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  • Synthèse

La politique de sécurité et de défense commune (PSDC)

La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) donne à l’Union européenne la possibilité d’utiliser des moyens militaires et civils pour répondre aux crises internationales. En 2023, 22 opérations sont en cours en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.

Parmi les sept opérations militaires menées par l’Union européenne dans le monde figure EUTM Somalia, qui a pour mission depuis 2010 de former l’armée somalienne - Crédits : European External Action Service / Flickr CC BY-NC-ND 2.0
Parmi les neuf opérations militaires menées par l’Union européenne dans le monde figure EUTM Somalia, qui a pour mission depuis 2010 de former l’armée somalienne - Crédits : European External Action Service / Flickr CC BY-NC-ND 2.0

Les objectifs de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC, anciennement politique européenne de sécurité et de défense, PESD) sont définis à l’article 42 du traité sur l’Union européenne (TUE).

Celui-ci affirme que l’UE peut avoir recours à des moyens civils et militaires en dehors de l’Union “afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies”.

Sans remettre en cause le caractère spécifique des politiques de sécurité et de défense de chaque Etat membre (notamment développées dans le cadre de l’Otan, dont 22 des 27 pays de l’UE sont membres), la PSDC poursuit également l’objectif de définir progressivement une “politique de défense commune de l’Union”. “Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi”, précise le traité.

Les moyens et les missions

L’UE ne possédant pas d’armée européenne, les capacités civiles et militaires qu’elle est en mesure de mobiliser sont mises à sa disposition par les Etats membres lorsqu’une mission est lancée par le Conseil. La PSDC sert de cadre pour identifier ces capacités, les coordonner et les utiliser de façon autonome.

Les Etats membres peuvent mettre en œuvre un certain nombre d’opérations communes de sécurité et de défense. Celles-ci incluent (art. 43 TUE) :

  • les actions conjointes en matière de désarmement,
  • les missions humanitaires et d’évacuation,
  • les missions de conseil et d’assistance en matière militaire,
  • les missions de prévention des conflits et de maintien de la paix,
  • les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits.

La PSDC vise également à lutter contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers sur leur territoire.

Les opérations en cours

L’UE est actuellement présente sur trois continents, où sont déployées 22 missions civiles ou militaires (plus de 30 ont été lancées depuis le début de la PSDC).

Neuf opérations militaires sont ainsi en cours :

  • au Niger (mission de partenariat militaire en soutien au pays dans la lutte contre le terrorisme EUMPM lancée en février 2023)
  • en Ukraine (mission de formation militaire EUMAM Ukraine lancée en novembre 2022) ;
  • au Mozambique (mission de formation militaire EUTM Mozambique lancée en novembre 2021) ; 
  • en Méditerranée (mission pour faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye EU NAVFOR MED Irini lancée en 2020) ;
  • en République centrafricaine (mission de formation militaire EUTM RCA lancée en 2016) ;
  • au Mali (mission de formation militaire EUTM Mali lancée en 2013) ;
  • en Somalie (mission de formation militaire EUTM Somalia lancée en 2010) ;
  • sur les côtes somaliennes (opération navale NAVFOR Atalanta contre la piraterie lancée en 2008) ;
  • en Bosnie-Herzégovine (mission de maintien de la paix EUFOR Althea lancée en 2004).

En 2003, la première mission militaire commune a été l’opération EUFOR Concordia. L’opération avait pour but de stabiliser l’ouest de la Macédoine du Nord (ex-Ancienne république yougoslave de Macédoine), après l’insurrection albanaise de 2001, l’un des conflits armés des guerres de Yougoslavie. 

Au titre de la PSDC, l’UE mène parallèlement 13 missions civiles de police et de soutien aux forces de sécurité ou à l’état de droit, de renforcement capacitaire ou d’assistance aux frontières :

  • en Europe (EULEX au Kosovo, EUBAM en Moldavie et en Ukraine, EUAM en Ukraine, EUMM en Géorgie et EUMA en Arménie),
  • au Moyen-Orient (EUPOL Copps et EUBAM Rafah dans les Territoires palestiniens et EUAM en Irak),
  • en Afrique (EUBAM en Libye, EUCAP Sahel au Mali, EUCAP Sahel au Niger, EUAM RCA en République centrafricaine et EUCAP Somalie).

Comprendre la nature et les objectifs d’une mission européenne par son sigle

Opérations militaires
- EUFOR = EU Force (force opérationnelle de l’UE)
- EU NAVFOR = EU Naval Force (force navale européenne)
- EUTM = EU Training Mission (mission de formation de l’UE)

Missions civiles
- EULEX = EU Rule of Law Mission (mission état de droit)
- EUPOL = EU Police Mission (mission de police)
- EUMM = EU Monitoring Mission (mission d’observation)
- EUCAP = EU Capacity Building Mission (mission de renforcement des capacités)
- EUAM = EU Advisory Mission (mission de conseil)

Les organes de la PSDC

Plusieurs structures permanentes participent à la mise en œuvre de la PSDC.

Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE (PESC), dont la PSDC fait partie intégrante. Sous son autorité, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), créé par le traité de Lisbonne, est notamment chargé de piloter les composantes militaires et civiles dont dispose l’UE pour la gestion des crises (ou “réaction aux crises”).

Ceux-ci assurent la coordination des différentes opérations européennes. Car les capacités militaires mises à disposition de l’UE relèvent du Conseil, tandis que les outils civils sont principalement de la compétence de la Commission européenne. Et plusieurs missions peuvent être mises en place pour répondre à une même crise. C’est par exemple le cas au Mali avec les missions militaire EUTM Mali (formation des forces armées) et civile EUCAP SAHEL Mali (conseil relatif à la réforme malienne du secteur de la sécurité).

Constitué de représentants des Etats, le Comité politique et de sécurité (COPS) exerce, sous l’autorité du Conseil et du haut représentant, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion des crises.

Sous sa direction, la capacité civile de planification et de conduite (CPCC) assure la direction des opérations civiles, tandis que le Comité militaire de l’Union européenne (CMUE) dirige les actions militaires. L’Etat-major militaire de l’UE (EMUE) planifie et exécute les décisions du CMUE, notamment grâce à sa capacité militaire de planification et de conduite, désignée par son acronyme anglais MPCC. Créé par une décision du Conseil en juin 2017, ce centre de commandement commun des missions militaires à mandat non exécutif (missions d’observation ou de formation) peut être considéré comme un embryon de “quartier général” des forces armées de l’UE.

Enfin, l’Agence européenne de défense (AED) vise à améliorer les capacités militaires des Etats membres et à développer la défense européenne. Elle a été créée en 2004 pour améliorer progressivement les capacités militaires des États membres dans le domaine de la gestion des crises, promouvoir et renforcer la coopération européenne en matière d’armement. Elle a également pour objectif de renforcer la base industrielle et technologique européenne (BITDE) dans le domaine de la défense, de créer un marché européen concurrentiel des équipements de défense et de favoriser la recherche dans ce domaine. 

Une prise de décision intergouvernementale

Ce sont les Etats membres de l’UE qui définissent les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, exécutée par le haut représentant de l’Union.

Plus précisément, l’article 42 du TUE prévoit que les décisions relatives à la PSDC sont prises par le Conseil à l’unanimité, “sur proposition du Haut représentant de l’Union ou sur initiative d’un Etat membre”.

Le haut représentant doit régulièrement consulter le Parlement européen sur les orientations et les choix fondamentaux faits en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense. Le Parlement peut également adresser des questions ou formuler des recommandations à l’attention du Conseil et du haut représentant de l’Union, et organise deux fois par an un débat sur la mise en œuvre de la PESC, y compris de la PSDC.

Les missions civiles sont financées par le budget de l’UE dédié à la PESC, tandis que les opérations militaires et de défense sont financées par les budgets nationaux des Etats membres, à hauteur de leur contribution à ces opérations. 

Par ailleurs, un nouveau mécanisme a été établi en mars 2021 : la Facilité européenne pour la paix (FEP). Remplaçant Athena et la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, la FEP finance la dimension militaire de la politique étrangère européenne. Celle-ci est dotée d’un budget de 5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Contrairement aux instruments qui l’ont précédée, la FEP permet de financer l’envoi d’armes létales à des pays en guerre auxquels l’UE décide d’apporter son soutien. Une possibilité utilisée pour la première fois le 28 février 2022, soit quatre jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les évolutions de la PSDC

La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été initiée par le traité de Maastricht, signé en 1992. Alors que sa population avait rejeté le texte par référendum, le Danemark avait obtenu un opt-out (option de retrait en français) concernant la politique de défense de l’Union. Etant aussi exemptés de participation à l’euro, les Danois avaient finalement accepté d’adhérer au traité. 

Mais face aux conséquences du conflit russo-ukrainien en matière de sécurité, ils se sont prononcés trois décennies plus tard, lors d’un référendum organisé le 1er juin 2022, à 66,9 % pour une intégration au sein de la PSDC. Depuis, la politique de sécurité et de défense commune regroupe ainsi l’ensemble des 27 Etats membres de l’UE.

Le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en 1998, a pour la première fois permis de définir le cadre et les objectifs de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), officiellement créée l’année suivante afin de gérer collectivement les crises internationales.

Cette dernière a pris son nom actuel de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) avec le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Celui-ci a créé le poste de haut représentant de l’UE et élargi le cadre d’action de l’UE en matière de sécurité et de défense (actions conjointes de désarmement, conseil et assistance militaire, prévention des conflits et maintien de la paix, stabilisation à la fin des conflits).

Ont également vu le jour avec le traité de Lisbonne :

  • Une possibilité de coopération renforcée spécifique à la défense européenne

Le traité de Lisbonne a introduit la possibilité, pour les Etats qui le souhaitent, de se rassembler en groupe restreint pour avancer dans le domaine de la défense. L’article 42 du traité sur l’Union européenne prévoit ainsi que les Etats dont les efforts de défense sont les plus importants peuvent décider d’augmenter ensemble leurs investissements, rapprocher leurs outils de défense, renforcer l’interopérabilité des matériels et participer à des programmes d’équipement dans le cadre de l’Agence européenne de défense.

Une telle “coopération structurée permanente”, prévoyant notamment “l’augmentation régulière des budgets de la défense”, a été établie en décembre 2017 entre 25 Etats (tous les Etats membres sauf Malte et le Danemark).

  • Un devoir d’assistance mutuelle

Le traité de Lisbonne a introduit, en son article 42.7, une clause de défense mutuelle. Celle-ci dispose qu’ ”au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir”.

Vers une Europe de la défense ?

La construction d’une Europe de la défense a fait l’objet de nombreux appels ces dernières années, notamment de la part du président français Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel, qui a quitté le pouvoir en décembre 2021. Dans le sillage de la présidence américaine de Donald Trump de 2017 à 2021, la question de la dépendance aux Etats-Unis a été reposée avec force, tandis que le Brexit suscitait de nouvelles réflexions, les Britanniques ayant souvent fait blocage à une intégration européenne poussée en termes de défense. 

Enfin, avec la guerre en Ukraine, de nombreux Etats membres de l’UE ont décidé d’augmenter leurs dépenses en matière de défense, pour que celles-ci atteignent au moins 2 % de leur PIB, un objectif fixé par l’Otan. 

La coopération structurée permanente et la capacité militaire de planification et de conduite (MPCC), mises en place en 2017, sont de premières avancées concrètes vers une Europe de la défense.

Le 25 juin 2018, à l’appel de la France, neuf Etats membres de l’UE ont également lancé l’Initiative européenne d’intervention, abrégée IEI (ou E2I en anglais) : l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la France, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni (malgré le Brexit). La Finlande, la Norvège, la Suède et l’Italie se sont ensuite ajoutées à cette liste, portant le nombre de participants à 13. 

Hors du cadre de la PSDC, l’IEI est le pendant opérationnel de la Coopération structurée permanente. Elle a pour objectif de créer un “noyau dur” d’Etats prêt à agir rapidement en cas de besoin. En février 2020, elle permet le lancement d’une première opération de sécurité maritime (EMASoH) dans le golfe Persique, regroupant huit pays dont la France.

L’IEI est composée d’un secrétariat permanent, qui met en liaison les autorités militaires des Etats par le biais de discussions stratégiques deux fois par an, et organise une rencontre annuelle des ministres de la Défense. Les interventions menées sous la coupe de l’IEI peuvent aller des opérations militaires classiques à l’assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle. 

Par ailleurs, un Fonds européen de défense a été lancé le 1er janvier 2021, après deux programmes pilotes lancés en 2017. Doté d’un budget de 7,9 milliards d’euros pour la période 2021-2027, il vise à stimuler les projets transnationaux de coopération industrielle en matière de défense.

La boussole stratégique

Adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept le 25 mars 2022, la boussole stratégique (strategic compass en anglais) est un document qui fixe les grands objectifs européens en matière de sécurité et de défense à l’horizon 2030. Elle s’organise autour de quatre volets : agir, assurer la sécurité, investir et travailler en partenariat. Le document prévoit notamment la création d’une “Capacité de déploiement rapide de l’Union européenne”, à savoir 5 000 militaires mobilisables lorsque les circonstances l’exigeront et qui agiront sous drapeau européen. 

L’un des enjeux derrière la définition de cette boussole stratégique a été de parvenir à définir un consensus entre les 27 Etats membres de l’UE, tant sur la perception des menaces qui pèsent sur leur sécurité que sur les moyens d’y faire face ensemble. De par leur histoire, les pays européens disposent de cultures stratégiques différentes et n’ont pas nécessairement la même analyse des menaces et des priorités en matière de sécurité et de défense. La boussole stratégique, document appelé à évoluer, consiste donc à identifier les priorités sur lesquelles les Européens sont prêts à s’investir collectivement sur les plans géopolitique et opérationnel.

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3 commentaires

  • Avatar privé
    Lame

    Il faudrait que le cadre institutionnel de l’UE s’implique d’avantage dans le stimulation du dialogue entre les différentes organisations militaires , unions volet militaire et task force créées par des Etats européens, incorporés ou non dans l’UE.
    A titre d’exemple : Joint Expeditionnary Force, Combined Joint Expeditionary Force, Enhanced Partnership in Northern Europe, Northern Group, NORDEFCO et Conseil nordique, Assemblée Balte, Initiative des Trois Mers, Coopération de Défense de l’Europe Centrale, Initiative Centre Européenne, Groupe de Visegrad, Triangle de Weimar, Benelux, etc…
    L’UE pourrait organiser des réunions tripartites UE/OTAN/organisation ou taskforce pour établir des feuilles de route publique en matière de coopération et organiser une conférence par législature européenne (minimum) pour stimuler les coopérations entre petites alliances.

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    michel benard

    il faut metre fin a l otan

    • Avatar privé
      Lame

      Que veut dire mettre fin à l’OTAN ? Si cela veut dire se retirer de l’Alliance atlantique, cela implique de renoncer à la clause de défense mutuelle, donc au secours des USA en cas d’attaque. Si cela veut dire se retirer de l’organisation créée marge du Conseil de l’Atlantique Nord (et l’Assemblée parlementaire de l’OTAN), cela implique de renoncer aux soutiens financier, technique et scientifique de l’OTAN : (https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_66470.htm). Il faut aussi relever que le retrait de l’OTAN signifie l’impossibilité d’exercer une influence par le biais de ses partenariats : le plan d’action pour l’adhésion, plan d’action individuel de partenariat, partenariat pour la paix, dialogue méditerranéen, initiative de coopération d’Istanbul, partenariat pour la paix, partenariat global.