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L’Islande, bientôt membre de l’Union européenne ?

Le Parlement européen a salué hier la perspective d’adhésion de l’Islande. Sans surprise, les eurodéputés adhèrent aux mêmes conclusions que la Commission européenne : l’Islande satisfait déjà à de nombreux critères européens et a toutes les capacités nécessaires à l’adoption des exigences fixées pour l’adhésion. Cet avis pourrait être accueilli avec satisfaction par le gouvernement islandais s’il n’y avait pas de nombreuses questions en suspens. L’affaire Icesave est l’un des sujets sensibles. Un “oui” au référendum de ce samedi 9 avril faciliterait-il le processus ?

Les Islandais, des Européens méfiants

Historiquement, les Islandais se sont toujours montrés méfiants vis-à-vis de l’Union européenne. Le pays a certes rejoint l’Association européenne de libre-échange (AELE) en 1970 mais moins par conviction que par pragmatisme. C’est la même raison qui a poussé le pays à rejoindre l’Espace Economique Européen (EEE) en 1994. L’EEE ne contient aucune dose de supranationalité, tout en contribuant à l’expansion des échanges entre l’île et le continent.

L’Espace Economique
Européen
, crée en 1992, est fondé sur le principe des “quatre libertés” (liberté de circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes) et la mise en œuvre de “politiques d’accompagnement” pour intensifier la coopération culturelle, scientifique, les actions pour l’environnement, etc. Il s’agit avant tout de renforcer l’intégration entre les douze Etats de la CEE et les sept Etats de l’AELE.


Les avantages d’une participation à l’EEE n’ont pas encouragé les autorités à aller plus loin dans l’adhésion. Lorsque la Commission européenne donne l’opportunité en 2000 à l’Islande de rejoindre l’Europe des Quinze, le gouvernement préfère choisir le statu quo. Comme s’en explique alors Davíð Oddsson, le chef du gouvernement, devant le Parlement :

  • l’EEE suffit aux besoins du pays,

  • l’Islande serait contributeur net de l’UE pour un retour incertain,

  • l’agriculture ne pourra jamais concurrencer celle du continent et la gestion de la pêche n’intéresse pas les Institutions.

De manière plus générale, beaucoup craignent la dissolution d’une nation de moins de 300 000 citoyens au sein d’une superpuissance de centaines de millions d’habitants. A leurs yeux, l’Union européenne semble dominée par les grands États et gérée par une technocratie avide de réglementations et peu soucieuse des intérêts d’une petite île lointaine.

Ces arguments sont depuis régulièrement repris par les partis politiques qui préfèrent ne pas s’engager plus avant sur le sujet. Le Parti de l’indépendance (PI-droite) et le Parti du progrès (PP-centre), partis incontournables de la vie politique islandaise, choisissent l’attentisme, tandis que la gauche verte, aujourd’hui dans la coalition au pouvoir, est officiellement hostile à une plus grande intégration. Reste l’Alliance sociale-démocrate, deuxième parti de la coalition et seul parti officiellement europhile. Ce sont ses dirigeants, par la voix notamment du Premier ministre, Jóhanna Sigurðardóttir, qui négocient aujourd’hui l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne.


2008, le tournant europhile ?

Alors que ces dernières années, un nombre constant d’Islandais (45%) se déclaraient en faveur d’une adhésion, ils sont soudain près de 80 % en octobre 2008 à souhaiter une entrée immédiate dans l’Union européenne. Si l’écart est surprenant, il s’explique très bien dans le contexte économique du moment.

Le pays est déjà depuis plusieurs mois sévèrement touché par la récession économique et la crise financière mondiale. Il se retrouve confronté, fin 2008, à la dévaluation de sa monnaie et à la faillite de son système bancaire, tout particulièrement de la banque Landsbaki.

En 2006, les dirigeants de Landsbaki, deuxième banque islandaise, créent une banque de dépôt en ligne, Icesave, au Royaume-Uni puis aux Pays-Bas. Grâce à des taux attractifs, elle attire des centaines de milliers d’épargnants. Mais, lorsque la banque Landsbaki fait faillite en octobre 2008, les autorités britanniques et néerlandaises exigent le remboursement de ces épargnants avec une garantie de l’Etat islandais. Le montant de la dette s’élève à 3,8 milliards d’euros, couvert en grande partie par les actifs de la banque. Mais avec les intérêts, il reste à l’Etat islandais la somme d’environ 2 milliards d’euros à rembourser.

Devant les difficultés que rencontre le pays, l’Union européenne, et à terme la zone euro, apparaissent comme un refuge économique. Sous la pression de la rue, le Premier ministre islandais Geir Haarde (centre) présente la démission de son gouvernement en janvier 2009 et les élections anticipées portent au pouvoir le 25 avril les sociaux-démocrates, favorables à l’adhésion. Ils déposent la demande d’adhésion à l’Union européenne en juillet 2009. Moins de sept mois plus tard, la Commission européenne émet un avis favorable.

Comme l’a souligné hier la résolution du Parlement européen, il est vrai que le pays bénéficie déjà d’un haut niveau d’intégration avec l’UE par sa participation à l’EEE et à l’espace Schengen. Il applique les deux tiers de la législation européenne et participe également, bien que sans droits de vote, à un grand nombre d’agences et de programmes de l’UE. De plus, le pays partage les valeurs européennes, telle que la tradition démocratique ou le respect des droits humains.


Une adhésion incertaine

Depuis 2008, le vent semble pourtant avoir tourné. Lorsqu’en juillet 2009, la motion autorisant le gouvernement à négocier l’adhésion est adoptée au parlement islandais, la majorité obtenue est courte (33 voix contre 28) et les sondages soulignent une hostilité grandissante de l’opinion publique. Selon un sondage réalisé à l’automne dernier, les Islandais ne sont plus désormais que 60% à souhaiter l’ouverture de négociations. La crise de la zone euro a sans aucun doute été un déclencheur du retour de la méfiance, faisant douter les Islandais de leur foi en la monnaie européenne.

Mais, c’est surtout le règlement de l’affaire Icesave qui a cristallisé les mécontentements. Le premier accord négocié avec les Britanniques et les Néerlandais et rendu public le 6 juin 2009 a fait l’effet d’une douche froide pour la population. L’Etat islandais doit en effet se porter caution d’un emprunt à Landsbanki, désormais nationalisé, de 1,3 milliards d’euros (avec un intérêt de 5,55%). L’Union européenne, qui a participé aux négociations, apparait alors comme principale responsable aux yeux de la population : elle n’est plus le refuge espéré. Au référendum de mars 2010, 93% des Islandais rejettent l’accord.

Aux questions économiques s’ajoute le sujet sensible de l’agriculture et de la pêche, un volet des négociations qui, selon le commissaire à l’Elargissement Stefan Füle, “ne sera pas une promenade de santé” . La perspective d’avoir à partager les eaux territoriales avec toutes les flottes de pêche européennes inquiète l’Islande, de même que celle de la concurrence avec les grands Etats agricoles. L’adoption récente de quotas de maquereaux en hausse par le gouvernement islandais n’est que l’une des illustrations des tensions sur ces questions. Elles laissent présager des négociations difficiles. Se pose également la question de la pêche à la baleine, autorisée dans le pays mais interdite dans l’Union européenne. Qualifiée de “profonde divergence” par le Parlement européen, la question est d’autant plus sensible que l’interdiction de la chasse à la baleine fait partie de l’acquis communautaire.

Dans ce contexte, le nouveau référendum sur la loi Icesave de ce samedi 9 avril n’aura finalement que peu d’impact sur le processus d’adhésion. Certes, la somme restant à payer est trois fois inférieure à celle d’il y a un an (293 millions d’euros), les taux d’intérêt ne sont plus que de 3,2% et la période de remboursement est étendue. Il se peut donc que cette nouvelle mouture soit acceptée par les Islandais - quoique le dernier sondage publié hier prédise la victoire du “non” à près de 55%. Mais les résultats n’auront que peu de conséquences au regard des autres difficultés. Même le gouvernement anglais, qui menaçait un temps de bloquer le processus en cas de “non” au référendum, n’utilise désormais plus cet argument. Les autorités sont plus intéressées par l’entrée d’un nouveau pays eurosceptique dans l’Union.

La vraie incertitude reste l’évolution de l’opinion islandaise. Même si le Parlement européen s’est déclaré optimiste, les récents sondages proposent des résultats contradictoires. Certains prédisent la victoire du “non” à 60%, tandis que selon d’autres, 65,4% des Islandais seraient favorables à la poursuite des négociations. C’est ce résultat de sondage qu’a préféré retenir le Parlement, bien qu’il encourage également les autorités à favoriser le débat public.

Mais malgré l’optimisme affiché, l’issu des négociations se révèle bien incertaine.


En savoir plus

Les étapes pour adhérer - Toute l’Europe

Carte des pays candidats - Toute l’Europe

Communiqué de presse du Parlement européen

Rapport de suivi 2010 de la Commission européenne

Miche SALLE, “L’Islande et l’Union européenne : portrait d’une (in)décision politique, Questions internationales n°47, janv.-fév. 2011

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