également répondu à une cinquantaine de questions sur l’Acta de députés européens.

Très divisés sur la question, les eurodéputés reprochent l’accès tardif au document. Pour la députée européenne Marietje Schaake (Allemagne, ALDE) “Les parlements ont été largement contournés, ainsi que le processus démocratique” .

Des milliers de manifestants en Europe

Une journée de protestation à l’échelle internationale a été organisée samedi 11 février. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre l’Acta, le visage parfois caché sous le masque au sourire sarcastique de Guy Fawkes, activiste britannique du 17e siècle, devenu l’emblème des “Anonymous” .

C’est en Allemagne que la mobilisation a été la plus importante, avec environ 16 000 manifestants à Munich, 10 000 à Berlin, 5 000 à Hambourg, 4 000 à Dortmund, 3 000 à Francfort ou encore à Dresde. En Autriche, plus de 6 000 personnes ont défilé dans les rues de Vienne, Graz, d’Innsbruck ou encore de Linz.
La mobilisation a également été très forte dans les ex-pays communistes, notamment en Bulgarie et en République tchèque où plus de 3 000 personnes ont défilé, ainsi qu’en Roumanie. A Paris, au plus de fort de la mobilisation, ce serait 1 000 personnes qui auraient protestées contre l’accord, selon la police.

Des réactions vives au Parlement européen

Pour entrer en vigueur, le texte doit être signé et ratifié par l’UE et les 27 États membres, puis adopté par le Parlement Européen.
Mais la décision de l’Allemagne vendredi 10 février de suspendre la ratification du traité a constitué un coup dur pour les partisans du traité. Son geste a été suivi par la Lettonie, la Pologne, la Slovaquie et la République Tchèque, qui ont également suspendu la ratification de l’accord.

Les débats s’annoncent tendus au sein du Parlement européen. Outre le manque de transparence qui a entouré les négociations du texte, les députés européens socialistes, libéraux et verts reprochent au texte de trop favoriser les ayants-droit, au détriment des citoyens.

“Je ne crois pas qu’on va avancer avec cet accord dans sa forme actuelle” , a déclaré le président du Parlement. Pour Martin Schulz, ce traité est “déséquilibré” .
Kader Arif, rapporteur du texte, avait quant à lui présenté sa démission le jour de la signature de l’accord, le 26 janvier dernier, afin d’alerter l’opinion publique. Ce dernier se réjouit désormais des manifestations qui ont lieu en Europe, et a déclaré attendre “maintenant de la droite européenne qu’elle prenne ses responsabilités et qu’elle reconnaisse que cet accord est inefficace et dangereux pour les libertés publiques” .
“Plus cet accord est connu, plus il a d’opposants” a ajouté de son côté l’eurodéputée socialiste française Françoise Castex.

Le vote de l’accord devrait avoir lieu entre juin et septembre 2012. Mais d’ici là, de nombreux rapports, échanges de vue, débats et amendements auront lieu entre les cinq commissions parlementaires.



En savoir plus

Transparency of ACTA negotiations - Communiqué de presse de la Commission européenne du 13/02/12

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