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La monnaie unique : problème ou solution de la zone euro ?

Sujet phare des élections européennes : l’euro ne cesse de faire parler. La vigueur et la persistance de la crise, associées à sa gestion contestée, ont cristallisé les tensions et les rancœurs contre la monnaie unique. A tel point que la sortie de l’euro est aujourd’hui sur le devant de la scène. Présenté par certains économistes comme la seule voie pour recouvrer une réelle politique économique et monétaire en Europe, le retour aux monnaies nationales se trouve également au cœur des argumentaires des partis souverainistes et populistes aux ambitions antieuropéennes.

Siège de la BCE

L’euro en situation de blocage

La crise économique et financière que l’Europe connaît depuis plusieurs années suscite actuellement un sentiment de défiance général des citoyens envers les institutions européennes. Leur gestion de la crise est fortement critiquée, particulièrement dans les pays d’Europe du Sud où les plans d’austérité ont été les plus difficiles à accepter et où les conséquences sociales demeurent extrêmement graves. Tandis que la politique monétaire se trouve également contestée, notamment car elle n’a pas permis à ce jour d’harmoniser les performances économiques des membres de la zone euro. En période de contraction économique et commerciale, l’impossibilité de recourir à la dévaluation compétitive est regrettée dans certains pays.



Frédéric Lordon
, collaborateur régulier du Monde diplomatique, est l’auteur de La Malfaçon : monnaie européenne et souveraineté démocratique, éditions Les Liens qui libèrent, 2014.

Dans ce contexte, un nombre croissant d’économistes ont développé des thèses sur une possible sortie de l’euro. Se présentant le plus souvent comme des pro-Européens, ces derniers constatent un blocage insurmontable autour de la question de l’euro, estimant que les intérêts et principes des Etats membres sont trop importants pour aboutir à une politique économique et monétaire intégrée aussi démocratique que profitable. Des personnalités comme Jacques Sapir, Bernard Maris ou encore Franck Dedieu, auteur de Casser l’euro pour sauver l’Europe, expliquent en effet que si le statu quo monétaire est impensable en raison de la gravité de la crise, un “saut fédéral” l’est tout autant.

Dans ce contexte, le seul recours est le retour aux monnaies nationales. De cette manière, la France serait de nouveau en mesure de recourir à la dévaluation pour doper sa compétitivité et retrouver des marges de manœuvre économiques. Comme le soutient Franck Dedieu, la grande majorité des Etats ayant mené et réussi des réformes structurelles d’envergure l’ont fait en parallèle d’une dévaluation afin d’en limiter le coût social.

Une théorie prolongée par l’économiste Frédéric Lordon, selon qui les traités ne laissent pas la place à la création d’un gouvernement européen dont la mission serait de remédier au déficit démocratique dont souffre la zone euro. En outre, les Etats ne peuvent concilier leurs divergences de conception de la politique monétaire que jusqu’à un certain point. A cet égard, en échange d’une solidarité financière accrue ou d’une mutualisation des dettes, l’Allemagne exigerait une “dépossession généralisée de la souveraineté” , afin de prévenir un nouveau laxisme économique de la part de ses partenaires.

Réformer et démocratiser la politique monétaire européenne

Bien entendu, si ces voix tendent à être plus nombreuses et à trouver un fort écho en période électorale, elles demeurent minoritaires et surtout contraires à ce que souhaitent les Européens. En atteste le dernier rapport du Pew Research Center, publié le 12 mai 2014. Alors que le pessimisme économique reste important au sein de l’Union européenne, la confiance en l’euro se maintient à un niveau élevé. 48 % des Français estiment en effet que les performances économiques vont se dégrader au cours des 12 prochains mois, mais ils sont 64 % à défendre la monnaie unique. Même un pays plus fortement touché par la crise comme l’Espagne continue de garder confiance en l’Europe. Seuls 21 % des Espagnols pensent que la crise va s’aggraver et 68 % d’entre eux ont confiance en l’euro.



Thomas Piketty
, élu meilleur jeune économiste de France en 2002 est l’auteur du Capital au XXIe siècle, éditions du Seuil, 2013.

Dès lors, l’enjeu, pour la prochaine législature européenne, sera plus de remédier aux dysfonctionnements et inachèvements de l’euro, que de remettre en cause l’union monétaire. C’est en tout cas ce que prônent des économistes tels que Thomas Piketty et Michel Aglietta, ainsi que le Groupe Eiffel Europe composé notamment d’Agnès Bénassy-Quéré, auteure d’Economie de l’euro. D’après eux, le remède de la sortie de l’euro serait infiniment plus dommageable que le mal économique dont souffre l’Europe. La dévaluation du franc par rapport à l’euro renforcerait considérablement le montant de la dette et des importations, réduirait la consommation et mettrait le pays en danger face aux attaques spéculatives. Et ce sans compter sur les dévaluations successives que ne manqueraient pas de mettre en place les autres pays européens, limitant de facto les gains de compétitivité de chacun.

Le renforcement de l’intégration monétaire est donc sur de nombreuses lèvres. Du point de vue institutionnel, la possibilité de changer le mandat de la Banque centrale européenne pour que cette dernière puisse diriger la régulation monétaire est fréquemment évoquée. En outre, la création d’une chambre de la zone euro est également avancée, par le biais d’une sous-formation du Parlement européen, ou par la création d’un nouvel organe composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Un projet ancien qui avait été énoncé par Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires étrangères de 1998 à 2005. Sur le plan technique, l’une des pistes le plus souvent abordée est celle de la mise en commun de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Une instance européenne serait ainsi chargée de fixer une assiette commune afin de limiter la concurrence fiscale entre les Etats membres et également d’accroître les ressources propres de l’UE. Des capacités d’investissements supplémentaires que de nombreux partis politiques appellent de leurs vœux.

En France, la droite souverainiste isolée sur la sortie de l’euro



Sylvie Goulard
est candidate de l’alliance Modem-UDI, tête de liste dans le sud-est. Membre du Groupe Eiffel Europe, elle fait partie des eurodéputés les plus actifs dans le domaine monétaire et défend l’idée d’un gouvernement de la zone euro.

De fait, un assez large consensus, du moins au niveau français, se dégage quant aux orientations à donner à la politique monétaire européenne. Le constat des insuffisances de l’euro étant partagé par tous, la nécessité d’approfondir la gouvernance économique de la zone euro fait partie des propositions à la fois du Front de gauche, des Verts, du Parti socialiste, du Centre et de l’UMP. Le but est de faire converger les différents systèmes fiscaux et sociaux et de réorienter le mandat de la Banque centrale européenne afin de davantage soutenir la croissance et l’emploi. C’est sur l’ampleur des réformes ou sur les priorités économiques et monétaires que les candidats aux élections européennes du 25 mai divergent.

En effet, le parti de Jean-Luc Mélenchon insiste sur la nécessité de donner à la BCE les moyens de prêter directement aux Etats et aux collectivités. Le PS recommande de rééquilibrer la parité de l’euro avec le dollar, le yuan et le yen. Quant à l’alliance du Modem et de l’UDI, de loin la formation politique la plus fédéraliste, elle va jusqu’à proposer une réforme des traités afin d’instaurer un gouvernement de la zone euro, qui serait contrôlé par le Parlement européen et les parlements nationaux. A l’inverse, tiraillé par d’importantes divergences internes, l’UMP, très discret sur la question de l’euro et de l’intégration européenne dans son ensemble, ne propose aucune réforme d’envergure.



Marine Le Pen
est tête de liste du Front national dans le nord-ouest. Comme Nicolas Dupont-Aignan ou Philippe de Villiers, elle prône le retour au franc.

De l’autre côté de l’échiquier politique européen, figurent le Front national et Debout la République. A l’image de quelques autres formations politiques présentant des listes, ces partis affichent une position résolument souverainiste et antieuropéenne. L’euro est alors présenté comme la raison des difficultés économiques de l’Europe et du marasme social. Si la progression de ces partis devrait être significative, aussi bien en France que dans de nombreux pays européens, il est peu probable que leur score leur permette de mettre leur programme à exécution. Le prochain Parlement et la prochaine Commission auront donc l’opportunité d’approfondir l’intégration monétaire et de rendre la gouvernance économique plus démocratique. Une mission qui apparaît aujourd’hui incontournable pour ne pas encore détériorer la confiance fragile et érodée des citoyens européens.

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