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Quels pays autorisent l’euthanasie en Europe ?

Le débat sur la fin de vie est loin d’être une spécificité française. Dans les autres Etats membres de l’Union européenne, l’euthanasie constitue aussi une importante question de société. Avec des lois très variées, allant d’une autorisation totale à sa criminalisation en toute circonstance.

Alors qu’un projet de loi pour une “aide à mourir” est en préparation en France, plusieurs pays, comme les Pays-Bas et la Belgique, ont légalisé l’euthanasie active depuis plus de vingt ans. 

L’euthanasie active désigne le fait d’abréger intentionnellement les souffrances d’une personne. Un médecin ou un tiers va par exemple injecter une substance entraînant directement la mort du patient.

L’euthanasie passive ou indirecte se produit lorsque l’équipe médicale en charge du patient décide de ne pas prendre des mesures pour prolonger la vie. La mort peut survenir par l’administration de médicaments analgésiques ou après le débranchement d’un respirateur.

Enfin, l’assistance au suicide, ou suicide médicalement assisté, désigne le fait de se donner la mort avec l’aide d’une personne qui fournit un moyen pour ce faire. Le moyen doit toutefois être pris par la personne malade elle-même, sinon il s’agit d’une euthanasie active.

Pays qui ont légalisé l’euthanasie active

Les Pays-Bas sont le premier pays du monde à avoir légalisé l’euthanasie. La loi, votée en 2001, pose six conditions pour que l’acte réalisé par le médecin soit légal. Le patient doit, notamment, faire la demande lui-même et la matérialiser par écrit. Il doit souffrir en raison d’une cause médicale, ce qui exclut les personnes en bonne santé. Le médecin n’est pas obligé de coopérer à l’euthanasie. En avril 2023, les Pays-Bas ont franchi une nouvelle étape en autorisant l’euthanasie pour les enfants de moins de 12 ans qui souffrent de maladies incurables induisant une mort prochaine inévitable.

La Belgique est venue encadrer la pratique de l’euthanasie par une loi entrée en vigueur le 22 septembre 2002. De manière unique, le droit belge autorise et encadre depuis 2014 l’euthanasie des mineurs dans une situation médicale sans issue. Pour les majeurs comme pour les mineurs, le médecin doit s’assurer que le patient est doté de la capacité de discernement lors de sa demande et qu’il souffre d’une pathologie grave et incurable.

Au Luxembourg, l’euthanasie est autorisée depuis 2009. Celle-ci n’est permise que pour les majeurs dans une situation médicale sans issue.

L’Espagne est devenue le 25 juin 2021 le sixième pays du monde à légaliser l’euthanasie. Le patient doit être majeur, avoir la nationalité espagnole ou résider en Espagne depuis plus de 12 mois, et doit souffrir d’une maladie grave et incurable. 

Au Portugal, la loi dépénalisant l’euthanasie active a été promulguée le 16 mai 2023. Celle-ci permet notamment l’euthanasie lorsque “le suicide médicalement assisté est impossible en raison d’une incapacité physique du patient”.

Pays autorisant l’euthanasie passive

Assimilée à un homicide en France, l’euthanasie active y est interdite. La loi Leonetti de 2005 autorise cependant un patient, lorsqu’il juge que le traitement qui lui est administré relève d’une “obstination déraisonnable”, à refuser ledit traitement, quand bien même ce refus l’expose à mourir. La législation offre cette faculté aux équipes médicales pour les patients ne pouvant plus exprimer leur volonté lorsque la poursuite des traitements n’a plus de sens sur le plan médical. La loi Claeys-Leonetti, votée en 2016, donne la possibilité de formuler des “directives anticipées” ou de demander une sédation profonde jusqu’au décès. 

Dans un avis publié le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ouvre la voie à une légalisation du suicide assisté, à condition de développer les soins palliatifs et l’accès à la sédation profonde. Le comité évoque la possibilité d’un accès légal à l’euthanasie destiné seulement aux personnes qui ne sont physiquement plus aptes au suicide assisté, sous la condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme. Lancée en décembre 2022, une convention citoyenne sur la fin de vie a eu lieu dans le pays. Son but : faire évoluer le débat, à la fois sur la sédation, l’aide assistée au suicide et l’euthanasie active. Les 184 citoyens tirés au sort ont débattu pendant 27 jours, se prononçant majoritairement le 2 avril 2023 en faveur d’une “aide active à mourir”.

Le 10 mars 2024, Emmanuel Macron annonce dans un entretien à La Croix et Libération un projet de loi pour une “aide à mourir”, qui pourrait être présenté en Conseil des ministres en avril 2024. Ce texte permettrait aux patients atteints de maladies incurables et “capables d’un discernement plein et entier” de “demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes”.

Dans certains pays européens, la jurisprudence a permis de faire évoluer la législation sur l’euthanasie, comme en Autriche, en Allemagne et en Italie.

En Autriche, depuis le 1er janvier 2022, l’assistance au suicide est dépénalisée. Celle-ci se limite aux personnes gravement malades et en phase terminale, les mineurs étant exclus de la réglementation. La nouvelle loi avait été approuvée par le Parlement en décembre 2021, un an après que le Cour constitutionnelle a demandé au gouvernement de revoir la législation qui punissait l’aide à mourir d’une peine de cinq ans de prison. 

En Allemagne, en février 2020, la Cour de Karlsruhe a annulé l’interdiction de l’assistance au suicide votée par le Bundestag en 2015 et a précisé que les personnes avaient le droit de mourir de manière autonome, même avec l’aide de tiers. L’euthanasie active reste interdite et poursuivie en vertu de l’article 216 du code pénal allemand, mais l’euthanasie passive est quant à elle autorisée. Le Parlement allemand a récemment lancé plusieurs consultations et doit prochainement débattre des possibilités de réforme de l’euthanasie.

En Italie, la Cour constitutionnelle a ouvert en 2019 la possibilité de demander le suicide médicalement assisté. Plusieurs conditions sont requises : la personne qui le demande doit être pleinement capable de discernement, être atteinte d’une pathologie irréversible entraînant de graves souffrances physiques ou psychiques et contrainte de recevoir un traitement de maintien en vie pour survivre. L’euthanasie active est toujours considérée comme un crime et relève des hypothèses prévues et punies par l’article 579 (meurtre de la personne consentante) ou l’article 580 (incitation ou aide au suicide) du code pénal.

Au Danemark, l’euthanasie active et le suicide assisté sont condamnés. Plusieurs textes évoquent pourtant l’euthanasie sans la nommer, dans le but de limiter l’acharnement thérapeutique. Ainsi, un médecin peut s’abstenir de soigner un patient dont la mort est inévitable. Un malade peut aussi rédiger un testament de vie dans lequel il exprime son refus de tout traitement médical dans certaines circonstances.

L’euthanasie n’est pas un acte légal en Finlande. Une initiative citoyenne visant à autoriser l’euthanasie a été rejetée par le Parlement en mai 2018. Un groupe de travail a été établi dans l’objectif de rechercher une meilleure qualité de soins palliatifs. La Suède et l’Estonie ont une position similaire et autorisent l’arrêt d’un traitement de survie, comme l’arrêt d’un ventilateur ou l’interruption de l’alimentation, lorsque le patient en fait la demande. Même chose en Croatie où l’euthanasie passive est autorisée si elle est pratiquée en ne traitant pas, en éteignant l’appareil médical, en arrêtant la thérapie et en laissant le patient mourir.

En Grèce, la volonté du patient de refuser et d’interrompre un traitement à tout moment est pleinement reconnue. La loi tolère l’euthanasie passive qui présuppose le consentement du patient et la survenue physique de la mort comme une certitude. Situation analogue en Hongrie où la loi ne reconnaît actuellement que l’euthanasie passive. Les patients ont le droit de refuser un traitement lorsque la maladie entraînera la mort à brève échéance. Un comité médical doit toutefois se prononcer sur la recevabilité de la demande.

La Slovaquie permet elle aussi l’euthanasie passive, à condition que le patient ait fait part de son consentement libre et éclairé. Législation similaire en Slovénie, où le patient a le droit de faire tout ce qui est possible pour éliminer ou atténuer sa douleur et les autres souffrances liées à sa maladie. Il a également le droit de se voir éviter toute douleur inutile et toute souffrance liée à une intervention médicale au cours de ses soins médicaux.

Pays qui interdisent l’euthanasie

Dans neuf pays européens, comme en Bulgarie, l’euthanasie ou l’aide au suicide n’est envisagée que sous le prisme pénal. Le code pénal bulgare prévoit ainsi une peine allant jusqu’à six ans de prison pour quiconque aide ou incite une autre personne à se suicider.

A Chypre, l’euthanasie est qualifiée de complicité dans le suicide d’une autre personne et est passible d’un emprisonnement de dix ans. Il s’agit de l’une des législations les plus fermes sur le sujet, avec Malte où la peine d’emprisonnement peut aller jusqu’à douze ans pour quiconque incite une personne à se suicider ou l’aide à le faire.

L’euthanasie est aussi illégale et pénalisée, parfois très sévèrement, en Pologne, en Irlande, en République tchèque, en Roumanie, en Lettonie et en Lituanie.

L’euthanasie ailleurs en Europe

En Suisse, l’euthanasie active est punissable en vertu du code pénal, selon les cas. L’euthanasie passive est admise dans la mesure où elle n’est pas expressément réglée par la loi. L’assistance au suicide est quant à elle pleinement autorisée. Trois conditions sont posées pour pouvoir y recourir : le patient doit être doté de la capacité de discernement, il doit s’administrer lui-même la dose létale et, enfin, le médecin ne doit pas être poussé par un mobile égoïste. En pratique, le suicide assisté s’opère en Suisse par le biais d’associations.

Au Royaume-Uni, selon les circonstances, l’euthanasie est considérée comme un homicide involontaire ou un meurtre. La peine maximale est la prison à vie. L’assistance au suicide est également illégale et est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans. Le pays privilégie le développement des soins de fin de vie personnalisés et de haute qualité pour aider les patients à vivre aussi bien que possible jusqu’à leur mort.

La Norvège interdit également l’euthanasie et l’aide au suicide. En revanche, un patient a le droit de refuser de recevoir un traitement de prolongation de la vie, lorsque celui-ci n’est pas administré dans la perspective d’une guérison ou d’un rétablissement.

Que dit l’Union européenne ?

L’Union européenne s’implique généralement peu dans les questions de société, telles que l’euthanasie ou l’avortement.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), quant à elle, s’est prononcée pour la première fois sur une législation qui autorise l’euthanasie dans un arrêt du 4 octobre 2022, Mortier c/ Belgique. Dans cette affaire, le bras judiciaire du Conseil de l’Europe considère que la législation belge sur l’euthanasie ne viole pas le droit à la vie (article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme). Elle ne reconnaît pas pour autant un droit à l’euthanasie et laisse donc chaque Etat libre de l’autoriser ou non. Cependant, si un pays fait le choix de la permettre, alors la Cour impose des garanties pour éviter les abus. En assurant par exemple le respect du droit à la vie privée.

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8 commentaires

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    Michel DEFOSSE (84 ans)

    ROYAUME UNIS (CE QU’IL EN RESTE) ET SES SATELLITES NE FONT PLUS OU PAS PARTIE DE L’UNION EUROPÉENNE, NOUS N’AVONS DONC PLUS OU PAS BESOIN DE LEURS AVIS EN MATIÈRE D’EUTHANASIE.ILS
    NE REPRÉSENTE PLUS GRAND CHOSE DANS LE MONDE.
    AVIS DE BEAUCOUP DE MEMBRES DE LA C.E E , ILS SONT DEVENU LES LAQUAIS DES U.S.A.

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    Michel DEFOSSE (84 ans)

    Je suis belge et j’ai 84 ans, j’estime qu’une fois de plus, la
    BELGIQUE qui est un petit pays peut avoir de grandes idées, en permettant l’euthanasie à la demande du patient atteint d’une maladie irréversible, fait preuve d’humanisme et de tolérance, ce sujet devrait être étendu à l’EUR et à tous ces membres sans exception.BRAVO LES BELGES.

    A PORTER À TOUS LES MEMBRES DE LA COMMISSION E U R

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    ANDRÉ Éric

    Ne reglerait-on pas une grande partie des demandes de suicide assisté en libéralisant dans toute l’union européenne la vente du pentobarbital, ou de toute autre substance permettant de de donner la mort sans douleur ?
    Si le suicide est un droit fondamental, ne faudrait-il pas interdire toute activité de prévention du suicide, qui serait requalifiee en délit d’entrave ?

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    Poncet Patrice

    Puis je aller me faire euthanasier en Belgique alors que je suis français ? Pourquoi ? La citoyenneté européenne ne suffit elle pas ?

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    MANI

    Question complexe. Chaque état a une vue différente et parfois divergente. Faut-il suivre le même“chemin”?

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    conscience

    Je suis consciente du mal être fatal à certaines maladies néanmoins Même si je réfute par non droit la restriction de ses conditions (Jeune) je ne peux être sereine sans demander de repenser à son utilisation forcé par la médiatisation endoctrinant la pensé des plus affaiblies.. puis …
    les déchet que celle ci produit sont extrêmement polluant…

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    De Coster Jack

    L’heuthanasie passive veut donc dire qu’on prive un patient incurable, il ne va pas nécessairement mourir demain, de ses médicaments ou du moins on réduit les doses, ses souffrances seraient dès lors encore plus insupportables ou alors je me trompe !

    • Avatar privé
      alix

      L’euthanasie passive ne prive pas un patient des médicaments antidouleurs. Relativement à la loi Claeys-Leonetti, le patient bénéficie d’une sédation profonde et continue couplé à des antalgiques permettant ainsi d’attendre que les organes cessent de fonctionner naturellement et sans douleurs.