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La libre circulation des capitaux et des services financiers

La libre circulation des capitaux est l’une des quatre libertés fondamentales sur lesquelles repose le marché unique. Elle permet aux citoyens européens ou aux entreprises d’effectuer des opérations financières, selon les mêmes conditions, dans tous les Etats membres de l’UE.

La libre circulation des capitaux et des services financiers
Crédits : Franckreporter / iStock

En partenariat avec les éditions Larcier, cet article est inspiré de la première édition du manuel Droit européen des affaires et politiques européennes, sous la direction de Viviane de Beaufort, éditions Larcier.

La libre circulation des capitaux dans l’Union européenne

Le traité de Rome ne prévoyait pas une obligation formelle de réaliser la libre circulation des capitaux. Si la libéralisation complète des paiements courants a été réalisée rapidement, le mouvement a été très long en ce qui concerne les mouvements de capitaux.

Aujourd’hui, la libre circulation des capitaux (en particulier les placements) est réalisée et tout Européen a la possibilité d’effectuer des opérations à l’intérieur de l’UE : ouverture de comptes bancaires, achats d’actions d’entreprises provenant d’autres Etats membres, investissements, achats de biens immobiliers. Les entreprises peuvent, elles, investir dans d’autres entreprises européennes. Il aura fallu attendre le traité de Maastricht et la directive du 24 juin 1988 pour que la Cour de justice reconnaisse un effet direct à la libre circulation des capitaux.

Les articles 63 à 66 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoient que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres sont interdites. La liberté de circulation des capitaux s’applique à la constitution d’un avoir, aux investissements directs ne conférant pas une influence certaine sur les décisions d’une société et aux investissements de portefeuille. Sont également concernés par cette liberté les paiements d’impôts et les réglementations afférentes, notamment sur les dividendes, les investissements immobiliers et les successions.

En vertu de l’arrêt Sandoz GmbH du 14 octobre 1999, constitue une entrave toute mesure nationale de nature à dissuader les mouvements de capitaux entre les Etats membres. Toutefois, le TFUE autorise en son article 65.1 des restrictions liées à l’ordre public. De même, la Cour de justice admet également des restrictions liées à la sécurité d’approvisionnement énergétique. Les mesures doivent cependant être appropriées et justifiées.

Libéralisation des services financiers

Le secteur des services financiers comprend trois champs principaux dans lesquels se déclinent une politique européenne similaire : l’assurance, le secteur bancaire, ainsi que les fonds d’investissement et les valeurs mobilières.

L’assurance

L’intégration du secteur des assurances a été tardive et parcellaire, compte tenu de la très grande diversité au sein de l’Union des pratiques en la matière. Ce secteur reste en effet très national, la concurrence transfrontalière étant peu développée. Il est aujourd’hui organisé règlementairement selon des principes comparables à ceux applicables au secteur bancaire.

Trois générations de directives adoptées dans les années 1980 et 1990 permettent à l’assureur d’agir auprès des ressortissants d’un autre Etat membre de trois façons :

  • en créant une filiale, agréée par cet Etat et régie par les lois de celui-ci ;
  • en créant une succursale ou une agence ;
  • en se contentant de la libre prestation de services, agissant alors depuis l’Etat membre dans lequel il réside.

Solvabilité I et les deux directives qui la composent ont été adoptées en 2002 pour renforcer la protection des assurés par un relèvement de la marge de solvabilité obligatoire des entreprises d’assurance vie et non-vie. Ce premier projet n’était toutefois consacré qu’à la marge de la solvabilité, tandis que le projet Solvabilité II a une portée beaucoup plus étendue et est beaucoup plus sensible aux risques réels supportés par la compagnie. Solvabilité II a été adoptée par le Parlement européen en 2009, l’application des mesures datant de 2012.

Solvabilité II fixe des principes en matière d’évaluation des provisions techniques, de reporting aux autorités de contrôle ou d’information au public. Elle présente une nouvelle approche des risques : la pierre angulaire du projet est de s’assurer que les provisions techniques sont à la fois suffisantes et calculées suivant des principes harmonisés entre les différentes sociétés à travers l’Europe.

Trois piliers soutiennent l’édifice proposé par la directive :

  • Les mesures quantitatives quant au niveau de provisionnement et de fonds propres des assureurs ; deux niveaux de fonds propres seront définis : 
    • le capital minimum requis (MCR) : niveau minimum de fonds propres en dessous duquel l’intervention de l’autorité de contrôle sera automatique ;
    • le capital de solvabilité requis (CSR) : capital cible nécessaire pour absorber le choc provoqué par un sinistre exceptionnel ;
    • le risque zéro ne sera plus un objectif en soi : les compagnies d’assurance devront au contraire atteindre un niveau acceptable de risque qui sera défini au cas par cas chaque année pour chaque établissement ;
  • les activités de contrôle : les entreprises devront mettre des structures de contrôle interne et de gestion des risques, et définir un mode de supervision des groupes multinationaux ;
  • les exigences en matière d’information prudentielle et de publication : la directive impose aux compagnies d’assurance de fournir des données concernant les informations publiques, la coordination des dossiers annuels à destination des superviseurs, les règles d’information des assurés.

La directive Omnibus 2 adoptée dans la première moitié de 2014 et entrée en vigueur au 1er janvier 2016 prévoit des modifications aux règles posées par Solvabilité II.

Cette révision vise à :

  • tenir compte de l’évolution récente de l’assurance, de la gestion des risques, des techniques financières, des normes internationales d’information financière et prudentielles, etc. ;
  • intégrer les modifications apportées par le traité de Lisbonne et la création de l’EIOPA (acronyme anglais pour Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) ;
  • rationaliser la façon dont les groupes d’assurances sont surveillés et reconnaître la réalité économique de leur fonctionnement ;
  • renforcer les pouvoirs de l’autorité de surveillance des groupes, pour garantir que les risques pesant sur l’ensemble d’un groupe ne soient pas négligés ;
  • permettre une coopération accrue entre les autorités de surveillance (les groupes pourront utiliser des modèles à l’échelle du groupe et tirer profit des avantages de ma diversification du groupe).

L’architecture règlementaire de Solvabilité II, modifiée par Omnibus 2, se décompose ainsi :

  • le niveau 1 correspond à la Directive 2009/138/CE, modifiée par Omnibus 2 ;
  • le niveau 2 correspondra à des actes délégués (Delegated Acts, en anglais) rédigés par la Commission européenne et des standards techniques règlementaires (Regulatory Technical Standards) rédigés par l’EIOPA. Toutefois, au début de l’entrée en application du nouveau régime et pendant une période de deux ans, la Commission est autorisée par la directive à rédiger elle-même les standards techniques règlementaires (en vertu d’une sunrise clause). Ces actes délégués et ces actes techniques règlementaires sont contraignants et d’application directe ;
  • le niveau 3 correspondra enfin à des standards techniques d’exécution (Implementing Technical Standards - ITS) et des orientations & recommandations (Guidelines & Recommandations). Comme les RTS, les ITS sont contraignants et directement applicables. En revanche, pour ce qui concerne les guidelines, ce sont les autorités nationales de contrôle qui ont le choix de les faire appliquer ou non. Si une autorité décide de ne pas rendre obligatoires les dispositions d’une guideline, elle est tenue d’en informer EIOPA et de motiver sa décision : c’est le principe du comply or explain.

Secteur bancaire

En ce qui concerne les banques, il faut distinguer l’accès et l’exercice de l’activité bancaire des services rendus par ces établissements.

La directive du 15 décembre 1989 définit les grands principes de l’accès et l’exercice de l’activité bancaire :

  • faciliter la libre prestation de services des établissement de crédit ;
  • permettre la liberté d’établissement des banques ;
  • harmoniser les règles prudentielles.

L’harmonisation des opérations effectuées et des services rendus par les banques est encore parcellaire et progresse plus lentement, notamment en ce qui concerne le système de garantie de dépôts, la protection du consommateur dans certains domaines et les virements transfrontaliers.

La crise financière a démontré l’importance d’améliorer le contrôle prudentiel du secteur bancaire et de renforcer l’Union bancaire au sein de l’Europe.

L’Union bancaire vise à répondre aux problématiques suivantes :

  • stopper le processus de fragmentation qui résulte de création d’un lien entre la dette budgétaire des Etats membres et la dette bancaire, du fait que les autorités nationales encouragent leurs banques à stopper les relations bancaires et qui a pour effet de limiter la liberté la liberté de circulation des capitaux ;
  • l’inefficacité du contrôle prudentiel réalisé par l’autorité réalisé par l’autorité bancaire européenne (absence de pouvoir de sanction et de coopération entre les banques).

Les quatre piliers de cette union bancaire sont les suivants :

  • supervision bancaire (la Banque centrale européenne, BCE). Rôle d’analyse du comportement des banques par rapport aux normes prudentielles et l’organisation de stress test. La BCE est à ce titre dotée d’un pouvoir d’agreement, d’enquête et de sanction ;
  • ces contrôles s’effectuent au niveau de la création, de l’organisation et de la gouvernance des établissements bancaires ;
  • autorité de résolution de crise ;
  • garantie centralisée des dépôts à un niveau européen.

Le contrôle prudentiel passe par l’application de ratios de fonds propres inspirés des accords de Bâle. Cela garantit un niveau de risque acceptable et donc une solidité des banques et in fine de l’ensemble du système.

Les valeurs mobilières

Deux comités ont été créés pour assister la Commission dans sa politique de régulation des marchés financiers : le Comité européen des valeurs mobilières (CERV) et le Comité européen des régulateur de valeurs mobilières (CERVM). Le CEVR, créé par une décision de 2001, est un organe de réflexion attaché à la Commission pour élaborer de nouvelles Directives. Le Comité des régulateurs de valeurs immobilière (CERVM), créé également en 2001, regroupe les autorités publiques des Etats membres. C’est un organe indépendant de conseil et de contrôle. Il émet des avis sur les mesures d’exécution des directives et est un relais entre la Commission et les Etats membres.

L’objectif de ces deux comités est de concrétiser la réalisation du marché unique des services financiers, d’améliorer son fonctionnement et de protéger au mieux les investisseurs.

Les évolutions en matière de services financiers

Le plan d’Action pour les Services Financiers

En 1999, la Commission a adopté un Plan d’Action pour les Services Financiers (PASF) visant à instaurer un marché unique des services financiers grâce à :

  • un cadre juridique commun pour les marchés des valeurs mobilières et d’instruments financiers ainsi que pour les Fonds de retraites complémentaires ;
  • une suppression des obstacles à la levée des capitaux à l’échelle de l’Union ;
  • l’harmonisation des normes comptables ;
  • la création d’un environnement sûr transparent pour les restructurations transfrontalières ;
  • l’accessibilité et la sûreté des marchés de détail : information et protection du consommateur, commerce électronique, intermédiaires d’assurances, retrait de billets ou le paiement transfrontalier (ainsi, depuis 2002, les frais élevés pour le retrait de billets ou par carte bancaire sont identiques dans tous les Etats membres, ainsi que les virements sur des comptes bancaires) ;
  • le renforcement des règles de surveillance prudentielle.

Actuellement, la quasi-totalité des 42 mesures du PASF sont appliquées.

Autres mesures règlementaires

  • Rémunération des dépôts

Depuis mars 2005, la France qui était le dernier pays de l’UE à interdire la rémunération des dépôts à vue, s’est mise en conformité avec la jurisprudence communautaire, et les banques, en France, peuvent dorénavant, si elles le souhaitent, rémunérer les comptes courants.

  • Virements et paiements transfrontaliers

Depuis le 1er juillet 2002, les frais bancaires prélevés pour des retraits effectués à des distributeurs, des opérations par carte bancaire et des virements transfrontaliers en euros sont égaux à ceux facturés pour des transactions domestiques similaires. Un “espace unique de paiement en euros” (SEPA) a été mis en place puis révisé en 2015 afin de s’adapter aux paiements en ligne et par téléphone.

  • Harmonisation des règles du crédit à la consommation

Les Etats membres ont conclu le 21 mai 2007 un accord modifiant la directive sur le crédit à la consommation. Les nouvelles règles accroîtront la transparence du marché au profit du consommateur. Il pourra désormais comparer plus facilement les informations. De plus, une nouvelle méthode de calcul du taux annuel effectif global (TAEG), unique pour toute l’UE, permettra aux consommateurs de se rendre compte du coût réel du crédit.

Vers une Union des marchés de capitaux ?

En réponse au sous-investissement dans un certain nombre de secteurs ou de régions européennes, le projet d’Union des marchés de capitaux (UMC) entend faciliter le financement de projets dans l’UE. La Commission a lancé un plan d’action en 2020 afin de fluidifier la circulation des capitaux sur le Vieux Continent. Cette initiative s’est notamment concrétisée en novembre 2021 avec plusieurs mesures, dont celle consistant à offrir une meilleure visibilité aux investisseurs.

En parallèle, l’exécutif européen a cherché à abolir les traités bilatéraux d’investissement (TBI), signés entre les Etats membres au sein même de l’UE et qui mordent sur les compétences de l’Union. Ces accords ont souvent été signés avant les élargissement successifs. En 2020, 23 pays ont signé un compromis, marquant la fin des anciens TBI.

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