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Le Kosovo, un voisin gênant pour l’Europe

Les autorités du Kosovo sont une nouvelle fois visées par un rapport du parlementaire Dick Marty, membre du Conseil de l’Europe. Ce dernier les accuse en effet de s’être livrées à des activités mafieuses pendant et après la guerre du Kosovo . Si elles s’avèrent fondées, elles pourraient bousculer l’approche européenne des Balkans, détériorer ses relations avec le Kosovo, et modifier éventuellement les conditions d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne.Â

Un rapport du Conseil de l’Europe met en lumière les agissements de type mafieux des dirigeant actuels du Kosovo

Trafic d’organes, trafic de drogues, activités criminelles en tout genre. L’Armée de Libération du Kosovo, l’UÇK n’aurait pas été seulement un rassemblement de maquisards voulant libérer le Kosovo de l’emprise de Milosevic. C’est du moins ce qu’il ressort du rapport du parlementaire suisse Dick Marty qui vient d’être adopté par le Conseil de l’Europe.

Il y dénonce entre autre des prélèvements d’organes sur des prisonniers serbes, lors du dernier conflit. “Les victimes étaient des Serbes, et des Kosovars albanais considérés comme des traitres ou des membres de groupes rivaux. Pour nous, ce sont avant tout et seulement des êtres humains” s’est indigné Dick Marty. “Il est rare de trouver sur une période aussi longue une telle quantité d’éléments de dénonciation sans que rien ne se passe” a-t-il ajouté. Une thèse confortée par les révélations du Guardian, selon lesquelles l’OTAN avait connaissance des agissements de l’actuel Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi.

Toutes les attentions se focalisent donc sur le chef de l’Etat kosovar, qui, d’après ces révélations et accusations conjointes, serait l’un “des plus gros poissons” du crime organisé dans son pays. L’OTAN, à l’époque de son intervention en Serbie en 1999 avaient déjà classé des documents “top secret“sur ses agissements et ses méfaits. C’est notamment sur ces bases que le Conseil de l’Europe s’est fondé le 25 janvier dans son appel à ouvrir d’une enquête sur l’homme d’Etat albanais, l’accusant d’être un “chef de type mafieux, responsable de trafic d’armes, de stupéfiant et d’organes pendant et après la guerre du kosovo en 1998-1999” .

Des rumeurs existaient déjà sur ces pratiques sordides, dont la plus récente mettait en cause le Docteur turc Yusuf Sommez, dit “Docteur Frankensteïn” . Celui-ci, recherché pour son implication présumée dans un trafic d’organe au kosovo, a été arrêté à Istanbul le 12 janvier par la Mission de police et de justice de l’Union européenne : “l’arrestation a eu lieu en vertu d’un mandat d’arrêt internationl délivré par le tribunal régional de Pristina et en relation avec l’affaire Medicus” , avait indiqué Kristiina Herodes, porte-parole d’Eulex à Pristina.

La Mission Eulex

C’est une mission civile menée par l’Union européenne. Elle est déployée au kosovo depuis décembre 2008, et, est chargée d’assister le nouvel Etat dans la construction de l’Etat de droit. La mission est chargée de mener les enquêtes relatives aux crimes de guerre, dans des conditions difficiles. En mai 2010, Eulex avait ainsi annoncé n’avoir découvert aucune preuve d’un trafic d’organes dans le nord de l’Albanie.

Pour rappel, le Kosovo a été un protectorat des Nations Unies de la fin de la guerre du Kosovo jusqu’à 2008, lorsque la province de Serbie a déclaré son indépendance de Belgrade. Dès lors, Thaçi avait bénéficié d’un soutien sans faille de la part des puissances de l’OTAN. A l’heure d’aujourd’hui, il rejette encore ses accusations, les assimilant à une manoeuvre russo-serbe de déstabilisation.

Des éléments préexistants insistaient déjà sur les dérives du pouvoir politique kosovar

Mais d’autres accusations proviennent de la KFOR, la force de l’OTAN au Kosovo, qui avait aussi mis en lumière la campagne d’épuration ethnique engagée par Slobodan Milosevic.

La force de l’OTAN avait été amenée à enquêter sur les forces albanaises, dont celle des kosovars indépendantistes de l’UÇK soutenues par M. Thaçi. Lui-même n’est d’ailleurs pas le seul à être mis en cause puisque figure également Xhavit Halit, un proche du Premier ministre. Il a la réputation d’être un homme de l’ombre très influent dans les arcanes du pouvoir kosovar. Pendant la guerre du Kosovo, la mafia albanaise aurait été en contact avec les services secrets kosovars qu’il dirigeait, pour lui apporter son aide dans sa lutte contre la Serbie. Par conséquent “Xhavit Haliti s’est tourné vers le crime organisé” indique le rapport de Dick Marty.

Dick Marty

Homme politique suisse il est chargé en 2005 par le Conseil de l’Europe d’enquêter sur l’affaire des prisons secrètes de la CIA sur territoire européen et indique dans un rapport du 24 janvier 2006 que “de nombreux indices convergents permettent de conclure à l’existence d’un système de ‘délocalisation’ ou de “sous-traitance” de la torture” . Il affirme que “Nous avons aussi un apartheid de type juridique et judiciaire : des personnes non américaines sont exclues de tout système judiciaire du simple fait d’être suspectées de terrorisme” . En septembre 2009, il est le rapporteur d’une mission d’information de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la situation dans le Caucase du Nord (Tchétchénie, Ingouchie et Daguestan), à l’issue de laquelle il révèle qu’après une accalmie en 2007, les violences ont repris en 2008 En décembre 2010, Dick Marty dénonce, dans un rapport le trafic d’organes conduit,dès 1999, par l’Armée de libération du Kosovo.

D’autres éléments à charge sont connus pour avoir auparavant pointé la connexion mafieuse des résistants puis dirigeants du Kosovo. Auteur du livre “La Traque, les criminels et moi” , Carla Del Ponte, l’ex-procureur du tribunal pénal pour l’ex Yougoslavie “accusait déjà des membres de l’UÇK alors leader de la lutte armée contre la Serbie d’avoir prélevé des organes sur près de trois cents prisonniers retenus en Albanie” évoque Presseurop.

Interloqué par ces faits, le quotidien allemand Tageszeintung s’interroge s’il serait vraiment possible que “Hasim Thaçi, auquel Londres, Berlin et Paris ont accordé leur soutien si unanime, dût son pouvoir politique à des richesses accumulées grâce à des activité criminelles”?

Les conséquences sur la relations serbo-européenne

Ces révélations auront certainement des répercussions sur le dialogue Europe/Serbie. La reconnaissance du Kosovo par la Serbie demeure une condition préalable à l’entrée de la Serbie dans l’Union européenne, au grand dam de Belgrade, qui n’a toujours pas reconnu la province sécessionniste.

Ces révélations changent les relations entre les deux parties, puisque si les révélations de ce rapport s’avèrent exactes, c’est l’Union européenne qui sera en position d’accusée. Comment continuer d’exiger la reddition de Mladic et Karadzic alors qu’elle aurait soutenu d’autres criminels ?, s’interroge la presse occidentale.

Pourtant, le quotidien Le temps rapporte que le responsable de la section “Crimes de guerre” auprès d’Eulex, affirmait exactement le contraire en septembre 2010, et que les preuves de ces révélations se font encore attendre. C’est sur cela que joue en ce moment le cabinet du haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton. A défaut de réagir fermement à ces propos, la chef de la diplomatie européenne a effectivement demandé à Marty “des preuves” , cherchant certainement à gagner du temps pour adopter une position claire.

Les Balkans : héritage et évolutions

Il faut dire que le Kosovo, la Serbie, et les Balkans en général incarnent, à juste ou faux titre, une image de poudrière. Rappelons que la première guerre est partie de Sarajevo, entraînant le terrible jeu des alliances européennes. L’éclatement de la Yougoslavie de 1991 à 1995 demeure une épreuve cinglante pour la communauté européenne qui a dû faire appel à l’OTAN pour régler ce problème. Lors de cette guerre, l’Europe a semblé renouer avec ses automatismes du passé en réactivant les anciennes sphères de puissance. C’est ainsi que l’Allemagne d’Helmut Khol reconnaît sans en faire part aux autres Etats membres de la CEE, l’indépendance de la Croatie, ancienne alliée de l’Allemagne.

D’une manière générale, chaque Etat balkanique reste encore dans des dispositions assez nationalistes, chacun ayant des revendications territoriales reposant sur une mémoire historique douloureuse. C’est pourquoi cet espace est souvent perçu comme une géopolitique de la violence et incarne encore une morsure dans l’espace Schengen. De nombreux contentieux subsistent et chaque évènement fait craindre la réouverture de la boite de Pandore. Ces récentes révélations remettent donc en cause l’intervention des Européens dans la guerre entre la Serbie et la Kosovo, perçue comme la dernière partie de la guerre de Yougoslavie commencée en 1991.

La rapport Dick Marty s’avère donc être une aubaine pour la Serbie, souvent reconnue comme le principal facteur de déstabilisation dans la région. La Serbie n’a effectivement jamais reconnu le Kosovo qu’elle considère comme le coeur historique de sa nation. A titre indicatif, le mot serbe “kosovo Polje” se traduit par “champ des merles” , nom d’une bataille entre les Serbes et les Ottomans, qui représente le fondement historique de la mémoire et de l’identité serbe.

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