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L’UE face au nucléaire : des positions divergentes entre les Etats membres

Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars dernier, certains pays européens ont décidé de revoir leur politique dans ce domaine, en mettant fin au développement du nucléaire sur leur territoire. D’autres, au contraire, ont entrepris un renforcement de leurs structures, en particulier au niveau de la sécurité de leur centrale. Dimanche 30 octobre, les partis politiques belges, se sont accordés sur l’arrêt complet de leur programme nucléaire d’ici 2025, rejoignant dès lors l’Allemagne, l’Italie, et la Suisse. Tour d’horizon de la situation actuelle du nucléaire en Europe.

Une prise de conscience européenne après l’accident de Fukushima

L’Allemagne est le premier Etat européen a annoncé sa sortie, le 30 mai 2011, du nucléaire après les évènements survenus au Japon. Cette fin programmée s’effectuera progressivement : l’activité des huit réacteurs les plus anciens a d’ores et déjà été stoppée, un neuvième réacteur sera arrêté en 2015, un en 2017, un autre en 2019, puis les six derniers en 2021 et 2022.

Fournissant 22 % de l’électricité allemande, le pays va nécessairement devoir trouver une alternative au nucléaire. “Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont les deux piliers de la nouvelle politique énergétique” a souligné Norbert Röttgen, le ministre allemand de l’Environnement. Dans une loi, les Allemands ont déjà précisé que la part des énergies renouvelables devra augmenter de 17 à 35 % en 2020, et devra avoir atteint 80 % en 2050.

Mais cette transition énergétique verra également le retour des énergies fossiles à travers le développement de centrales au charbon et au gaz. Ces dernières provoquent des doutes, notamment en raison du risque de dépendance de l’Allemagne au gaz importé de Russie.

C’est pour cette raison que la République tchèque maintient son programme nucléaire. Le pays continuera d’exploiter ses deux centrales nucléaires afin de conserver son autosuffisance énergétique. Son programme nucléaire sera d’ailleurs renforcé, avec la construction de nouveaux réacteurs dans ses centrales, et la construction, en 2040 d’une troisième centrale au nord du pays.

Mais pour Nikolaus Berlakovich, ministre autrichien de l’Environnement “six mois après la terrible catastrophe de Fukushima au Japon, nos voisins n’en ont tiré aucune leçon” a-t-il souligné concernant les activités nucléaires de la République tchèque. L’Autriche a en effet renoncé au nucléaire depuis 1978, et s’affiche depuis ouvertement contre le nucléaire en Europe. En avril dernier, le chancelier Faymann avait d’ailleurs demandé à ses homologues européens de démanteler les 150 centrales nucléaires présentes sur le territoire européen.

L’Espagne est un cas à part en Europe. Aucune nouvelle centrale nucléaire n’est construite depuis 1988. Le pays a fermé la centrale de Zorita en 2006, et fermera le site de Garoña en 2013. Le gouvernement actuel se positionne fortement comme étant anti-nucléaire, tout comme l’opinion publique. Mais face à cette situation interne, l’Espagne a fait le choix de promouvoir le nucléaire dans les pays tiers. Ainsi en 2008 a été créé le Spanish Nuclear Group of China qui fabrique des valves pour des centrales nucléaires chinoises. Pour le gouvernement, cette situation n’est pas contradictoire. Elle permet aux Espagnols de conserver un niveau élevé de compétitivité dans ce domaine technologique.

L’Union européenne compte 143 réacteurs dans 14 pays, dont 58 en France, et 24 nouveaux réacteurs sont en projet, dont six sont déjà en construction : deux en Bulgarie, un en Finlande, un en France et deux en Slovaquie.

L’Italie, la Suisse et la Belgique renoncent également au nucléaire civil

En juin dernier, au cours d’un référendum, les Italiens se sont majoritairement prononcés contre le maintien de leur programme nucléaire (94,6 % des votes), désapprouvant ainsi les mesures de relance adoptées un an plutôt par Silvio Berlusconi. Déjà, en 1987, suite à l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, l’Italie avait voté l’arrêt des quatre centrales italiennes. A l’issu de ce nouveau référendum, le président italien du Conseil des ministres a souligné que “nous devrons dire adieu à l’option des centrales nucléaires et nous engager fortement dans les énergies renouvelables” .

La Suisse a quant à elle annoncé sa sortie du nucléaire fin septembre 2011. La construction de nouvelles centrales est interdite, et l’arrêt des cinq centrales actuellement en activité se fera progressivement avec des échéances en 2019, 2022, 2029 et 2034. Mais tout le programme nucléaire ne sera pas stoppé. En effet, les sénateurs suisses ont souhaité inscrire dans la loi le maintien de la recherche nucléaire, mettant en avant les avancées technologiques dans ce domaine.

Dimanche 30 octobre 2011, la Belgique a, à son tour, annoncé son intention de stopper sa production d’énergie nucléaire. Ce renoncement ne sera cependant véritablement effectué uniquement dans un délai de six mois après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement belge. Par cette décision des six partis politique de la coalition, la Belgique revient donc à la situation de 2003, année durant laquelle le Parlement belge avait décidé l’arrêt progressif (entre 2015 et 2025) des sept réacteurs présents sur le territoire. Mais en 2009, faute d’avoir trouvé une solution alternative, l’activité des réacteurs devant s’éteindre en 2015 fut prolongée de dix ans. L’instabilité politique présente en Belgique n’a pas permis au Parlement de donner son aval à cette loi, dès lors abandonnée.

La décision de la Belgique est malgré tout conditionnée. Dépendant à 55 % de l’énergie de l’atome, le pays devra en effet trouver des sources d’énergie alternative pour enrayer une potentielle pénurie d’électricité.

Un renoncement non sans conséquence

Une possible pénurie d’électricité est donc envisagée par les pays renonçant à l’atome. Cette question se pose en effet entre l’Allemagne et la France. Dans son étude annuelle “Observatoire européen des marchés de l’Energie” , la société française Capgemini a, fin octobre, souligné qu’ “il [existait] [en France] une menace réelle sur la continuité de la fourniture électrique pendant l’hiver 2011-2012 et les hivers suivants car les pointes de consommation augmentent d’année en année” .

Selon cette étude, la France, lors de ces pics de consommation, importe jusqu’à 8 000 mégawatt d’Allemagne. Colette Lewiner, la directrice internationale du secteur de l’énergie de Capgemini précise qu’à présent, “cette énergie ne sera plus disponible. […] La fermeture immédiate d’une partie du parc nucléaire allemand constitue une menace pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de l’Europe” .

La part du nucléaire dans la production d’électricité varie beaucoup d’un Etat membre à un autre.

En France, le nucléaire représente environ 77 % de son électricité, alors qu’aux Pays-Bas, le nucléaire ne constitue que 4 % de l’électricité.

L’Allemagne et l’Autriche ont trouvé un accord pour que trois groupes énergétiques autrichiens fournissent de l’électricité à l’Allemagne. Cet apport pourra compenser la diminution de la production allemande. Mais ces différents renoncements au nucléaire mettent en avant un problème global de fourniture d’électricité en Europe. Pour Pierre Lorquet, consultant à Capgemini, le glissement de l’Allemagne d’exportatrice à importatrice d’électricité “menace à nouveau la sécurité d’approvisionnement en Europe” .

La situation belge pourrait elle aussi provoquer des problèmes de pénurie. Le gouvernement qui sera établi n’aura que quelques mois pour trouver des solutions de remplacement. Dès lors, la question des énergies alternatives se pose sérieusement et rapidement car “à court et moyen terme, il n’y a pas assez de solutions de rechange. (…)Personne en Europe ne pourra livrer assez à la Belgique lors des pics de demande” souligne Pierre Lorquet. “Le gouvernement va rechercher activement de nouveaux investisseurs et de nouveaux sites encore inutilisés pour voir ce qui peut être fait” a précisé le porte-parole du gouvernement de coalition belge.

Le Royaume-Uni et la France toujours attachés à leur programme nucléaire

Face à ces pays qui ont renoncé au nucléaire, la France et le Royaume-Uni ont fait le choix de prolonger leurs activités dans ce domaine. A la suite du rapport sur l’évaluation des installations nucléaires britanniques, le gouvernement a donné son feu vert pour développer son programme nucléaire. Ainsi, David Cameron a donné son assentiment au renouvellement du parc nucléaire du pays, désignant huit nouveaux sites pouvant accueillir de nouvelles centrales.

Le rapport de Mike Weightman, inspecteur en chef des installations nucléaire au Royaume-Uni, mettait également en avant des dispositions en matière de la sécurité des installations présentes sur le territoire. Le rapport a ainsi écarté tout risque de catastrophe de type Fukushima, estimant que celui-ci ne serait “pas crédible” en Grande-Bretagne. Mais des mesures supplémentaires ont été demandées en ce qui concerne la protection des centrales se trouvant en zone inondables.

En France, dès mars 2011, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi et a rendu en juin 2011 son rapport sur la situation du parc nucléaire français. Ce rapport a souligné la nécessité pour la France de renforcer la sécurité de ses centrales, car “notre pays ne peut se prévaloir d’être totalement à l’abri d’une catastrophe naturelle d’une ampleur inattendue (…) L’industrie nucléaire française doit donc pousser d’un cran encore son investissement dans la sûreté” estiment les parlementaires.

La catastrophe de Fukushima a donc tout de même permis une prise de conscience au niveau sécuritaire. De nombreux pays européens ont en effet publié des rapports sur la sécurité de leur parc nucléaire. Mais Greenpeace a d’ores et déjà souligné que les tests de sécurité effectués n’avaient pas pris en compte des situations potentiellement extrêmes, notamment concernant les plans d’évacuation des villes ou encore l’évacuation des eaux contaminées. D’autre part, les Etats membres n’ont pas fourni les mêmes efforts. L’association a ainsi souligné que la République tchèque n’avait publié un rapport que de sept pages sur ses six réacteurs tandis que la Slovénie publiait un rapport de 177 pages sur son seul et unique réacteur.

En réponse à ces divergences entre les rapports étatiques, Günther Oettinger, commissaire européen à l’Energie, a affirmé qu’il ne prendrait pas en compte des tests de sécurité insuffisants. Ces rapports seront en outre réexaminés par les experts d’autres Etats. En cas de doute ou de manquements constatés, la porte-parole du commissaire européen a précisé que des corrections seront demandées aux Etats membres.



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