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Le “bio” en Europe : un luxe ?

Si les citoyens européens recherchent une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, consommer des produits de l’agriculture biologique reste un luxe dans l’ensemble des pays d’Europe. Comment, en dépit des mesures de soutien de la politique agricole commune (PAC) en faveur de la reconversion des surfaces agricoles vers la production biologique, et de l’agriculture bio en général, expliquer ces écarts ? Le mode de production du bio est-il si coûteux, ou les réseaux de distribution profitent-ils de “l’engouement vert” pour accroître leurs marges ?

Le marché du bio en Europe : des situations contrastées

En 2007, les ménages dépensaient en moyenne moins de 5 euros par an pour le bio dans les pays d’Europe centrale et orientale, contre 60 en Allemagne, 40 au Royaume-Uni et 30 en France.
L’agriculture biologique est en croissance en Europe, tant en termes de surfaces cultivées que de parts de marché. Le marché européen est le premier marché mondial des produits biologiques. En 2005, il représentait 47% des ventes mondiales, soit plus de 13 milliards d’euros. Il est aussi l’un des plus dynamiques : la part des produits biologiques dans l’ensemble du marché alimentaire européen est passée de 0,5% en 1997 à 4% en 2006.

En constante évolution, la situation du marché bio varie en fonction des pays membres. Avec 5,8 milliards d’euros en 2008, c’est le marché allemand qui occupe la première place en Europe, suivi par les marchés français, britannique et italien (ces derniers représentant environ 40% du marché bio européen). La part du marché bio par rapport à l’ensemble de l’alimentation est également très différente d’un pays à l’autre (de 6% au Danemark et en Autriche à moins de 0,5% en Espagne, Bulgarie, Estonie et Slovénie). En Espagne et en Hongrie, 90% de la production biologique est exportée.

Les canaux de distribution du bio

Le secteur de la grande distribution pourrait jouer un rôle croissant dans la commercialisation des produits biologiques. Jusqu’à une époque récente, les formes de mise en marché demeuraient diversifiées (magasins spécialisés ou vente directe) dans la plupart des Etats membres. Si les acteurs de la grande distribution jouent un rôle de plus en plus important dans beaucoup de pays, le commerce spécialisé reste pionnier et moteur du marché bio (En 2007, il représentait entre 5% et 25% du secteur de distribution de produits biologiques selon les pays).

L’importance des canaux de distribution directe diffère selon les pays : les distributeurs spécialisés dominent le marché dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest et du Sud (même si la part des supermarchés généraliste croit de façon régulière) tandis qu’au Nord, à l’Est (sauf Pologne) et en Autriche, plus de 60% des ventes sont effectuées par le biais de la distribution généraliste. Depuis 2005-2006, la part des supermarchés généralistes dans la distribution du bio (en particulier les “discounter” dont la gamme bio a été significativement élargie) n’a cessé d’augmenter.

Une production plus coûteuse…

“La production biologique (…) allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une production respectant la préférence de certains consommateurs à l’égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels” .

Proposition de règlement du Conseil de décembre 2005 relatif à la production biologique et à l’étiquetage de ses produits
Comme le révèle une enquête du magazine “Que Choisir” en février 2010, les écarts de prix entre produits labellisés “bio” et les produits “conventionnels” est en France considérable : en moyenne, un panier de produits biologique coûte 25% plus cher qu’un panier de produits classiques.

Mais cet différence n’est pas propre à la France : particulièrement élevés dans les pays du sud de l’Europe (où le marché du bio est moins important), les prix produits bio sont généralement plus importants que les produits conventionnels. Les producteurs les vendent à plus chers car leur production est plus coûteuse, particulièrement important dans le cas du lait, des pommes de terre et des œufs (moins pour la viande et les légumes).

En effet, les fermes pratiquant l’agriculture biologique sont, pour la plupart, des petites unités dont les coûts de production ne permettent pas les économies d’échelle, contrairement aux plus grandes exploitations. De plus, les labels biologiques imposent de nourrir l’élevage à l’aide d’alimentation biologique, ce qui ajoute également un coût. Afin de se constituer une marge, les agriculteurs “bio” sont donc obligés de vendre des produits plus chers.

Ainsi, si les grandes surfaces et autres distributeurs profitent de l’engouement vert de ces dernières années en basant le marketing sur le respect de l’environnement et une agriculture traditionnelle, cette démarche n’explique pas à elle seule le prix élevé des produits labellisés bio.

…donc des produits plus chers

Or du côté des consommateurs, le prix est la principale barrière qui les dissuade d’acheter des produits bio par rapports aux produits conventionnels.
Seul le consommateur informé des conséquences d’une alimentation biologique sur sa santé, l’environnement et/ou la préservation d’un tissu agricole traditionnel, et qui dispose surtout d’un revenu suffisant, est prêt à payer cette “prime bio” .

La PAC, qui se veut désormais tournée vers les consommateurs et les contribuables, incite les agriculteurs à produire en fonction des exigences du marché. Elle souhaite notamment promouvoir la prise en compte de l’environnement, de la santé publique et du bien-être des animaux, orientations dans lesquelles s’inscrit l’agriculture biologique. Sans autre intervention en faveur de l’agriculture biologique, ses perspectives de croissance restent à relativiser.

Article réalisé en partenariat avec les étudiants de Sciences-Po

Sources

“Le Bio à tous les prix” , Que choisir n°478, février 2010

“L’agriculture biologique en Europe, situation et perspective”, Sylvie Grigno, INRA, 2006.

“Organic farming in the European union : facts and figures”, Rapport de la direction générale de l’agriculture et du développement durable de la Commission européenne (Novembre 2005)

En savoir plus :

La politique agricole commune (PAC) - Touteleurope.fr

Agriculture : 22 ministres réunis à Paris pour la réforme de la PAC - Touteleurope.fr

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