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La dévolution au Royaume-Uni

Royaume-Uni, Angleterre, Ecosse, Irlande… L’autre rive de la Manche révèle, lorsqu’on s’y penche, une multitude de termes géographiques qu’on a parfois du mal à remettre à leur place. Ce que l’on sait encore moins, c’est qu’au Royaume-Uni, les régions - ou plutôt les “nations constitutives” selon le terme officiel - bénéficient d’une autonomie croissante depuis la fin des années 1990. Quelles sont ces nations et quels pouvoirs leurs sont dévolus ? Toute l’Europe vous éclaire sur la question.

Carte nations

De l’unification à la dévolution : 1200 ans d’histoire

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord doit son nom officiel et son territoire actuel à la politique expansionniste du royaume d’Angleterre depuis le Moyen-Age. Au fil des siècles, il est parvenu à mettre la main sur tous ses voisins directs : l’Ecosse, le Pays de Galles, puis l’Irlande. Voici un petit récapitulatif des grandes dates qui ont vu, pour chacun d’eux, la perte puis la reconquête de l’autonomie vis-à-vis du pouvoir de Londres.

L’Ecosse en 5 dates :

843 : Les royaumes des peuples Scots et Pictes, qui occupent le nord de la Grande-Bretagne depuis l’empire romain, s’unissent et fondent le Royaume d’Ecosse.

1603 : Jacques VI roi d’Ecosse, seul héritier de la reine d’Angleterre Elizabeth Ière, lui succède sur le trône et unifie les deux couronnes. Il devient Jacques Ier d’Angleterre et d’Irlande.

1707 : La reine Anne signe l’Acte d’Union qui unifie politiquement l’Ecosse à l’Angleterre sous un seul royaume.

1997 : Reprenant à son compte les revendications exprimées par les Ecossais, las de l’hégémonie de Londres et du Parti conservateur sur le paysage politique, Tony Blair promet un référendum de dévolution qui est plébiscité. Le Parlement écossais se réunit après des élections pour la première fois en plus de 270 ans en 1999. Le travailliste Donald Dewar devient “First minister” d’Ecosse.

2014 : Le Parti national écossais (SNP), qui contrôle le Parlement, organise un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, qui échoue. Malgré cela, le SNP conserve sa popularité dans une nation longtemps dominée par les travaillistes.

Le Pays de Galles en 5 dates :

1057 : Gruffydd ap Llywelyn unifie les royaumes installés sur le territoire de l’actuel Pays de Galles.

1284 : Le roi d’Angleterre Edouard Ier envahit le Pays de Galles et marque le début de l’hégémonie anglaise sur la région. Il nomme son fils, le futur Edouard II, Prince de Galles, un titre qui demeure encore aujourd’hui pour désigner l’héritier du trône britannique.

1535 : Henri VIII signe le “Laws in Wales Act” qui intègre la principauté du Pays de Galles au royaume d’Angleterre.

1999 : A la suite de l’arrivée au pouvoir des travaillistes, un référendum sur la dévolution est organisé et les Gallois se prononcent favorablement à une très fine majorité. Dans la foulée, une loi pour une assemblée nationale galloise est adoptée. Lors des premières élections, les travaillistes l’emportent mais sont en minorité. Alun Michael devient “First secretary for Wales” .

2006 : Le “Government of Wales Act” est voté par Westminster. Il crée de fait un exécutif à part entière pour le Pays de Galles, avec un First Minister et un gouvernement, se rapprochant du modèle en place en Ecosse depuis 1999. La dévolution est étendue à de nouveaux domaines d’interventions.

L’Irlande du Nord en 5 dates :

1921 : En pleine guerre d’indépendance, l’Irlande est divisée en deux territoires séparés au sein du Royaume-Uni. L’année suivante, la partie sud déclare son indépendance, tandis que le nord, principalement protestant - les unionistes - souhaite rester au sein du Royaume-Uni.

1972 : Suite aux évènements du Bloody Sunday, où 14 manifestants défenseurs de l’égalité des droits entre catholiques et protestants sont abattus par la police britannique, le gouvernement britannique suspend le gouvernement d’Irlande du Nord et l’assemblée locale en place depuis 1921. Les années qui suivent sont marquées par les attentats de l’IRA contre la présence anglaise en Irlande du Nord.

1998 : Après un cessez-le-feu obtenu de l’IRA l’année précédente, le Good Friday Agreement rétablit une assemblée et un gouvernement local. Il est approuvé par référendum. Les premières élections se tiennent en juin et la première assemblée se réunit au mois de juillet. L’Irlande du Nord est co-gouvernée par un “First Minister” et un “Deputy First Minister” , postes aux pouvoirs égaux et occupés pour la première fois par David Trimble et Seamus Mallon respectivement .

2002 : L’assemblée d’Irlande du Nord est à nouveau suspendue. Les deux parties unionistes se retirent du gouvernement alors que le parti nationaliste Sinn Féin est soupçonné de liens avec l’IRA.

2007 : Après l’accord de St Andrews, où le Sinn Féin accepte de reconnaître la police nord-irlandaise et le parti unioniste DUP accepte de travailler avec les formations favorables à l’indépendance de toute l’Irlande, l’assemblée d’Irlande du Nord est rétablie.

Quels pouvoirs sont dévolus à ces trois nations ?

Si d’importantes compétences sont dévolues aux trois assemblées régionales d’Ecosse, d’Irlande du Nord et du Pays de Galles, ces dernières ne peuvent pas légiférer sur tous les sujets. Il faut distinguer les “devolved powers” (pouvoirs dévolus) et les “reserved powers (pouvoirs réservés). Les régions ne peuvent adopter des lois que si elles concernent leurs pouvoirs dévolus, qui concernent des problématiques régionales : les transports, la santé ou encore l’éducation. Les pouvoirs réservés - comme la politique étrangère ou la défense - demeurent l’unique compétence du gouvernement du Royaume-Uni, et sont traités au Parlement de Westminster, à Londres.

Tableau récapitulatif du niveau de compétence des régions britanniques dans les principaux pouvoirs dévolus :

Pouvoirs Ecosse Irlande du Nord Pays de Galles
JUSTICE et SECURITE

Justice
Police
Pompiers
Prisons

Exclusive
Exclusive
Exclusive
Exclusive

Exclusive
Exclusive
Exclusive
Exclusive

Aucune
Aucune
Aucune
Exclusive

SERVICES de SANTE Exclusive Exclusive Exclusive
ECONOMIE

Imposition
Aménagement urbain
Développement éco.
Transports

Partagée
Exclusive
Exclusive
Partagée

Partagée
Exclusive
Exclusive
Partagée

Aucune
Exclusive
Exclusive
Partagée

AGRICULTURE Exclusive Exclusive Exclusive
ENVIRONNEMENT Exclusive Exclusive Exclusive
EDUCATION et CULTURE Exclusive Exclusive Exclusive

Comment fonctionne la dévolution ?

Le système politique dévolu des trois nations constitutives est relativement semblable à celui de n’importe quel pays indépendant. Lors des élections législatives régionales, qui se tiennent tous les quatre ans (sauf en 2015 où les élections ont été repoussées à 2016 car elles coïncidaient avec les élections générales), les électeurs sont appelés à élire leurs députés, répartis comme suit :

En Ecosse, 129 “Members of the Scottish Parliament” (MSP) : 73 députés pour les circonscriptions et 59 députés pour les divisions administratives plus larges ;

En Irlande du Nord, 108 “Members of the Legislative Assembly” (MLA) : 6 députés pour chacune des 18 circonscriptions ;

Au Pays de Galles, 60 “Assembly Members” (AM) : 40 députés pour les circonscriptions et 20 pour les divisions administratives plus larges ;

Le résultat de chaque élection permet de nommer un exécutif issu du ou des parti(s) majoritaire(s). L’Ecosse et le Pays de Galles sont dirigés par un Premier ministre (First Minister), et l’Irlande du Nord est co-dirigée par un Premier ministre (First Minister) et un Vice-Premier Ministre (Deputy First Minister). Le chef de l’exécutif choisit ensuite les ministres de son gouvernement, sauf en Irlande du Nord ou la répartition des cabinets ministériels se fait proportionnellement aux scores des partis (selon la méthode dite d’Hondt).

Le processus législatif est ensuite classique. Le gouvernement élabore des projets de lois, qui sont étudiés par des commissions parlementaires et soumis au vote des députés. Bien entendu, seuls les domaines dévolus aux nations peuvent faire l’objet de législations

Et l’Angleterre ?

L’Angleterre est la seule nation constitutive du Royaume-Uni à ne pas posséder d’assemblée régionale. En effet, toutes les décisions la concernant sont prises au Parlement national de Westminster. Le sujet est un serpent de mer politique qui revient régulièrement dans les débats depuis cinquante ans, et encore plus depuis la dévolution accordée aux autres nations en 1999.

Ce sujet brûlant a longtemps été la “West Lothian question” , c’est-à-dire la problématique selon laquelle les députés écossais, gallois et nord-irlandais élus à Westminster (les députés nationaux, et non ceux des assemblées régionales) étaient en mesure de voter des lois ne s’appliquant qu’à l’Angleterre, quand l’inverse était impossible. Ce n’est qu’en 2015 que Westminster a adopté la loi dite des “votes anglais pour les lois anglaises” (English votes for English laws), excluant ainsi les députés régionaux de certains votes. Les députés écossais ont dénoncé ce texte qui ferait d’eux des “citoyens de seconde classe” .

La seule véritable institution aux pouvoirs dévolus en Angleterre est la Greater London Authority, qui dispose de plus de pouvoirs que les autres autorités locales anglaises. Elle est dirigée par le maire de Londres, élu au suffrage universel tous les quatre ans.

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