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La politique européenne d’industrie et d’innovation : 2011, année charnière ?

Toute l’Europe, le Mouvement Européen - France et la Commission Europe du MEDEF organisaient ce jeudi 31 mars un débat dans le cadre du cycle “Réalités européennes” sur “la politique européenne d’industrie et d’innovation : 2011 année charnière”.Â

Réunis autour de ce sujet, Françoise Grossetête (Eurodéputée PPE et rapporteur pour son groupe sur le rapport relatif à la politique industrielle européenne), Yvon Jacob (Ambassadeur de l’Industrie auprès de l’Union européenne), Gabrielle Gauthey (vice-présidente de la FIEEC - Fédération des industries électriques, électroniques et de communication) ainsi que Laurent Cohen-Tanugi (avocat et essayiste, modérateur de ce débat) partagent un premier constat : l’intérêt de l’Union européenne pour la politique industrielle émerge à peine.

Jusque récemment, “la politique industrielle était un sujet tabou dans une Europe des services” .

S’il reste encore largement à concrétiser par des actions, selon Yvon Jacob, cet intérêt nouveau se traduit par une série d’initiatives de la part des institutions européennes.

Très volontariste sur le sujet, rappelle Françoise Grossetête, le Parlement européen s’est emparé de la problématique et a élaboré un rapport d’initiative, sur la base d’une communication d’octobre 2010 du commissaire à l’industrie Antonio Tajani. Porté par l’Eurodéputé S&D Bernd Lange, le rapport a donc été largement adopté le 8 mars dernier en plénière grâce à la convergence de vues entre les deux principaux groupes politiques du PE.

L’un des points essentiels de ce rapport est le principe de réciprocité, nécessaire dans le cadre de la compétitivité et des échanges au niveau international. L’UE s’est en effet dotée de règles très contraignantes pour les entreprises en matière sociale et environnementale, ce qui n’est pas le cas des pays tiers ; de plus, la Chine et d’autres pays n’interdisent pas les aides d’Etat contrairement à l’UE. Ce principe a donc été très largement adopté au niveau du Parlement européen dans le cadre d’un arsenal anti-dumping, souligne Françoise Grossetête.

Yvon Jacob rappelle que la question de la réciprocité renvoie à l’objectif d’un libre-échange loyal et équilibré. Il constate en effet un grand paradoxe, selon lequel l’Union européenne a développé une libéralisation poussée au niveau des échanges mondiaux, tandis qu’elle s’est parallèlement dotée de règles très contraignantes en matière sociale et environnementale. Cela pose donc des problèmes pour le secteur industriel européen, que les bons résultats de l’Allemagne en la matière ne doivent pas occulter. Si la parole commence à changer sur ce sujet, conclut-il, encore faut-il que les actions suivent.

Attention à la sémantique, rappelle toutefois Laurent Cohen-Tanugi : le terme de réciprocité est utilisé dans le cadre de l’OMC, et permet une exception pour les pays en développement. Cette exception au principe de réciprocité est établie selon une classification qui n’a pas évolué ; et qui concerne des pays qui ont dorénavant une croissance bien supérieure à la nôtre.

Françoise Grossetête énonce un autre principe en cours de discussion au niveau européen : le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières (complémentaire du principe de réciprocité) . Initialement défendu par la France, il fait dorénavant l’objet d’une réflexion spécifique à la Commission européenne. D’autres règles sur lesquelles peut se fonder une véritable compétitivité européenne sont à mentionner : la lutte contre la contrefaçon et la promotion d’un “made in” ; l’accès aux matières premières ; la création de grands champions industriels ; les technologies de l’information et des mécanismes pour éviter la fuite des entreprises. A ce titre, il existe un panel d’outils (notamment le 7è PCRD) permettant d’obtenir des financements dans les domaines de l’énergie et des réseaux notamment, ainsi que dans le domaine environnemental.
Public conférence
Suivant le débat sur le fil Twitter de Toute l’Europe, la députée européenne Estelle Grelier se demande comment agir de ce point de vue sans budget européen conséquent.

Malgré le volontarisme du Parlement en la matière, Françoise Grossetête reconnait la difficulté de revendiquer un accroissement du budget européen (qui aurait comme conséquence directe une aggravation de l’euroscepticisme). Yvon Jacob précise que tous les problèmes ne se règlent pas forcément par des dépenses supplémentaires, mais plutôt par un rééquilibrage en faveur de la politique industrielle (au détriment de la PAC notamment), ainsi qu’un véritable développement de partenariats entre l’industrie et le monde de la recherche.

Gabrielle Gauthey se déclare très pessimiste quant à notre arrogance vis-à-vis des pays émergents. Si, d’accord avec Yvon Jacob et Françoise Grossetête, elle estime que la politique industrielle doit s’appuyer sur la préférence communautaire et le principe de réciprocité, elle met l’accent de son côté sur les aides d’Etat.

En effet, la stratégie UE2020, notamment les objectifs de développement des infrastructures très haut débit et l’efficacité énergétique sont pertinents ; cependant il faut réagir à l’une des grandes faiblesses de l’UE qu’est son dogmatisme, axé sur la concurrence et le consommateur.

La vice-présidente de la FIEEC continue en soulignant que les Fonds structurels et les aides d’Etat doivent permettre d’accroître l’efficacité des territoires. D’autant plus que la Recherche & Développement ne joue pas son rôle de levier : les objectifs de 3% du PIB ne sont pas atteints en Europe (notamment en France et en Allemagne), il y a également trop de “saupoudrage” et de lourdeurs administratives. Le dogme de la concurrence pure, particulièrement dans le domaine des télécommunications, est erroné, les infrastructures doivent être co-construites avec les aides d’Etat, sans quoi l’UE aggravera son retard en matière d’infrastructures numériques.

A cet égard, Laurent Cohen-Tanugi observe que si la politique de concurrence a rarement empêché la naissance de champions industriels européens, le vrai problème reste néanmoins celui des aides d’Etat : au niveau mondial, il existe des différences entre les économies ouvertes et libérales, et les économies émergentes protégées par leurs aides d’Etat. Aussi, de nouvelles règles sont nécessaires, partant de l’idée que ce qui est interdit entre les pays de l’UE en matière d’aides d’Etat ne doit pas forcément l’être entre l’UE et le reste du monde.

Finalement, note Laurent Cohen-Tanugi, les idées émergent concernant une stratégie européenne ; mais la concurrence industrielle et des conflits d’intérêt existent entre les principaux Etats membres - or il n’y a pas de politique industrielle européenne en l’absence de stratégie commune notamment à l’égard des pays émergents.

En savoir plus

Le rapport du Parlement européen sur une politique industrielle à l’ère de l’innovation - Parlement européen

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