Toute L'Europe – Comprendre l'Europe
  • Synthèse

Que fait l’Union européenne en matière d’emploi et de protection sociale ?

La politique de l’emploi et de la protection sociale dépend en grande partie des Etats membres de l’Union européenne. Mais celle-ci est montée en puissance dans ce domaine au cours des dernières années, avec un nombre croissant d’initiatives et de législations.

La dimension sociale de la construction européenne tend à se renforcer au fil des années et des crises connues par l’UE, comme celle du Covid-19 en 2020 - Crédits : AlxeyPnferov / iStock

L’Union européenne ne se limite pas à son marché intérieur. Socle européen des droits sociaux en 2017, directive sur les salaires minimums en 2022 ou encore celle sur les travailleurs des plateformes en phase d’adoption… L’emploi et la protection sociale font partie des domaines d’action de l’UE, qui tend à renforcer son engagement en la matière.

Mais il est vrai que son rôle était limité aux origines du projet européen en 1957. L’UE connaîtra un tournant social dans les années 1980, à la faveur de l’Acte unique européen, orientation qui se confirmera nettement au cours de la décennie suivante. Avant un retour en force des sujets sociaux depuis plusieurs années.

Brève histoire de la politique de l’emploi et de la protection sociale

En 1957, le traité instituant la Communauté économique européenne, plus connu sous le nom de traité de Rome, est signé et lance officiellement la construction européenne. Si celui-ci vise à assurer le “progrès économique et social”, cet objectif est principalement poursuivi à travers l’économie, par une levée progressive des barrières commerciales entre Etats membres de la Communauté économique européenne (CEE), à savoir la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas.

La dimension sociale de l’Europe des Six n’est pas pour autant éludée. Le traité de Rome institue le Fonds social européen (FSE), le plus ancien fonds structurel de l’UE, qui finance initialement la reconversion des travailleurs et leurs mobilités entre Etats membres. Le FSE, renommé FSE+, est l’un des fonds les plus importants dans le budget européen, avec 88 milliards d’euros prévus pour la période 2021-2027.

Seize ans après le traité de Rome, en 1973, l’Europe est frappée de plein fouet par le premier choc pétrolier, qui acte la fin des “Trente Glorieuses” et d’une période de prospérité économique. L’inflation et le chômage prennent de l’ampleur. En réaction, les désormais neuf Etats membres de la CEE adoptent leur premier plan d’action sociale au niveau européen en 1974. Celui-ci vise notamment à élaborer des directives relatives aux restructurations d’entreprises, à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et à l’égalité hommes-femmes dans le milieu professionnel. Mais le véritable tournant social de la construction européenne n’arrive que dans les années 1980, sous l’impulsion du président de la Commission européenne Jacques Delors (1985-1995). Il initie les rencontres de Val Duchesse, du nom du château belge où elles ont eu lieu, qui permettent aux partenaires sociaux européens de participer à la création des normes sociales de la CEE. C’est la naissance du “dialogue social européen”.

L’adoption de l’Acte unique européen en 1986, traité qui ouvre la voie au marché unique, constitue un autre moment clé de la prise en compte des questions sociales. La lutte contre le chômage devient alors un objectif important de la Commission européenne, avec pour visée la cohésion économique et sociale. C’est aussi lors de la présidence de Jacques Delors qu’est lancé le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), en 1987. Celui-ci visait à redistribuer les invendus de la politique agricole commune (PAC) à des associations caritatives, comme le Secours populaire ou les Restos du Cœur en France.

Une intégration européenne encore plus poussée est confirmée en 1992 avec le traité de Maastricht, qui transforme la CEE en Union européenne. Mais c’est le traité d’Amsterdam, signé en 1997, qui vient réellement changer la donne au niveau européen. L’emploi est dès lors perçu comme aussi important que les autres domaines de l’économie européenne. Le titre VI du traité d’Amsterdam est entièrement consacré à cette question. La dynamique d’Amsterdam est ensuite précisée lors du sommet de Luxembourg en novembre 1997, qui donne naissance à la “stratégie européenne pour l’emploi”. Si chaque Etat membre reste souverain en matière d’emploi, la coordination dans ce domaine est renforcée, avec la mise en place d’objectifs communs. Chaque année, les pays de l’UE élaborent alors des Plans nationaux pour l’emploi (PNAE) – aujourd’hui appelés Programmes nationaux de réforme (PNR) – comportant les mesures prises pour atteindre leurs cibles concernant l’emploi et la lutte contre le chômage.

Au cours des années 2010, l’Union européenne, qui se remet petit à petit de la crise économique de 2008, cherche encore à renforcer sa dimension sociale. En 2017, un texte majeur est adopté : le socle européen des droits sociaux. Non contraignant, il fixe cependant 20 principes sociaux vers lesquels l’Europe doit tendre. Ceux-ci sont divisés en trois chapitres “Egalité des chances et accès au marché du travail”, ” Des conditions de travail équitables” et “Protection et inclusion sociales”. Le socle européen des droits sociaux aboutit à l’adoption, en 2021 par les Vingt-Sept, les eurodéputés et les partenaires sociaux lors du sommet de Porto, de trois grands objectifs chiffrés à atteindre d’ici à 2030 : un emploi pour au moins 78 % des 20-64 ans ; une participation à des activités de formation pour au moins 60 % des adultes chaque année ; au minimum 15 millions de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en moins.

La crise du Covid-19 et le plan de relance européen

La crise liée à la pandémie de Covid-19 en 2020 et ses lourdes conséquences économiques ont placé les préoccupations sociales au cœur des priorités européennes. Des questions notamment traitée avec le plan de relance européen, baptisé Next Generation EU, lequel prévoit le versement de 750 milliards d’euros aux Etats membres sous forme de transferts et de prêts. Une initiative européenne qui implique que les plans de relance nationaux que Next Generation EU favorisent, outre la lutte contre le changement climatique et la préservation de l’environnement, la résilience économique et sociale.

Des exemples de mesures européennes récentes pour l’emploi et la protection sociale

Directive sur les salaires minimums (2022)

Le but de ce texte est de favoriser une convergence à la hausse des salaires minimums en Europe. Il n’impose pas la mise en place d’un “smic” dans les cinq pays qui n’en disposent pas au niveau national (Danemark, Finlande, Suède, Autriche et Italie), où il est défini par branches. Ce qui serait contraire aux traités européens. La directive invite notamment les Etats membres à favoriser les négociations collectives, qui impliquent une importante mobilisation des partenaires sociaux, dans la définition des salaires minimaux. Car celles-ci favorisent des salaires minimums plus élevés. Le texte prévoit aussi un suivi des mesures mises en place par les Etats membres.

Directive sur l’équilibre femmes-hommes dans les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse (2022)

Le texte impose une féminisation des conseils d’administration des grandes sociétés cotées en bourse. D’ici à juillet 2026, 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs devront être occupés par le genre sous-représenté, le plus souvent les femmes, ou bien 33 % de tous les postes d’administrateur. Les Etats membres de l’Union européenne, qui disposent de deux ans pour transposer la directive dans leur droit national, seront tenus de mettre en place des sanctions dissuasives telles que des amendes pour s’assurer du respect des nouvelles règles. Les PME de moins de 250 salariés ne sont pas concernées par cette nouvelle législation.

Directive sur les travailleurs des plateformes numériques (en cours d’adoption)

En discussion depuis fin 2021, la future directive a notamment pour objectif de permettre aux travailleurs des plateformes numériques de bénéficier d’un statut en adéquation avec leur situation professionnelle. A savoir de ne pas être considéré en tant que travailleurs indépendants lorsqu’un fort lien de subordination avec la plateforme dont ils dépendent est établi. Le texte à venir implique que les autorités nationales appliquent une présomption de salariat pour les travailleurs d’une plateforme numérique dès lors que certains critères préalablement définis sont remplis.

Le Fonds social pour le climat (adopté en 2023, lancement en 2026)

L’UE s’est engagée à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Une importante transition écologique, déclinée à travers le Pacte vert pour l’Europe, est ainsi prévue pour y parvenir. Mais l’UE et ses Etats membres souhaitent limiter le coût social des mesures envisagées et adoptées. Comme l’extension du marché du carbone européen aux secteurs du transport routier et du chauffage. Le Fonds social pour le climat, adopté en 2023 pour la période 2026-2032, sera alimenté par une partie des nouvelles recettes du marché du carbone et permettra des aides matérielles et financières pour les ménages et entreprises les plus vulnérables. L’UE a fixé le budget du fonds à 65 milliards d’euros, qui seront complétés par les Etats membres. 

Le FSE+, la principale manne financière européenne pour l’emploi et la protection sociale

Doté de 88 milliards d’euros pour la période 2021-2027, le Fonds social européen+ permet de financer de très nombreux projets à travers l’Union européenne. Une multitude d’acteurs différents — entreprises, collectivités locales, associations, universités… — peuvent prétendre aux financements du FSE+. Programmes de formation en entreprise, d’aide pour les chercheurs d’emplois et les plus démunis ou encore de réinsertion de prisonniers… les exemples d’initiatives financées par le FSE+ (dont les fonds sont gérés à 35 % par les Régions et à 65 % par l’Etat en France) sont très variés. 

Certains programmes de la période budgétaire européenne 2014-2020 font maintenant partie intégrante du FSE+. A savoir l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), qui finance des projets pour les moins de 30 ans n’étant ni en emploi, ni en étude, ni en formation. Mais aussi le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), successeur du Programme européen d’aide aux plus démunis créé en 1987 et qui vient en aide aux associations de lutte contre la pauvreté. Ainsi que le programme pour l’emploi et l’innovation sociale (EaSI), soutenant l’emploi et la mobilité professionnelle dans une perspective de réduction des inégalités sociales.

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur Que fait l'Union européenne en matière d'emploi et de protection sociale ?

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide